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4 ** POURQUOI PAS ? - Page 58

  • Retour à Gorée de Pierre-Yves Borgeaud **

    Retour à Gorée - Youssou N'Dour
    Retour à Gorée
    Retour à Gorée - Youssou N'Dour

    Le voyage commence sur l’île de Gorée à l’endroit exact où les africains étaient victimes de la traite négrière. Après avoir franchi une cour, les futurs esclaves traversaient un étroit couloir qui les conduisait directement vers les bateaux qui les emmenaient vers les Amériques, du Nord ou du Sud. Les familles étaient systématiquement séparées… Ce road movie musical explore le périple de Youssou N’Dour à travers les Etats-Unis et l’Europe sur les traces des esclaves noirs et de leur musique. Le chanteur a souhaité partir du Sénégal et de cette île symbole, puis parcourir les Etats-Unis à la recherche de musiciens dont la musique est imprégnée de cette histoire. Avant le départ, il retrouve le pianiste de jazz Moncel Genoud (absolument fascinant) et ensemble, ils vont d’Atlanta à New-Orleans en passant par New-York, le Luxembourg et Dakar retrouver des musiciens exceptionnels qui vont les accompagner pour le voyage de retour vers Gorée. Tout au long du périple, on assiste aux concerts, aux répétitions et aux discussions autour du thème de l’esclavage.

    Le seul reproche que je ferai au film est qu’à aucun moment les chansons ne sont traduites ce qui réduit un tantinet le propos. Pour le reste si vous aimez la world music, la voix enivrante de Youssou N’Dour, partir à la découverte des origines du jazz, du gospel et « rencontrer » des musiciens exceptionnels, n’hésitez pas car le film fait la part belle à de longs intermèdes musicaux pleins de prestige et de magie.

  • Un cœur simple de Marion Laine **

    Photos de 'Un Coeur simple'

    Après une cruelle trahison amoureuse, Félicité entre au service de Mathilde Aubain, jeune veuve aigrie seule avec deux enfants. La vie des deux femmes que tout oppose et que tout va finir par rassembler va s’imbriquer l’une dans l’autre, jusqu’à se confondre.

    Félicité est ce cœur simple, ce cœur pur qui déborde d’un amour qu’elle offre sans condition et surtout, hélas sans retour ou si peu, tout au long d’une vie de labeur consacrée aux autres. Dit comme cela, ça fait peur, et c’est vrai que c’est absolument effrayant toute cette méchanceté, cette cruauté qui s’acharnent sur Félicité. Sa vie, son histoire ne sont qu’une succession de déceptions, de trahisons, de pertes, d’empêchements, d’abandons, de sacrifices, de tortures morales ou physiques que Félicité accueille avec rage parfois mais qui jamais ne l’empêcheront d’avancer. Tant d’acharnement concentré sur une aussi gentille personne,  ce misérabilisme exacerbé, cette cruauté incompréhensible finissent dans la dernière demi-heure par rendre le film intolérable avec une envie d’entrer dans l’écran et de l’aider à s’en sortir; à l'éloigner de tous ces gens affreux, bêtes et méchants... La vie de Félicité n’est qu’une accumulation de malheurs et de douleurs entrecoupés par quelques instants de joie vite effacés.

    Mais ce qui aide à supporter cette épreuve est le talent des deux actrices  époustouflantes pratiquement seules à l’écran. Marina Foïs est une nouvelle fois surprenante (bien que détestable) dans un rôle de femme sèche, jalouse, envieuse, qui refuse son amour à tous, préférant feindre de s’enfermer dans le souvenir d’un amour mort. Mais c’est Sandrine Bonnaire qui envahit l’écran de toute sa douleur et sa douceur, ses cris de rage, ses sourires lumineux et fait de son interprétation toute entière un crève-cœur.

