Il y a du sublime et du grostesque, du merveilleux et de l'insupportable dans ce film d'un réalisateur chéri entre tous... mais le miracle de films passés tels que Badlands, La ligne rouge, Le Nouveau Monde ou Les Moissons du Ciel ne se renouvelle pas ici. Loin s'en faut. Il ne reste au fond qu'un sentiment de grande frustration, de grande déception à la hauteur de ce que l'attente des films de ce réalisateur aussi mystérieux qu'envoûtant provoque. Et Vichnou sait combien de temps se passe entre chaque film de Terrence Malick qui n'en est qu'à son cinquième en 40 ans !!!
Ici, il y a un père dominateur et tyrannique, une mère tellement évanescente qu'elle se met à voler et trois enfants dociles et inquiets qui rêvent d'être comme les autres. Tout le monde s'aime mais le père souhaitant le meilleur pour ses enfants et sa famille se montre d'une autorité et parfois d'une violence totalement injustifiées. Il terrorise sa femme et ses fils, l'aîné surtout qui, à l'âge àdulte et au moment de devenir père à son tour se sent perdu, plein de doutes et en proie avec des démons qui lui rendent visite sous la forme de souvenirs... Un drame épouvatable viendra par ailleurs bouleverser le cours des événements et chacun en viendra à s'interroger sur sa place et...hélas surtout sur l'incertitude de l'existence de Dieu de la façon la plus bêta naïve qui soit : si Dieu existe, pourquoi est-il si méchant ???
Alors que se passe t'il ? Une certitude, Terrence Malick sait comme jamais et comme personne conquérir, enchanter et fasciner par sa façon incomparable, inouïe et sublime de filmer. De rendre chaque image unique et admirable. Mais dans quel but ? Pourquoi ? Que cherche à nous dire Terrence ? Trop de Requiem, de Lacrymosa enrobant un salmigondis religieux, un préchi précha mystico-dévot finissent pas lasser copieux. Un documentaire animalier d'au moins un quart d'heure sur les fonds marins enveloppé de musique sacrée a d'ailleurs eu raison des moins patients, vidant la salle d'une partie de ses spectateurs. La création du monde, des vues de la lune, de mars, de saturne et de ses si merveilleusement cinégéniques anneaux, quelques dinosaures dont un très facétieux donnent le sentiment d'approcher les visions psychédéliques d'un homme sous effets de plantes hallucinogènes ! C'est troublant, agaçant et parfois, oui, ridicule ! Alors, grande est la déception.
Et pourtant, c'est beau, d'une beauté à couper le souffle parfois, tant la nature est toujours sublimée et le moindre brin d'herbe offert à l'adoration. Malick entretient sa légende comme personne mais à quoi carbure t'il ? A qui est destiné son poème psychédélique qui s'achève en rêve de métempsycose ? Pourquoi Terrence Malick s'évertue t'il à délaisser son pauvre spectateur, adorateur inconditionnel sur le bord du chemin tout en convoquant des stars (et non des moindres !) pour l'épauler dans son délire ? Trop exigent ou trop marginal, il se montre ici vraiment difficile à suivre, nébuleux jusqu'à l'extravagance. Alors qu'on est affamé à l'idée de ce qu'il pourrait nous offrir comme merveille à propos de l'enfance, de l'émerveillement d'un père qui découvre à la naissance de ses enfants, leur fragilité, leur beauté, leur dépendance... pourquoi nous gave t'il de cette macédoine dévote et illuminée ?
Dans "The tree of life", il y a aussi les acteurs tout entier acquis à la cause. Brad Pitt ainsi que les enfants et notamment le "fils" qu'il tourmente le plus sont les seuls à apporter un peu de réalisme voire de réalité à l'histoire de cette famille texane. Jessica Castain est belle, insaisissable, fragile, aimante, Brad, de plus en plus solide à mesure qu'il vieillit. Et les rares scènes qui le réunissent à Sean Penn (son père dans le film...), les regards bouleversants qu'ils échangent, laissent imaginer quel film de folie ces deux là pourraient faire ensemble... Mais il y a aussi ici un jeune garçon qui bouffe littéralement l'écran, aimante la caméra et vampirise le film par sa présence, sa souffrance, son amour et sa révolte longtemps muette, il s'appelle Hunter McCracken et il est extraordinaire