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  • FRANKENWEENIE de Tim Burton **

    Frankenweenie : photoFrankenweenie : photo

    Victor est un petit garçon différent. Victor doit sans aucun doute être le double de Tim lui-même qui a dû proposer à ses parents incrédubles de visionner des petits films bidouillés dans sa chambre ou son grenier avec ses jouets. Victor pourrait être un petit loustic exclu s'il n'avait un ami à la vie à la mort en la personne de Sparky. Un chien affreux, mais plus fidèle qu'un chien. Le grenier de Victor c'est un peu le labo IV du savant fou et il utilise tout ce qui lui tombe sous la main, y compris les ustensiles de cuisine de maman, pour tenter des expériences inédites. Et ça tombe bien, le professeur de sciences de l'école propose un concours qui récompensera la meilleure expérience scientifique. Mais un drame survient. Paf... Sparky se fait renverser par une voiture. Il faut dire que ce nigaud avait une fâcheuse tendance à courir sans discernement après la première baballe lancée. Victor est effondré. Ses parents lui assènent des banalités telles que "Sparky sera toujours dans ton coeur !" et ça lui fait une fichue belle jambe de savoir que l'être qu'il a le plus adoré sera toujours dans son coeur. Ce qu'il veut c'est qu'il soit là, en chair et en poils. Et Victor est inconsolable mais mâlin comme il est, en combinant des bidouillages électriques, les éclairs des orages... il parvient à ramener Sparky à la vie. Il se rend rapidement compte qu'il doit tenir cette prouesse cachée mais ce ne sera pas possible bien longtemps. Des personnes mal intentionnées vont découvrir le secret de Victor et blablabla et blablabla...

    Je ne m'éterniserai pas pour vous dire qu'avec Tim je vais de déception en attente et en désillusion. Alors évidemment c'est sublimement beau à regarder. Les personnages sont magnifiques, du pur Tim, avec leurs grands yeux incroyables qui s'ouvrent sur un monde étonnant puis cruel. Bien sûr, Victor s'appelle Frankenstein, sa copine Van Helsing et c'est lolant. Bien sûr le héros a toujours un petit air de Johnny même si ce n'est pas lui qui double cette fois, Lydia est coiffée comme Wynona Rider dans Beetlejuice, le prof de chimie ressemble comme trois gouttes d'eau à Martin Landau et Christopher Lee. Mais une fois de plus, j'ai eu le sentiment que Tim recyclait du Burton, un peu d'Edward par ci, un peu de gothique par là. Et pour ceux qui ont une idée de ce que ça peut bien vouloir dire (moi le concept même m'échappe toujours), sans doute de la poésie et les sempiternels thèmes sur la vie, la mort, les êtres, les monstres, la différence, la cruauté d'un monde impitoyable... Mais je crois que j'en ai ma claque de les voir ressasser sans surprise.

    Alors bien sûr, il y a LA scène de la résurrection qui vaut plus que le détour, elle vaut le voyage, tant ici le bricolage fait place au génie. Mais ça dure 5 minutes. La mysoginie m'a sauté aux yeux comme jamais, la mère passe son temps dans sa cuisine, ou un aspirateur à la main et lit un roman à l'eau de rose qu'elle ne parvient pas à finir... Définitivement, je crois que ce que j'ai préféré dans ce film, c'est la musique de Danny Elfman...

    Une fois de plus, je cherche en vain le chef-d'oeuvre annoncé et je me retrouve comme Roxane face à Christian avec l'envie de dire à Tim Burton : "Délabyrinthez vos sentiments !...Allez rassembler votre éloquence en fuite !.. Vous m'offrez du brouet quand j'espérais des crèmes !"

  • J'ENRAGE DE SON ABSENCE de Sandrine Bonnaire ****

    J'enrage de son absence : photo Alexandra Lamy, Jalil Mehenni, William HurtJ'enrage de son absence : photo Augustin Legrand, Jalil MehenniJ'enrage de son absence : photo Jalil Mehenni, William Hurt