    Un coeur simple - Marina Foïs et Sandrine Bonnaire
  • Il y a longtemps que je t’aime de Philippe Claudel **

    Il y a longtemps que je t'aime - Kristin Scott Thomas et Elsa Zylberstein
    Il y a longtemps que je t'aime - Elsa Zylberstein et Kristin Scott Thomas

    Après avoir purgé 15 ans de prison Juliette est accueillie, (recueillie ?) par sa sœur Léa. Les deux femmes ne se sont pas vues pendant toutes ces années. La famille, honteuse, s’étant chargée de faire de Juliette une paria. Elles vont se reconquérir, se ré-apprivoiser !

    Un film d’amour qui parle de ce lien étrange et fascinant qui unit deux sœurs ne peut qu’être attirant, troublant et effrayant tant ce qui peut souder et désunir deux êtres liés par la même histoire, les mêmes origines est parfois ténu. Elsa Zylberstein la cadette et Kristin Scott Thomas l’aînée incarnent parfaitement et à la limite du morphing parfois les facettes de ces deux vies. Léa dont la « normalité » (beau métier, belle maison, beau mari, beaux enfants) impressionne, va énormément s’agiter pour tenter de redonner goût à la vie à sa sœur, sans la brusquer, sans l’interroger en étant là, parfois maladroitement mais toujours tendrement et sincèrement. Elle va multiplier les sorties, provoquer des rencontres, des réunions entre amis. Sur certaines scènes de groupe, parfois cruelles tant la personnalité et la présence même de Juliette intrigue ou d’autres scènes de « café » plane manifestement l’ombre de Sautet, et c’est toujours bon de découvrir une référence adorée chez un nouveau réalisateur.

    Juliette, d’abord mutique, emmurée dans le silence et la douleur, qui sursaute au moindre bruit, parfois violente et inattendue dans ses réactions va peu à peu refaire surface, difficilement, longuement, douloureusement. Sans pour autant reprendre goût à la vie, elle va réapprendre à aimer et à se laisser aimer. A un « prétendant » qui tente une approche elle dira : « je suis encore loin vous savez», mais à sa sœur qui décuple les preuves d’amour elle va dire « merci ». Les deux actrices sont fascinantes d’intensité et de complicité. A la froideur parfois déchirante de Kristin Scott Thomas répond la fragilité discrète et douloureuse d’Elza Sylberstein. Pour elles deux, le voyage vaut mieux que le détour.

    On pourra également noter la visite touristique de Nancy et l’insistance du réalisateur à présenter un peintre local que j’adore, Emile Friant, et MON Caméo.

    Par contre, je regrette que Philippe Claudel ait choisi de ne pas garder le mystère de Juliette jusqu’au bout en la présentant dans une toute dernière pirouette à prestation césarisable comme une victime et faisant de son film "un secret révélé". Je regrette que la plupart des personnages secondaires soient trop stéréotypés : le flic dépressif, le mari méfiant, l’employé des services sociaux (très) souriante et (très) compréhensive, l'ami compréhensif lui aussi, les collègues agressives… Les maladresses (de jeunesse) telles que l’évocation de la guerre en Irak, de la maladie d’Alzheimer présentée comme un refuge… m’ont paru au mieux naïves, au pire déplacées…

    Ces réserves faites, vous pouvez plonger dans le regard de Kristin Scott Thomas, être boulerversé par la déclaration d'amour réciproque de deux soeurs et savourer une version absolument splendide de « Dis, quand reviendras-tu » de Barbara par Jean-Louis Aubert.

