Arizona dream d’Emir Kusturica ***
Parfois il faut le reconnaître je suis bien obligée de vous parler de la télé car ce soir Arte à 21 heures propose cette pépite de Kusturica. Si vous ne l’avez pas vu précipitez-vous et si l’univers foutraque et totalement barré de l’ensemble vous rebute, tenez bon jusqu’à la performance d’anthologie de Vincent Gallo, fou furieux suicidaire, malade de cinéma (ça existe ???), qui réalise le mime (incompris) d’une scène non moins d’anthologie d’un film d’Hitchcok… inoubliable, fabuleuse, zarbi et époustouflante ! Sinon, laissez vous embarquer comme Emir qui à l’époque rêvait d’Amérique comme ses personnages rêvaient d’un ailleurs différent où ils pourraient décoller dans de drôles de machines volantes.
Je crois que c’est le premier film de Kusturica que j’ai vu. Je suis entrée sans difficulté et avec ravissement dans cet univers fantasque où des personnages décalés désespérément poétiques nous faisaient croire à la liberté. Plus tard, je me suis offert toutes les séances de rattrapage possible de cet auteur qui délire et nous fait trépigner de joie avec lui.
Pourtant, ici, les personnages ne sont pas simples, ils sont même souvent suicidaires et parfaitement désenchantés. Ils se relèvent et rechutent. Lily Taylor (adorablement timbrée) avec son accordéon et ses tortues, éperdue d’amour pour Axel qui l’ignore, lâche cette réplique, mine de rien : « deux perdus font pas un trouvé » et c’est ce qui se passe dans ce délire protéiforme, les personnages se cherchent, se trouvent, se trompent. J’ai le souvenir d’un film brillant, bruyant, survolté et d’une tristesse infinie, d’un énigmatique poisson qui le traverse, de Faye Dunaway folle à lier, de Jerry Lewis doux dingue, tous deux follement pathétiques et refusant de vieillir, de Lily Taylor douce et douloureuse, de Vincent Gallo marginal, désorienté et cinéphile (il imite Robert De Niro, récite par coeur des passages entiers de films...) et de Johnny Depp (encore tout jeune acteur) blessé et plein d’espoir qui prouvait déjà qu’il serait un acteur différent !
Je n’oublie pas non plus qu’à l’époque Emir Kusturica et Goran Bregovic s’aimaient encore et qu’il nous offrait une partition insensée, exaltée et mémorable. Depuis, aux concerts de Goran, des salles combles de fans énamourés entonnent doucement :
« A howling wind is whistling in the night
My dog is growling in the dark
Something's pulling me outside
To ride around in circles
I know that you have got the time
Coz anything I want, you do
You'll take a ride through the strangers
Who don't understand how to feel
In the deathcar, we're alive
In the deathcar, we're alive”
Ceci vous donnera une bonne idée de la loufoquerie de l'ensemble