Le dernier pour la route de Philippe Godeau **
Hervé est patron d’une agence de presse, marié et père d’un grand garçon. Tout serait pour le mieux s’il n’était dépendant depuis de longues années à l’alcool. L’histoire commence le jour où Hervé décide de se rendre dans un centre de désintoxication en pleine nature. Après avoir pris plusieurs « petits déjeuners » à sa façon : deux verres de vin blanc au café du coin, un verre de vin blanc au buffet de la gare… il découvre l’endroit où il a choisi de vivre pendant six semaines, la chambre qu’il partagera avec un autre pensionnaire, le groupe avec qui il vivra chaque jour obligatoirement jusqu’à 22 heures (extinction des feux), la « quarantaine » d’une semaine (aucun contact avec l’extérieur, pas même les proches), les réunions où chacun évoquera tour à tour sa dépendance et les conséquences qu’elle a eues sur la vie… Il fait la connaissance de ces compagnons blessés et de l’équipe soignante qui est intégralement composée d’anciens alcooliques, des médecins aux infirmiers et divers psys…
Ce n’est qu’en quelques flash-backs que l’on voit comment Hervé complètement addict se levait la nuit pour vider des bouteilles seul dans la cave en pleurant de honte, jusqu’à tomber. Comment sa femme le regarde (Anne Consigny, la souffrance faite actrice…) et son fils l’évite.
En écoutant le récit de ses compagnons qui tentent de reprendre goût aux choses avec douleur, ironie, colère ou découragement selon les cas, il découvre qu’il n’est pas seul et que ce « problème avec l’alcool » comme disent la plupart des dépendants, est une maladie dont on ne guérit jamais mais qu’on peut contrôler. Il réalise peu à peu les dégâts irréversibles qu'elle a également provoqués sur les êtres les plus proches (sa femme, son fils) soulagés enfin qu’il ne soit plus à la maison.
Interpréter de façon plus qu’impeccable par un François Cluzet abîmé, constamment dense et profond sans jamais être excessif qui sait d’ailleurs exactement de quoi il est question, mais aussi par quelques autres dont Michel Vuillermoz et Marilyne Canto, ce film souffre de son manque de… souffrance ! Il n’y a pratiquement jamais une tête qui dépasse dans ce scénario bien rangé qui aligne des sentences thérapeutiques bien proprettes et prévisibles et où personne ne semble ressentir le manque (ou si peu).
Les deux (donc trop rares) apparitions du médecin du centre (très très étonnant et inquiétant Philippe du Janerand) qui décrit de façon clinique et chirurgicale les risques, dangers et ravages de l’alcoolisme sur l’organisme (sur le foie : hépatites, cirrhose, reflux, gastrites… ou sur le système nerveux : démence) devant son auditoire épouvanté sont suffocantes.