    Il y a longtemps que je t'aime - Kristin Scott Thomas et Elsa Zylberstein
    Il y a longtemps que je t'aime - Kristin Scott Thomas
  • Be kind rewind de Michel Gondry **

    Désolée le titre français… je ne peux vraiment pas.
    Soyez sympas rembobinez - Jack Black

    Mike travaille chez Monsieur Fletcher, un vieux bonhomme qui tient une boutique délabrée dans un quartier dont le conseil municipal rêve de faire une ville nouvelle. Le vieux bric à brac fait un peu tache dans le projet mais c’est aussi l’endroit où est né et où a vécu Fats Waller le génial pianiste de jazz ce qui devrait rendre l'endroit intouchable. Mike a un copain, Jerry, qui à la suite d’un incident devient « magnétique » et efface toutes les cassettes vidéo en location dans le magasin. Les deux copains vont décider de refilmer à la hâte les films qui sont des classiques ou des succès du cinéma ricain. Contre toute attente, les clients vont faire un triomphe aux deux potaches et à leurs films faits de bric et de broc. Parviendront-ils à renflouer suffisamment les caisses pour aider Monsieur Fletcher à ne pas être exproprié ?

    Encore un film, un de plus, un de trop dont j’attendais beaucoup et sans doute trop et qui m’a provoqué une déception inattendue. Depuis le renversant « Eternal sunshine of the spotless mind », je ne voulais plus que Michel Gondry me fasse dégringoler des sommets d’émotion qu’il m’avait provoquée. Malgré des fulgurances géniales mais fugaces, « Be kind rewind » est un gentil petit film parfois drôle mais pas toujours, pas assez et surtout pas hilarant comme je l’espérais, comme si Michel Gondry n'était pas allé au bout de la folie annoncée. Sans doute aurais-je été plus indulgente s’il ne s’agissait pas de lui. Bon j’en sais rien. Néanmoins, je dirai que la première partie est vraiment très très laborieuse et à la limite même, très mal jouée. Lorsque Jerry et Mike se mettent à revisiter les films avec deux bouts de ficelle de cheval et leur caméra vidéo, ça devient franchement loufoque, mais jamais assez. Le remake de « Ghostbuster » est sans doute le plus réussi, mais les scènes de nuit de « Rush hour 3 » filmées en plein jour (il faut voir pour le croire le stratagème employé) sont franchement hilarantes, l’hommage à « 2001 l’Odyssée de l’Espace" (un de mes films cultes que je décortiquerai jusqu’à mon dernier souffle…) m’a particulièrement touchée… On trouvera ensuite, et en vrac « Robocop », « Le Roi Lion » « King Kong »… et c’est là que ça finit par coincer. Au lieu de nous laisser continuer à jouer au quizz « c’est quel film ? C’est quel film ? »… Michel Gondry nous fait un catalogue qui défile clairement sur l’écran alors que derrière se jouent des scènes. On doit choisir entre lire les titres qui défilent et regarder ce qui se filme. On dirait qu’il casse son jouet et nous confisque le nôtre. Non, franchement pour une déclaration d’amour au cinéma, je m’attendais à plus, à mieux, à différent, plus loufoque, plus dément, plus débile. C’est bricolé oui et revendiqué comme tel, mais on a du mal à croire et à s’attacher aux personnages. Ça (me) gêne énormément. Jack Black est, comme on dit, en roue libre totalement, mais chaque fois qu'il apparaît il ne lui manque que le panneau : "Attention, je vais faire le con !". J’ai beaucoup de mal à me faire une opinion sur cette prestation qui il me semble manque de finesse (on s'en serait douté) et surtout (plus grave) de spontanéité. Les autres acteurs sont absents ou transparents, exceptée Mia Farrow désespérément irritante dans son niénième rôle de vieille petite fifille fofolle. Une chose est sûre, c’est pas l’interprétation qui attire dans ce film.

    Et pourtant, et pourtant… la toute dernière partie, la plus courte, la plus réussie me trotte encore dans la tête parce que j’y ai retrouvé des airs nostalgiques qui lorgnaient du côté de Lubitsch (« The shop around the corner ») et de Capra (« It’s a wonderful life ») et là, l’émotion est au rendez-vous, le véritable hommage au cinéma, c’est là que je l’ai trouvé ! L’humanité, l’espoir, la solidarité, la fraternité, la douceur me semblaient palpables… Ai-je rêvé ?

