L’étrange histoire de Benjamin Button de David Fincher ****
Le jour où se prépare l’ouragan Katrina, Daisy vieille femme mourante à l’hôpital demande à sa fille Caroline de lui lire un journal intime qu’elle a précieusement gardé toute sa vie. Il s’agit de l’incroyable histoire de Benjamin Button.
En 1918, une femme meurt en donnant naissance à Benjamin. Le père, terrassé par la mort de la femme qu'il aime et terrifié par l’apparence de vieillard du bébé l’abandonne sur les escaliers d’une maison. A une époque, dans un pays et un Etat, La Nouvelle Orléans, où le racisme triomphe, c’est par un incroyable acte de courage et de tolérance que commence la vie de Benjamin, recueilli par une jeune femme noire, aimante et maternelle.
Fincher place d’emblée son film dans la réalité voire le réalisme mais évidemment sous un angle follement romantique et romanesque. A aucun moment il n’est question de conte, de légende ou de surnaturel. L’état et la l’apparence de Benjamin vont surprendre tous ceux qu’il va rencontrer au cours de sa riche existence, mais la surprise passée, il sera toujours accepté tel qu’il est. Pourtant son corps et son âge ne seront en accord qu’au milieu de sa vie, vers 40 ans.
Elevé dans la maison de retraite où sa mère travaille, Benjamin va être très tôt confronté au fait de perdre un à un les gens qui l’entourent. C’est une des nombreuses interrogations sans réponse que pose ce film : comment se préparer à la mort des êtres qu’on aime ? Et aussi, comment accepter de les voir vieillir alors que lui ne cesse de rajeunir ? Benjamin vit sa vie à reculons et toutes ses expériences, tous ses apprentissages il les fera toujours en totale contradiction avec l’âge qu’il semble avoir. C’est ainsi qu’il rencontrera Daisy alors qu’elle a 5 ans et lui 8. Elle sera fascinée par ce vieillard aussi petit qu’elle et lorsqu’il s’embarquera sur un remorqueur pour découvrir le monde, elle lui dira « écris-moi, écris moi partout où tu iras ». Toujours en contact mais jamais ensemble, ils passeront ou perdront beaucoup de temps à se croiser, se perdre, se retrouver. Lorsque Daisy aura 25 ans, trop préoccupée par sa carrière de danseuse étoile, elle manquera une nouvelle fois « la » rencontre pour mieux la vivre, enfin, plus intensément, plus passionnément quelques années plus tard. Un peu esclave de son corps parfait et longiligne de sportive, Daisy brutalement marquée dans sa chair, finira par atteindre une forme de sagesse en acceptant que l’autre aussi peut la voir au-delà des apparences, s’attacher à ses rides comme il le fit pour sa jeunesse. Mais ce sera toujours un choc pour elle de découvrir Benjamin de plus en plus parfait alors qu’elle sait que le destin lui infligera de ne plus être qu’une vieille femme qui berce un bébé mourant. Inutile de vous dire à quel point le cœur palpite à suivre cette histoire hors du commun contée sans emphase mais avec une beauté et une émotion qui frôlent l’ivresse par instants.
Mais avant que Benjamin et Daisy ne s’aiment, il s’embarquera vieil homme de 17 ans à bord d’un remorqueur (dont le capitaine considère son propre corps comme une oeuvre d'art) qui lui fera traverser le monde et la guerre (une scène époustouflante contre un sous-marin !). Il connaîtra son premier amour avec Elizabeth, femme riche et oisive qui rêve de traverser la Manche à la nage. Cet amour là offre sans doute les passages parmi les plus séduisants et ensorcelants du film, grâce notamment à Tilda Swinton qui embellit de plan en plan.
David Fincher réussit un film foisonnant, passionnant, palpitant d’une ampleur et d’une beauté saisissantes à chaque plan. Il emporte le cœur et la raison, il parle d’amour, de mort, de chagrins insurmontables, de tolérance et de sentiments qui vont bien au-delà des apparences, mais surtout de la vie merveilleuse et douloureuse. Un film qui fait vibrer le cœur et battre les émotions, ou l’inverse et qui fait rire aussi à de nombreuses reprises et notamment avec un comique sept fois répétitif qui fait pourtant mouche à chaque fois…
Cate Blanchett est Daisy de l’adolescence à 80 ans, elle est lumineuse et habitée par le personnage. Mais que dire de l’Acteur qui offre à Benjamin Button son cœur, son corps et son âme à ce rôle écrasant, gigantesque ? Brad Pitt qui apparaît peu à peu à force que le film avance jusqu’à redevenir le tout jeune homme blond de « Thelma et Louise », occupe et absorbe le film tout entier. Sous le maquillage et les effets spéciaux comme on n’en a sans doute jamais vu de si parfaits, il est de tous les plans, absolument fabuleux.
Un film, un choc, un acteur, le bonheur.