A peine le coup d’envoi donné de la première édition de ce tout nouveau festival consacré au cinéma et déjà je me dis que je serai là l’année prochaine et la suivante et celle d’après… non sans négliger la fierté de pouvoir clamer haut et fort qu’à la naissance de ce festival
« j’y étais ! ».
Mais je vais un peu vite, ou pas assez. C’est que je reporte le moment de vous raconter cette soirée tant je crains que les mots me manquent pour vous retranscrire mon enthousiasme et la fébrilité ressentie tout au long de cette journée en attendant que les festivités commencent.
Dès l’arrivée au Village du Cinéma :
(700 m2 dédiés aux festivaliers et aux curieux : un café, une DVDthèque avec des centaines de titres du cinéma classique, une librairie du cinéma avec tous les livres des invités du festival et l’exposition inédite de photographies de Lyon par le cinéaste Jerry Schatzberg, la possibilité d’assister à des conférences et signatures d’auteurs), on sent qu’il sera un Festival différent, un festival sans compétition ,simple mais d’une richesse inouïe, convivial, sans strass, sans paillettes, un festival comme je les aime, placé sous le signe de la cinéphilie, de l’amour inconditionnel et du partage du cinéma.
Un festival à l’image de ses prestigieux créateurs Bertrand Tavernier et Thierry Frémaux, respectivement Président et Directeur de l’Institut Lumière et de ce Lumière 2009, passionné, passionnant, admiratif, reconnaissant, chaleureux.
Un festival populaire comme le souhaite plus que tout Thierry Frémaux et dont il est l’âme, la voix, l’énergie, la silhouette, le sourire et l’émotion. J’y reviendrai, mais vous l’avez compris, c’est officiel :
THIERRY FRÉMAUX, JE T’AIME D’AMOUR !!!
La soirée d’ouverture, c’était donc hier et elle s’appelait en tout simplicité :
« SOIRÉE EXCEPTIONNELLE ».
Et elle le fut.
Rassurez-vous, consolez-vous, vous tous qui ne pouviez y être, je l’ai vécue, au centuple, au milluple, pour chacun d’entre vous, le cœur battant d’être au cœur même d’un événement lié à la passion qui bouleverse souvent ma vie, attentive, comblée, le regard émerveillé…
Vous le savez car vous ne cessez évidemment de vous rendre sur le merveilleux site consacré au Festival, cette première édition se présente sous différents axes :
- Il était une fois Sergio Leone : à l’occasion des 20 ans de sa disparition, une rétrospective intégrale avec copies neuves et restaurées de ses films,
- Re-découvrir Don Siegel : à la demande de Clint Eastwood (qui ???),
- Re-découverte du cinéaste coréen Shin Sang-Ok dont la vie est paraît-il aussi romanesque que l’œuvre,
- Présentation par Eddie Muller de 7 films « noirs » oubliés,
- Sublimes moments du muets : 3 films à découvrir dans des lieux singuliers du Grand Lyon avec accompagnement musical en direct…
Et cerise sur le clafoutis, remise du Prix Lumière 2009 à Clint Eastwood, parrain des deux rétrospectives Leone et Siegel, pour l’ensemble de son œuvre et pour le lien qu’il entretient avec l’histoire du cinéma. Ce sera samedi soir et mon cœur manque parfois un battement quand je pense à cette cérémonie…
Hier soir, nous étions donc 5 000 à suivre cette exceptionnelle soirée d’ouverture, la plus rock and roll qu’il m’ait été donné de vivre si j’en juge par ce que je connais des cérémonies guindées et pompeuses retransmises à la télévision.
A 20 h 38, la Halle Tony Garnier (ancienne halle à bestiaux transformée en salle de spectacles et ce soir en une immense salle de cinéma) s’éteint et les notes mémorables, inoubliables et envoûtantes d’ « Il était une fois dans l’Ouest » s’élèvent dans le noir. Je suis électrisée alors que le visage de Sergio Leone se précise sur l’écran géant. Pendant quelques minutes, rien d’autre que la musique somptueuse, insensée, excessive qui éveille aussitôt en moi un flot d’images indissociablement liées à Claudia Cardinale (présente dans la salle, charmante et disponible) l’un des rares et mémorables personnages féminins forts d’un western.