    Afin de régler la succession de son père récemment décédé Jacques, qui vit désormais aux Etats-Unis, revient en France. Il en profite pour revoir Mado qui avait partagé sa vie une dizaine d'années plus tôt, et avec qui il avait eu un fils. Lors de ces retrouvailles chaleureuses, on ne doute pas un instant qu'entre Jacques et Mado une forme de sentiments, si ce n'est l'amour, est toujours bien présent. A moins qu'il ne s'agisse de l'émotion qui fait ressurgir brutalement les souvenirs de leur douloureux passé. L'enfant né de leur union est mort à 4 ans dans un accident de voiture. C'est Jacques qui conduisait. Mais alors que Mado a "refait sa vie", s'est mariée et a eu un autre enfant, Paul 7 ans, Jacques n'a jamais réussi à faire le deuil de cet enfant perdu. Il souhaite néanmoins rencontrer Paul. Et entre l'homme triste et le petit garçon, le coup de foudre est instantané et réciproque. La relation d'abord ténue devient rapidement de plus en plus profonde et cette complicité insaisissable dérange et inquiète Mado qui interdit à son fils de revoir Jacques. Sauf qu'il est trop tard, l'homme et l'enfant sont devenus indispensables l'un à l'autre. Et ils vont continuer à se retrouver le plus souvent possible en cachette. 

    Et j'espère qu'aucun "critique" encarté n'a révélé la façon dont Jacques et Paul vont finalement continuer à se voir car ce stratagème est un des premiers chocs de ce film qui en réserve pas mal...

    Chacun des protagonistes va se mettre à mentir. Mado à son mari en ne lui révélant pas qu'elle a revu son ex compagnon. Paul à ses parents en gardant le secret de ses rencontres avec Jacques. Et chacun va faire peser sur les épaules de ce petit garçon incroyable le poids terrible de leur douleur et de leurs mensonges. Ce petit Paul qui mènera sa réflexion jusqu'à exprimer que si celui qu'il continue d'appeler "mon petit frère" alors qu'il ne l'a pas connu et serait plus âgé que lui, n'était pas mort il n'aurait lui-même pas vu le jour. Terrible de se dire et de penser que sa propre existence tient à la disparition d'un enfant. Et les paroles rassurantes de son merveilleux et si doux papa (étonnant Augustin Legrand (ne cherchez pas "je connais ce nom... je connais ce visage...", les Enfants de Don Quichotte, c'est lui)) ne réussiront pas à l'apaiser.

    Sandrine Bonnaire, actrice supra sensible choisit pour sa première réalisation (Je m'appelle Sabine était un documentaire) de nous parler du chagrin le plus inconsolable qui soit, la perte la plus injuste, inadmissible, inenvisageable, la mort d'un enfant. Alors ce n'est rien de dire que la vision de ce film est une épreuve et qu'il est d'une tristesse insondable. Mais pas seulement, si elle creuse jusqu'à l'os la douleur d'un homme brisé, perdu, on finit par se demander jusqu'où cet homme dévasté va aller pour tenter de calmer sa douleur. Que va t'il se passer entre cet enfant qui n'est pas le sien et lui ? Pourquoi ce lien soudain et mystérieux ne va t'il cesser de croître ? Comment cela va t'il finir ? La tension est donc constante, permanente et ne cesse de s'enfler jusqu'à un final sidérant. Une scène d'une intensité, d'une violence, d'une tristesse comme on n'en voit rarement et qui laisse le spectateur anéanti dans son fauteuil. Et tout ce déchaînement de fureur provient du personnage dont on l'attendait sans doute le moins...

    Pour nous faire partager et vivre toute cette douleur, Sandrine Bonnaire s'est entouré d'un casting complice à la hauteur de son ambition. Alexandra Lamy est son double. Physiquement d'abord. Même mâchoire carrée, même sourire éclatant, même fossette. Mais elles possèdent aussi la même profondeur "terrienne" tant elles semblent toujours l'une comme l'autre ne pas faiblir, ne pas flancher, être là, résister. Le petit Jalil Mehenni est parfait, fragile et solide. Augustin Legrand, un géant de douceur et de compréhension. Et William Hurt, dans son par-dessus bleu erre comme un fantôme désespéré à la recherche de l'impossible. Son beau visage livide, mélancolique, ses yeux rougis et délavés, sa démarche lourde portent toute la tristesse du monde. A tout jamais inconsolable. Et c'est lui qui prononcera cette phrase si belle "j'enrage de son absence"... une rage constamment contenue, intériorisée qu'il parvient par cette interprétation prodigieuse, phénoménale à rendre aussi palpable qu'inimaginable !