  • L’heure d’été d’Olivier Assayas **

    L'Heure d'été - Jérémie Renier et Charles Berling
    L'Heure d'été - Charles Berling et Juliette Binoche

    Hélène fête ses 75 ans entourée de Frédéric, Adrienne et Jérémie ses enfants ainsi que leurs conjoints et leurs enfants dans la maison familiale. Elle a consacré sa vie à l’œuvre de son oncle et sa maison ressemble aujourd’hui à un musée où en plus des œuvres du peintre, trônent des toiles ou du mobilier de Corot, Majorelle, Daum… Hélène meurt soudainement et ses enfants se réunissent à nouveau pour envisager ce qu’il faut faire de cet héritage ainsi que de la maison de leur enfance. L’aîné Frédéric est persuadé que la maison et les œuvres seront transmises de génération en génération or, son frère vit en Chine, sa sœur aux Etats-Unis, ils reviendront peu en France et ont besoin d’argent…

    Olivier Assayas revient enfin à un cinéma plus accessible, plus compréhensible et surtout hyper sensible et nous pose cette question : objets inanimés, avez-vous donc une âme ? La réponse est oui, et tout le film est subtile et raffiné non parce qu’il parle beaucoup d’art mais aussi et surtout, en ce qui me concerne de sentiments, de racine, de transmission, d’héritage… et du moment auquel on est absolument jamais préparé, celui où l’on doit vendre la maison de ses parents. Les relations des frères et sœur entre eux, ceux avec leur mère ne sont pas décortiqués au scalpel mais effleurés en quelques scènes avec infiniment de délicatesse. Et si à un moment Charles Berling (magnifique) pousse un cri libérateur très impressionnant, il n’y a pas d’un côté le gentil qui veut garder la maison et de l’autre les méchants qui veulent vendre. Avec beaucoup d’intelligence et de lucidité, chacun expose ses (bonnes) raisons. A aucun moment ils ne sont les uns contre les autres. Le trio de tête, la fratrie de cinéma Berling/Binoche/Régnier fonctionne à merveille et éblouissent une fois de plus par leur naturel. Les scènes entre Jérémie Régnier et Charles Berling sont tout particulièrment réussies. Edith Scob, la mère, est magnifique dans un rôle vraiment sensible. Dominique Reymond, Valerie Bonneton et Isabelle Sadoyan très discrètes mais essentielles dans des rôles secondaires sont épatantes.

    Dommage que l’épilogue qui donne la part belle à la jeunesse (les enfants de Charles Berling, des ados) soit, selon moi, complètement ratée car elle nous éloigne totalement pour ne plus jamais nous en rapprocher du coeur vibrant du film.

     

    L'Heure d'été - Le réalisateur Olivier Assayas, Juliette Binoche et Kyle Eastwood sur le tournage
    Devinez qui est le jeune homme à droite ???
  • Paris de Cédric Klapisch **

    Paris est la plus belle ville du monde, si si, et Klapisch donne envie d’y passer ses vacances, ce que je ferais volontiers tellement j’aime cette ville aussi, et tant il y a de choses et d’endroits à découvrir encore et encore. Paris c’est l’ombre et la lumière, les quartiers chics, les quartiers pauvres, les quartiers populaires et leurs marchés qui tentent de lui donner un air de village, les taxis qui râlent, les manifs qui embouteillent, les monuments qui s’illuminent quand la nuit tombe, les grands boulevards, les petites impasses pavées qui montent à la verticale, les terrasses bondées des cafés, les théâtres, le music-hall, le grand tralala, et Rungis... Paris c’est la pluie, puis le soleil, c’est la hâte et la flânerie, Paris brisé, Paris martyrisé… oups, pardon (tais-toi de Gaulle !)… Mais Paris, c’est aussi et c’est surtout des parisiens qui travaillent, qui s’aiment et se déchirent, qui se cherchent sans se trouver, se croisent sans se voir… Paris c’est plein de gens qui vivent en somme et c’est l’histoire de parisiens, de Paris ou d’ailleurs que Klapisch va nous faire partager le temps d’un film. La bande-annonce tourbillonnante, bouleversante, peuplée d’acteurs que j’aime m’avait placée dans une attente fébrile. Le résultat m’a vraiment fait vivre les montagnes russes, des sommets fulgurants et des dégringolades catastrophiques qui donnent au final un avis très mitigé et une déception très inattendue.