Le silence se fait et la voix tellement particulière et reconnaissable entre mille de Thierry Frémaux s’élève, d’abord légèrement frémissante d’émotion puis rapidement assurée tant il semble que ce soit toujours la passion qui l’emporte dès lors qu’il peut évoquer l’art auquel il consacre sa vie : le cinéma.
Pour un festival différent, il fallait donc une séance d’ouverture différente. Ce fut le cas, car Thierry Frémaux, maître de cérémonie impeccable laisse comme toujours libre cours au lyrisme passionné et passionnant de son discours d’amoureux grisé par la magie dont il semble ne jamais se lasser et au contraire s’en émerveiller comme au premier jour. Il ne cessera de rappeler en parfait gone du pays que c’est à Lyon et nulle part ailleurs que se trouve la Rue du Premier film.
Ce n’est pas rien. Le cinéma n’est ni américain ni parisien, il est lyonnais et c’est Joseph Mankiewicz qui a eu les mots les plus simples et les plus percutants lorsqu’en 1992, à peine après son arrivée, il voulut connaître l’emplacement exact où Louis Lumière posa sa caméra pour la première fois. Il ferma les yeux et dit :
« Merci Lumière ».
C’est aujourd’hui Thierry Frémaux qu’il convient de remercier qui s’évertue (avec de nombreux autres évidemment !) à faire que la magie perdure et que les générations futures découvrent et redécouvrent à l’infini le cinéma. Les partenaires « sans qui ce festival n'aurait pu voir le jour" et qui permettent de restaurer, réhabiliter, redonner leur éclat aux films à l’heure du numérique, il les remercie, et nous fait ce cadeau inestimable, il demande au public de les remercier chaleureusement pour les discours qu’ILS NE VONT PAS PRONONCER !
Et effectivement, aucun discours lénifiant, condescendant et interminable ne sera prononcé. Merci Thierry !
Par contre, il demandera à tous les invités présents dans la salle de monter sur scène, et là je ne peux résister au plaisir de vous en nommer quelques uns (et non des moindres…) : Claude Lelouch, Claudia Cardinale,, Jacques Bral, Emir Kusturica, Jean-Pierre et Luc Dardenne (applaudissements très très nourris), Marjane Satrapi, Xavier Giannoli, Souleymane Cissé, Tonie Marshal, Serge Toubiana, Michel Ciment, Laurent Gerra, Eddie Muller, Robert Guédiguian (ovation), Christian Carion, Asia Argento, Marco Tullio Giordana, Serge Bromberg, Gaspar Noé, Thierry Lhermitte, Walter Salles, Nicolas Saada, Adderrahmane Sissako, Régis Wargnier, Cristian Mungiu, Agnès Varda, Alfonso Cuaron, Jean-Michel Jarre, Benoît Jacquot… (Bertrand Tarvernier, en tournage, sera là ce week-end).
Thierry Frémaux leur remet un texte qu’ils lisent tous ensemble… puis c’est à la salle tout entière de lire le même texte qui s’affiche à l’écran. Et c’est ainsi que 5000 voix s’élèvent :
Il nous invite ensuite à un petit quizz des musiques qui illustrent les 10 clips qui seront présentés avant chaque projection de film. Retentissent alors à la suite les musiques immortelles de Psychose, Jeux Interdits, Les choses de la vie, Un homme et une femme, Le Docteur Jivago etc … Tout le monde peut fredonner ces bandes originales, et même retrouver sans problème le titre du film qu’elles accompagnent mais qui est capable de nommer le compositeur de la musique de In the mood for love ??? Thierry Frémaux se moque : « vous faites moins les malins maintenant ? ».
