Je m'en vais vous passer les détails. Et donc, je ne vais pas vous dire que le rendez-vous à l'hôpital a été fixé "vers 15 h 30 - 16 h", et que déjà ça sentait bon l'embrouille.
Je ne vous dirai pas qu'on a géré les étiquettes comme des chefs. Là, je crois qu'on est blindé en étiquettes jusqu'à... oh ben moi je dirais plusieurs semaines... facile.
On arrive avec notre valise au 7ème ciel étage. Mouche avait fermement l'intention de "faire" son miélogramme (ponction de moëlle) et de repartir à la maison, "pas question qu'ils me foutent dans un plumard avec une perf' de sucre et que j'attende la saint glinglin qu'on m'envoie les radiations, fuck,et bitoc'" qu'il disait.
L'infirmière qui nous... accueille (j'ai pas trouvé d'autre verbe, faites excuse) nous dit "han ? gné ? ben lô z'êtes prévus en hospitalisation !".
Vu que le warrior lui explique que "pas question qu'ils me foutent dans un plumard..." voir ci-dessous, elle dit "j'm'en vas vous appeler le docteur, vous verrez avec le docteur que je vais vous appeler... Mais là, ben, euh comment dire, la chambre est pas prête, va falloir attendre dans la pièce des familles".
Nous nous rendons dans ladite pièce qui file direct l'envie de se jeter par la fenêtre : y'a des livres tout déchirés, un scrabble éventré et des "tableaux" au mur à gerber (des ptits bateaux sur l'eau et des paysages bleus). On poireaute en devisant sur l'avenir du pauvre monde qui schlingue. Au bout d'une heure, on se dit "tiens, et si qu'on allait se rappeler à leur bon souvenir hein ?". Là, la meuf, elle a assuré, genre on aurait dit qu'on était en tête de liste de ses préoccupations. Sauf que si on était pas revenus dans le service, on serait sans doute encore en train de se dessécher sur pieds dans la pièce des familles qui pue la mort lente. Mais là c'est mon imagination et mon mauvais esprit qui délirent !
Well... je vous la fais courte. Dans le couloir, comme toujours, il y a des gens en blouse blanche qui promènent des feuilles. Pas des feuilles d'arbres, des feuilles de cahier. En général, z'ont un air inspiré, genre "je vais écrire un poème", un stéthoscope qui pend à leur blouse et un stylo à la poche. Respect.
On voit Docteur House en personne qui déambule. Et là, j'explique à Mouche que le Docteur Moumour c'est le type, genre i passe devant une baie vitrée. I voit une radio, i te refait le caryotype et la généalogie du gugus depuis l'époque mérovingienne dis donc. Il passe dans une chambre le Docteur Maison, et là, rien qu'à voir l'oeil vitreux du gisant, il te donne les résultats de l'hémogramme (vous ne serez pas sans remarquer comment que j'ai repris mon vocabul' savant !) sans sortir la main de la poche. Oui je dis bien LA main, car l'autre est agrippée à une canne. Ben, à Brabois, on a le même Doc' sauf que c'est une meuf d'un mètre quatre vingts, blonde, yeux bleux, le genre qui le vaut bien quoi, mais qui a DEUX cannes. On pouffe, je vous dis pas comme !
Entre temps, on avait croisé Caroline. Caroline c'est la Responsable, la chef quoi, du service protégé. Celle qui en des temps que l'on croyait révolus à tout jamais fuck my ass faisait à dada sur mon bidet et sur mon mec pour lui prélever la substantifique. Mouche lui rechante son couplet : "pas question qu'ils me foutent dans une chambre..." et blabla ! Mais là Caroline dit : "je comprends que vous ayez envie de rentrer chez vous mais vue votre tête de déterré que je vois et les analyses que j'ai vues, vaudrait mieux rester. Maintenant, si vous préférez revenir demain...". "Oui ben mes taux, je les connais pas"' qu'il chante le beau merle ! "Ben, 50 000 plaquettes et 1 000 globules blancs. On vous refait une prise de sang tout à l'heure et c'est pas impossible que vous ayez besoin d'une transfusion". (Revoyez vos taux !) Déjà, il gazouillait moins le malin.
Finalement, on retourne dans la chambre qui était toute propre et qui sentait bon le sable chaud. La valise toujours bien fermée. L'infirmière dit "le docteur va passer vous voir", et elle s'empresse de bousiller deux veines à Mouche et de lui poser une perf de sucre : "un futur chimiosé, ça s'hydrate WTF". Là, plus possible de s'échapper, on déballe la valise.
Là dessus arrive le doc'. Et devinez qui entre sur ses deux béquilles ? Gagné ! La top model Loréal ! En fait, elle est super et en outre Chef de Clinique que même y'a son nom sur les grands panneaux à l'entrée. Après c'est un défilé incessant de minettes qui viennent le papouiller, le peser (mouarf), lui poser des questions (oui, il est de plus en plus fatigué depuis plusieurs semaines, oui, il a des crampes, oui, il a des courbatures, oui il a eu un épisode fièvreux et "touristique" là-bas en holly days... je ne vous dis pas tout n'est-ce pas ?), lui prendre la tension, la fièvre, le pouls et j't'en passe et des meilleures.
Arrive le repas ! Vous savez comment que ça se passe entre Mouche et la cuisine... sauf qu'il y a UNE chose qui lui fout la gerbe, dont il ne peut même pas prononcer le nom, que l'odeur lui file la turista et la couleur de l'urticaire : LES BETTERAVES ! Donc, évidemment, ce soir il y avait des betteraves.
Moi, je dis : "quand c'est pas ton jour, c'est pas ton jour". Basta, on va pas en faire un myéloblaste !
Là-dessus s'en viennent les résultats du jour : plaquettes 39 000, hémoglogine à 9, tension à 10... Donc demain : transfusion.
Sms de Mouche à 21 h 23 : "G l'progamme de dmain. ça va booster :-) Pose dla voie centrale vers 14 h et secteur stérile à priori mercredi am. Et à forciori aussi. Tu peux apporter des T shirts à décontaminer demain".
Et pour celles ceux qui s'impatientent sachez que le programme c'est aussi et surtout dans l'état actuel des choses, un premier séjour de quatre semaines (dont trois et demi en secteur stérile)... puis sans doute retour à la maison en mode zombie... puis rebelotte... Pendant ce temps, il faut rechercher un donneur de moëlle compatible (y'a pas de soeur ni de frère en état de vie !!!). Puis il faut prendre la décision de subir la greffe (risques et périls à évaluer). Et la greffe ce sera au moins huit semaines d'hospitalisation en secteur stérile.
On en est pas là.
Je suis rentrée à la maison et je crois que j'ai épuisé mon stock de larmes. S'il en reste c'est que vraiment j'ai un gros contenant. ça se dit ça "avoir un gros contenant ?".
Mais hier, on a passé une journée superbe au grand air, au soleil avec une chérie d'amour qui ne sait pas encore que SA Moumouche est à l'hôpital et que ça va énormément la contrarier. Chier.
P.S. : excusez-moi, je n'ai pas eu le courage de répondre à vos gentils commentaires, mais nous avons tout lu. Merci.