    Voici en gros, en vrac, à tort et à travers, les grands bonheurs et les grandes déceptions de ce film.

    Paris - Juliette Binoche et Romain Duris

    Pierre a tout pour lui, la jeunesse, la beauté, la vie devant lui. Il est danseur mais il est très malade. Son « cœur de Pierre » ne fonctionne plus. Il attend une transplantation dans son appartement haut perché (au-dessus d’un cimetière… là, tu pousses Cédric !) et observe les gens d’en bas et d’à côté qui s’agitent, qui ont la vie devant eux « putain ». Il met sa sœur au courant qu’il ne survivra peut-être pas : 40% de chance, ça fait 60% de risques… Elle s’installe chez lui avec ses trois enfants (pourquoi pas un, pourquoi pas 8… on sait pas) pour l’aider car même soulever une fourchette devient héroïque par moments. Du haut de son perchoir Pierre va donc observer ou inventer des vies à un historien chercheur et dépressif (Fabrice Lucchini qui nous offre les plus beaux, profonds, émouvants et drôles moments du film), un maraîcher amoureux (Albert Dupontel), un architecte trop normal (François Cluzet), une boulangère raciste et à la tête farcie de clichés (Karin Viard, dans son premier rôle de composition… enfin, j’espère !), une étudiante hésitante (Mélanie Laurent), un top-model sans cervelle (Audrey Marnay)… et d’autres encore qui gravitent pour trouver leur place, ou pas. Et ça fait trop, beaucoup trop, même si je comprends que multiplier les personnages c'était aussi multiplier toutes les possibilités, tous les destins auxquels s'identifier ou pas... Mais lorsqu’il se concentre sur la relation frère/sœur de Pierre et Elise ou celle frère/frère (Lucchini/Cluzet) de Roland et Philippe, là, Klapisch frappe très fort et très juste et offre à son film des sommets de tension, d’émotion et de vérité qu’on lui connaissait peu…

     

    Paris - Romain Duris et Juliette Binoche
    Paris - François Cluzet et Fabrice Luchini

    Mais commençons par le pire du pire, ce pour quoi je ne te pardonne pas Cédric, jusqu’à ce qu’on m’explique ET que je comprenne le pourquoi du comment de telles scènes qui tombent comme des veuchs sur la soupe. A un moment quatre tops models titubantes, bourrées des quatre fers après une soirée bien arrosée « ouais han, pourtant han, on avait bien dit han, qu’on boirait qu’une coupe han… hi hi hi hi hi hi hi !!! »… se rendent à Rungis comme on se rendrait au zoo pour voir des animaux exotiques. Là, les quatre sans cervelles observent en pouffant comme des sottes des hommes qui travaillent à l’heure où elles vont aller se coucher. Elles regardent médusées et l’une s’exclaffe « oh la la, ça se sont des mains de travailleurs !!! » ou encore « je fais mes courses par internet je ne savais pas qu’il y avait des endroits comme ça avec des vrais fruits et des vrais légumes !! » (et une tête avec un vrai cerveau dedans t’as déjà vu ???). Et comme les hommes ne sont que des hommes qui réfléchissent avec leur entrejambe (excusez l’empilement de clichés mais je n’invente rien !!!), ils emmènent les filles visiter les abattoirs car évidemment le rêve de la bourgeoise est de se faire sauter par un travailleur entre les carcasses de viandes à Rungis !!! Affligeant, consternant et plein de trucs en ant qui me font encore et toujours me poser la question : « comment des acteurs peuvent accepter ce genre de scènes ??? ». Fin de la parenthèse.