L'écran s’allume à nouveau et un personnage désopilant (que j’espère retrouver) à l’accent merveilleux va entreprendre de faire chanter toute la salle en un canon à trois voix absolument absurde mais hilarant. Je vous livre les paroles de la chanson très intellectuelle et hautement à propos... :
« Le coq est mort (bis)
Il ne dira plus cocodi cocoda (bis)
Cococodi cocodi cocoda ».
Cette séquence farfelue et un tantinet surréaliste a duré au moins un quart d’heure et c’était vraiment tordant, mais bon, vous savez que je suis bon public. J’espère que tout le monde s’est amusé autant que moi !
C’est ensuite qu’est arrivé le véritable et inestimable cadeau de cette soirée, la projection de « Lumière ! », un montage de films des frères Lumière composé de nombreux inédits et de films restaurés au moyen des technologies numériques. Il est difficile d’évoquer avec des mots la profondeur des émotions ressenties en regardant ce film composé de plein de films, les tout premiers de l’histoire du cinéma et justifiant ce dont Thierry Frémaux nous parlait un peu avant :
« Les vieux films n’existent que dès lors qu’on les fait aimer aux autres ».
Et il va réussir à nous les faire aimer au-delà de tout, car assis dans un coin de la scène impressionnant de décontraction, d’humour, partageant avec nous ses connaissances encyclopédiques il va commenter, décortiquer ces films muets, les admirer encore et encore et nous les faire admirer en les redécouvrant avec nous.
Nous verrons donc les trois versions de l’incontournable premier film « La sortie des usines Lumière » qui métaphoriquement, symboliquement est le film qui ouvre les portes sur l’histoire du cinéma. Nous n’échapperons pas à « L’entrée du train en gare de la Ciotat » et au comique « Arroseur arrosé » dont on ne se lasse pas mais tous les autres sont absolument inédits et Thierry Frémaux semblera soupirer d’aise et de bonheur en affirmant que « peu de gens ont vu ça ! ».
Commentés par Thierry Frémaux, parfois agrémentés des accords diatoniques de l’accordéon de Marc Perronne présent sur la scène, tous ces films de 50 secondes, pas une de plus, prennent vraiment leur dimension. On peut en observer les défauts venant la plupart du temps des acteurs qui déjà avaient tendance à cabotiner devant la caméra, ou au manque de naturel de certaines situations comme ce forgeron en chemise blanche, mais surtout en contempler les incomparables qualités et parfois même la perfection.
Oui, le cinéma était déjà là dans ces 1 425 films tournés entre 1895 et 1900, car Louis Lumière n'était pas uniquement un inventeur, c'était déjà un cinéaste qui avait intégré ce qui fait l’essence, la qualité, la justification du cinéma et nous découvrons émerveillés : le premier travelling sur un train, un sens inouï ou inné du cadre (l’endroit où la caméra est posée étant primordiale), le comique des situations, la précision d’un scénario, la façon de différencier le cinéma et la photo (en intégrant de la fumée en mouvement dans un plan fixe), le pouvoir bouleversant de créer de l’émotion et du suspens en prenant le temps… Notre facétieux maître de cérémonie ironisera même en présentant un film qui réussit en l’espace de 50 secondes à paraître long : « Lumière a même inventé l’ennui au cinéma ».
Grâce à ce film souvent drôle, souvent fort, souvent bouleversant, « le patrimoine du patrimoine », on entre dans l’histoire du cinéma
Lorsque je suis sortie de la salle, mon amour pour le cinéma avait encore grandi et, éblouie, j’ai eu « Un frisson dans la nuit »...
"Le cinéma amuse le monde entier,il rend les gens heureux.
Que pourrions-nous faire de mieux, et qui nous donne plus de fierté ?"
Louis Lumière
C’est un Festival de cinéma,
il s’appelle Lumière et il est né parce « partout, des voix s’élèvent pour refuser de laisser l’histoire du cinéma devenir un champ de ruines », et J'Y SUIS...
Photos de moi par moi, alors : silenzio...