AU PAYS DU SANG ET DU MIEL de Angelina Jolie **
Ajla est peintre, bosniaque et musulmane, Danijel est policier et serbe. Ils s'aiment mais un soir où ils se retrouvent en boîte, une bombe explose. La folie guerrière s'empare des deux camps et le pays est ravagé. Rapidement Ajla est faite prisonnière et retenue avec d'autres femmes dans une espèce de caserne dirigée par Danijel devenu soldat. Le plus longtemps possible il va tenter de la protéger, de la faire évader. Leur relation devient presque contre nature tant les deux camps semblent irréconciliables et absolument équivoque tant chacun semble ne pouvoir ni trahir les siens ni renoncer à l'autre.
Si on faisait un "blind test" lorsqu'on va voir des films (c'est-à-dire sans connaître le nom du réalisateur), il serait difficile d'imaginer que celui-ci a été réalisé par une femme (quoique...) et moins encore par Angelina Jolie. Je n'ai jamais mis en doute son engagement que je trouve sincère et courageux mais pas de là à faire un film de guerre aussi violent. Je le trouve bien plus fort, honnête et audacieux que la Bigelowterie qui avait autant enflammé hollywood que les cinéphiles (mais pas moi).
Le point de vue d'une femme sur un conflit aussi stupide (si tant est qu'il n'y en ait d'intelligent !) me semble tout à fait inédit. Il ne s'agit en aucun cas d'une énième vision mâle gonflée à la testostérone mais en grande partie du traitement réservé aux femmes durant les guerres. C'est d'ailleurs après cette guerre, au début des années 90 que le viol a été reconnu comme un crime de guerre ! La réalisatrice n'y va pas par quatre chemins et affronte avec beaucoup de force les scènes de combats. Elles sont d'ailleurs une des grandes réussites du film. Les "rafles" où les habitants sont forcés par les soldats avec une violence incroyable de quitter leurs logements rappellent celles perpétrées contre les juifs pendant la seconde guerre mondiale. C'est lors de ces rafles que les femmes sont choisies arbitrairement pour servir de bonnes à tout faire et d'esclaves sexuelles aux soldats. Ce film montre des abominations dont on se doute mais qu'on a jamais vues dans aucun film. La première heure est à ce titre tout à fait saisissante voire parfois insoutenable. C'est dans les scènes d'action les plus violentes que la réalisatrice fait preuve d'une maîtrise époustouflante. Le calvaire vécu par les femmes, et bien que les viols ne soient pas systématiquement soulignés en images, devient oppressant. La pire scène jamais vues est sans doute celle où des femmes sont désignées pour accompagner les militaires en forêt. Elles ne connaissent évidemment pas leur destination et les spectateurs non plus. Il s'agit en fait pour elles de servir de bouclier humain lors d'une mission. Comment de telles monstruosités peuvent-elles germer dans un esprit ?
Dans la seconde partie, Angie perd un peu le fil de son histoire et surtout la force de son propos en se concentrant sur la relation entre Ajla et Danijel qui est devenue un peu artificielle puisqu'il réussit à la maintenir prisonnière dans une pièce où elle vit sa captivité de façon relativement privilégiée au su et au vu de tous les autres militaires. La situation semble pour le moins irréaliste ! Cela donne lieu à des scènes de sexe (ratées) et à un lien qui nous échappe souvent entre la prisonnière et son bourreau. Ajla est-elle consentante ? Joue t'elle un double jeu ? Son instinct de survie lui dicte t'elle sa conduite ? Aime t'elle cet homme ? Il faut reconnaître qu'on y perd souvent son latin et qu'on ne la comprend pas toujours voire plus du tout.
Cela dit, Angelina Jolie a l'intelligence et nous surprend une dernière fois lors de son épilogue audacieux et puissant qui a raison de tous les doutes et hésitations.
Quant au titre, il trouve sa signification dans le terme balkan où se situe l'actIon. "Bal" signifie "miel" et "kan" signfie "sang" en turc. Dernières particularités, le film a été tourné dans la langue du pays et sans stars (même si Bradounet fait une apparition furtive... mais il faut être très attentif).