    Il y a encore plein de moments dans le film où l’attention baisse (les multiples scènes de marché… en fait la même répétée 10 fois… oui, je sais la vraie vie est faite de répétitions et d’instants monotones mais au cinéma une fois ça va… 10 fois…) mais passons plutôt au meilleur du meilleur et aux moments de pure magie qu’on doit surtout aux acteurs et à la merveilleuse direction d’acteurs qui va avec.

    Romain Duris est Pierre. Son réalisateur et ami (j’imagine puisqu’ils en sont à leur cinquième collaboration) est fou de lui et nous spectateurs, on est fous de Romain parce qu’il est magnifique. Qu’il danse, qu’il sourit, qu’il pleure, qu’il s’essouffle, qu’il s’énerve, on danse, sourit, pleure et s’essouffle avec lui. Comme toujours il ne joue pas, il incarne. Je trouve qu’il symbolise tout ce que j’aime chez un acteur : le naturel (même si parfois j’aime aussi le cabotinage, mais je n’en suis pas à une contradiction près). Jamais on a l’impression qu’il interprète, il EST, toujours entier, frais, vrai, à la fois physique et charnel, intense et profond, sombre et lumineux.

    La vie de Roland (Fabrice Lucchini) est autant mise en évidence que celle de Pierre qui est le « cœur » du film, sans doute parce qu’il est historien, spécialiste de Paris. Sa performance ici m’a littéralement sidérée, jamais je ne l’avais vu si touchant, si humain, pétri de contradictions, de délicatesse… d’humanité, je ne trouve pas d’autre mot. Evidemment, il nous fait aussi plusieurs grands numéros « à la Lucchini » qui donneront de l’urticaire à ceux qui ne l’aiment pas et raviront ses fans (dont je suis), mais il y a ici une dimension supplémentaire et si lors de ses one man shows, on a chaque fois envie que la scène ne s’arrête jamais (sa danse tordante devant une Mélanie Laurent hilare en est une), il est aussi époustouflant lorsqu’il a un autre être humain en face de lui. A ce titre, la scène chez le psy devrait s’inscrire dans les scènes d’anthologie. Face au psy (génial Maurice Bénichou), il nous la joue d’abord à la Lucchini « j’suis z’un pragmatique moâ ! », jusqu’à ce que le psy l’amène à faire une révélation, LA révélation… et là, on hésite (comme le psy) entre éclater de rire ou en sanglots. Bravo. Les scènes qui l'opposent ou le le rapprochent de son "frère" François Cluzet sont elles aussi empreintes de tension et d'émotion vraiment réalistes et troublantes. Chacune des apparitions de Lucchini est un enchantement car si on le voit en histrion cabotin et facétieux, il y a aussi toute une part d’ombre qui apparaît, une authentique fragilité palpable à l’écran. Un bel acteur et je rêve toujours pour lui du premier rôle à la hauteur de sa dé-mesure.

    Paris - Fabrice Luchini

    Alors pour Fabrice, Romain, Juliette… et Paris : OUI !

    ET PUIS N’OUBLIEZ SURTOUT PAS LA MERVEILLE CI-DESSOUS A VOIR AVEC VOS ENFANTS (OU SANS !).

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  • Les liens du sang de Jacques Maillot **

     

    Les Liens du sang - François Cluzet et Guillaume Canet
    Les Liens du sang - Guillaume Canet
    Les Liens du sang - François Cluzet

    François est flic et va tout tenter pour aider son frère Gabriel qui sort de prison après avoir purgé 10 ans pour meurtre et tente de se réinsérer. Hélas la trajectoire des deux hommes, leurs différences et leur singularité vont les faire s’opposer à nouveau malgré l’amour incontestable qui les unit.

