WADJDJA de Haifaa Al Mansour ***
Wadjda serait une petite fille de 12 ans comme les autres si elle ne vivait dans la banlieue de Riyad en Arabie Saoudite. Cette petite sauterelle délurée écoute du rock à fond les manettes dans sa chambre, porte des Converse au lieu des petits escarpins noirs tellement plus convenables et rêve de posséder le beau vélo vert qu'elle a vu voler (bel artifice que seul le cinéma peut offrir) pour faire la course avec son petit copain du même âge Abdallah. Mais une fille sur un vélo dans ce pays est une hérésie. Imaginez un peu quelle insulte ce serait à la vertu d'une fille "bien" ! Pourtant Wadjda est une mini rebelle avec mille causes et elle va affronter bien des difficultés (un concours de récitation coranique) pour parvenir à s'offrir ce cadeau.
On sort de ce film ébloui et en colère. Ebloui par tant de finesse, d'intelligence et d'optimisme. En colère de découvrir une nouvelle fois le sort réservé aux femmes dans certains pays au nom de lois archaïques et de soi-disant textes totalement interprétés, déformés, trahis. Je découvre par ailleurs et abasourdie que dans ce pays un prédicateur vaseux préconise que les petites filles dès 2 ans sortent le visage entièrement couvert pour ne pas exciter ces messieurs. Vous avez bien lu : DEUX ANS !!! On croit rêver !
Haifaa Al Mansour est une femme, la première à réaliser un film dans son pays, sur son pays. Elle dit : "L'Arabie Saoudite est un pays sans salle de cinéma et qui proscrit le cinéma". Et pourtant, elle réussit l'exploit de faire ce beau film sans colère ni provocation mais qui finalement apparaît comme le film le plus féministe vu depuis longtemps. Quelle petite fille rêverait encore d'un vélo dans nos contrées ? Quelle femme chercherait encore à séduire son mari qui s'apprête à épouser une seconde femme ? Les femmes sont voilées. Que dis-je les femmes ? Les petites filles, et dès leur plus jeune âge. Et si des ouvriers les observent du haut d'un toit dans la cour de récréation, c'est à elles de se cacher ! Quand elles ne sont pas mariées dès l'âge de 12 ans comme cette petite camarade de Wadjda qui continue néanmoins d'aller à l'école. Les femmes acceptent ce sort d'être toujours celles qui doivent se sacrifier, se cacher, accepter. Si elles sont surprises, comme cette adolescente qui voit un garçon en cachette, elles sont dénoncées, rejetées, mises au ban. Wadjda, victime elle aussi d'une injustice sans nom lors du fameux concours, remettra vertement à sa place la si vertueuse directrice de l'école qui donne tant de leçons de moralité mais n'applique pas pour elle-même ses enseignements.
Wadjda ne manque par ailleurs ni d'humour et surtout pas d'audace et je vous encourage vivement à voir cette perle qui fait mal et qui fait du bien.