Mathieu meurt dans un accident de voiture alors que son meilleur ami Franck en sort indemne. Les réactions des proches sont diverses et celle de la mère, insolite. C’est cette dernière (Catherine Deneuve/Camille) qu’on ne va plus quitter un instant alors que les autres consternés, surpris ou choqués par l’attitude de Camille qui se rapproche de plus en plus de Franck, vont se diluer dans la pellicule.
Ici, il n’est question ni de mort (on ne « voit » pas l’accident, ni le mort (ou si peu)), ni de deuil (Camille le refuse)… la question, la seule, et c’est Camille qui la pose au père de Mathieu (Guy Marchand : MAGNIFIQUE) dont elle est divorcé est :
« Qu’est-ce qu’on va faire ?"
Et oui, car après lui : Quoi ? Après lui ? Rien, c’est simple.
La première apparition de Camille est une Vision purement et simplement. C’est un éclat de rire, c’est le temps de l’insouciance. Cette femme, cette actrice capture la caméra, l’attention, l’écran. Dès lors le film lui appartient. Dommage que Mathieu soit Adrien Jolivet car hélas il disparaît de l’écran dans les dix premières minutes après une jolie scène de chahut tout léger. C’est un acteur merveilleux (avez-vous vu «Zim and Co» ?) et je lui aurais bien attribué le rôle de Franck tenu par Thomas Dumerchez, particulièrement fade.
Sitôt la scène d’ouverture expédiée… Camille/Catherine nous crache littéralement son chagrin au visage. Elle est dévastée par ce séisme et secouée de sanglots et de larmes qui jaillissent et nous atteignent en plein cœur. Si vous passez cette première demi-heure c’est que, comme moi, vous êtes équipés d’une belle dose de masochisme car c’est tout simplement INSUPPORTABLE. Tous ses gestes, ses regards sont des crève-cœur et il fallait bien cette actrice qui semble avoir tout vécu et pouvoir tout se permettre pour réussir à être aussi juste sans jamais en faire trop.
Camille se tourne donc vers Franck que tout le monde tient pour responsable de l’accident puisqu’il était au volant. Pourtant lui aussi est perdu et inconsolable. Camille va se rapprocher de lui, lui proposer du travail, l’inciter à ne pas abandonner ses études, lui offrir des cadeaux, le couvrir de baisers, refaire avec lui le trajet fatal. Elle va rejeter, brutalement, tous ceux qui ne vont pas comprendre, sa sœur, sa fille, son petit-fils qui vient de naître, ses ‘amis’. C’est choquant… oui sans doute mais j’ai compris absolument, et approuvé… Et comme le dit Catherine : « on a tous les droits quand on vit une souffrance pareille ».
Catherine Deneuve encore et toujours là, surprenante, sidérante, magnétique fait de chaque scène un évènement et on se répète qu’elle ose TOUT. Avec son autorité, sa voix et son débit inimitable, elle peut tout envoyer balader d’un revers de main ou d’un mot. Volontaire et obstinée jusqu’à l’obsession, elle nous offre des regards plus éloquents que des discours.
Chaque scène devient un moment d’anthologie avec elle,
parce que c’est elle.
Elle marche et même son allure et sa silhouette sont hypnotisant. Cette actrice est magique. Et elle peut tout : marcher sur un chantier à toute allure les mains dans les poches, engueuler tout le monde, faire une mine de dégoût quand on lui impose un bébé dans les bras, suivre des jeunes gens dans la rue et leur proposer de faire quelques pas avec eux, fumer des cigarettes non stop, pousser un scooter et excédée vouloir le donner aux passants, aller à un concert de rock et sauter comme une gamine, s’arracher les mains sur l’arbre responsable de l’accident, puis y foutre le feu, balancer des répliques comme « me mêle pas à tes histoires de cul »… Un réalisateur amoureux (au sens presque religieux du terme) de son actrice, c’est toujours magnifique à voir. Celle-ci est un électron libre. Elle est magique, elle est unique et le film terminé c’est sa voix qu’on entend encore… avec comme paroxysme la scène du choix des vêtements, déchirante ou celle où elle découvre la musique qu’aimait son fils.
Ecoutez :