    La complicité de Guillaume Canet et de François Cluzet est évidente et apparaît clairement à l’écran. Guillaume Canet tout en intériorité, parfait quand il souffre, apporte à son personnage une part d’ombre qu’on lui connaissait peu jusqu’ici. François Cluzet passe comme toujours du rire aux larmes, du calme à l’excitation avec une aisance déconcertante. La reconstitution des années 70 semble inattaquable, les rouflaquettes, les cheveux longs, les (horribles) moustaches, les 2 chevaux, les Renault 5, tout y est. On entend même en fond sonore le générique de la mythique émission « Les dossiers de l’écran » (elle me faisait peur cette musique, c’était celle du film « L’armée des ombres »). C’était aussi l’époque où tous les hommes avaient en permanence une « gitane » vissée au coin des lèvres. Les seconds rôles ont tous des tronches idéales comme s’ils étaient restés coincés en 1979, mention spéciale à Luc Thuillier et Marc Chapiteau (trop rares). Les femmes (Clotilde Hesme, Marie Denarnaud, Carole Franck) ont un vrai rôle à tenir, ce qui est rarement le cas dans un «policier » généralement centré sur les hommes. Elles occupent toutes sans exception une place centrale. Les rapports, les relations entre les deux frères et le reste de la famille, leurs enfants, la sœur, le père, les beaux-frères, les embrassades, les engueulades, les déceptions… tout semble criant de vérité comme si le réalisateur avait placé sa caméra dans une « vraie » famille. L’histoire réaliste, touchante, et pas banale se suit avec beaucoup d’intérêt et d’attention.

    Et pourtant il manque à ce film, un peu paresseux, un petit supplément d’âme pour le rendre définitivement captivant. Etrange et dommage !

  • Cortex de Nicolas Boukhrief **

    Cortex - André Dussollier
    Cortex - André Dussollier

    Charles Boyer est un flic à la retraite. Il intègre une clinique qui accueille des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer dont il souffre également. Les prétendues morts accidentelles qui perturbent l’établissement alertent Charles qui ne croit pas à la version expéditive et rassurante du personnel de l’hôpital. Muni de son cahier, il va mener sa propre enquête.

    Il s’agit un peu de la version (pas drôle) du récent et excellent « Vous êtes de la police ? » de Romuald Beugnon, où un pensionnaire (ex-flic) se chargeait également de résoudre l’énigme de morts suspectes. Ici, le lourd handicap de la perte de mémoire de l’enquêteur lui complique particulièrement la tâche.

    Je n’ai jamais vu de malades souffrant d’Alzheimer mais on a parfois davantage l’impression d’être dans un hôpital psychiatrique tant les pensionnaires ont l’air absent et drogué et, si ce n'est quelques accès de violence, agissent pour la plupart comme de « doux dingues »... Cette réserve étant faite, j’ai par contre trouvé que la description du personnel médical était en tout point conforme à ce que j’en connais : faussement bienveillant, blasé par la souffrance, infantilisant, rongé d’ambition et convoitant la place de l’autre…

    La plus grande réussite de ce film-enquête paranoïaque et anxyogène réside évidemment dans son casting. Quelques « malades » font « leur numéro » : Aurore Clément et Marthe Keller, douces, magnifiques et solaires mais c’est André Dussolier qu’on ne quitte pas d’une semelle qui est magnétique. Son regard inquiet, parfois inquiétant, d'autres fois affolé lorsque le piège commence à se refermer sur lui, son beau visage comme taillé à la serpe, son obstination, son désarroi valent le déplacement pour ce film qui curieusement manque un peu de mobile…

  • Death sentence de James Wan **

     

    Death Sentence - Kevin Bacon, Jordan Garrett, Kelly Preston et Stuart Lafferty  

    Ça commence par la description de l’american way of life, my dream come true et blablabla… il y a papa, maman, les deux garçons qui se chamaillent parfois à table, la belle maison, noël au balcon, pâques au tison, les matchs de hockey du grand, de football du petit… what else ?

    Le grand fils va se faire assassiner sous les yeux de papa par une bande de tatoués aux crânes aussi lisses que leurs cerveaux. Apprenant que le tueur ne passera pas le reste de ses jours en prison, papa se transforme en machine de guerre, puis en tueur, en zombie, en mort-vivant et déclare la guerre à lui tout seul, au gang de sauvages !

    Death Sentence - Kevin Bacon

    Vu comme ça, ça doit paraître complètement abruti et pourtant ça ne l’est pas (pas toujours) et surtout ça fonctionne, c’est efficace à 300 % et ne serait-ce que pour une scène de poursuite dans un parking, hallucinante, jubilatoire et anthologiesque, je vous dirai « foncez, pied au plancher ! ». Qu’on ne me fasse pas le coup du « débat » sur l’autodéfense et la loi du talion, même si ça fait toujours chic de révéler qu’on en connaît un rayon question morale !!! Ici, c’est du 36 000ème degré invraisemblable et de toute façon tout est dans l’excès et la surenchère :

    -          « ah ! t’as tué mon fils ? tiens, je tue ton frère !!! 

    -          ah ! t’as tué mon frère parce que j’avais tué ton fils ? Tiens, je tue ta femme !

    -          ah t’as tué ma femme parce que j’avais tué ton fils parce que t’avais tué mon frère… » etc, etc.. jusqu’à ce que le combat cesse faute de combattant !

    Evidemment, le réalisateur a un peu de mal à conclure mais c’est pas grave, la machine à killer c’est Kevin Bacon (bientôt 50 ans, il en paraît toujours 35… ça m’énerve, mais ça m’énerve !!!) et il assure comme une bête en se transformant de gratte-papier chemise cravate tout propre sur lui, en serial killer implacable tout couturé de partout, façon Rambo du Centre Ville. Lui, Kevin (+ la scène dans le parking !), c’est un spectacle ! Parole d’honneur.

    Death Sentence - Kevin Bacon
  • Survivre avec les loups de Véra Belmont **

    Survivre avec les loups - Mathilde Goffart
    Survivre avec les loups

    Un soir Misha rentre chez elle, ses parents juifs viennent d’être déportés. Ne sachant qu'une chose, "ils sont à l’est », équipée d’une boussole elle va traverser la Belgique, l’Allemagne, la Pologne, l’Ukraine seule à pieds et revenir. Son périple, sa descente aux enfers dureront trois ans.

    De mémoire de cinéphile, je n’ai jamais vu un(e) enfant souffrir autant au cinéma. Pendant deux heures, rien ne nous est épargné des souffrances, des blessures, de la peur et de la faim de Misha qui reprend confiance et courage chaque fois qu'elle croise des animaux. Ce qu’elle ingurgite est parfois à la limite du soutenable mais sa volonté, sa force, sa résistance, son instinct de survie sont absolument inouïs et forcent l'admiration. Sa cohabitation avec quelques loups devient pratiquement anecdotique tant c’est plutôt la compagnie des hommes (qui sont des loups pour les hommes comme chacun sait, et encore plus pour les enfants), qu’il faut qu’elle évite à tout prix. Les conditions extrêmes (entre autre météorologiques) et de dénuement de cette errance sont parfois insupportables. Mais comme ce film est porté par une petite fille en tout point exceptionnelle, seule à l'écran pendant les trois quarts du film, Mathilde Goffart dont c’est le premier rôle, je ne peux que vous le recommander, et comme moi, au bout d’un moment vous ne pourrez que trembler avec elle et espérer que sa maman la serre encore dans ses bras.

    Voici une nouvelle expérience au-delà des limites humaines, into the wild.