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4 ** POURQUOI PAS ? - Page 66

  • Transylvania de Tony Gatlif ***

    Zingarina parcourt la Transylvanie pour retrouver Milan qu’elle a aimé en France et qui a disparu. Elle le retrouve et il lui dit brutalement qu’il ne veut pas d’elle. Désespérée, seule et à demi-folle, elle se sépare de son amie Marie qui l’accompagnait et erre solitaire dans ce pays froid et hostile. Elle va rencontrer Tchangalo, homme seul comme elle mais libre ! Il va lui redonner confiance en la vie, en l’amour.

    Comme toujours Gatlif filme une histoire simple dans un tourbillon. C’est fou, poétique, totalement foutraque mais on est emporté par ce déchaînement lyrique grâce, en partie à la musique qui vous soulève et vous transporte. Dans ce pays de musiciens, on s’offre un orchestre comme on s’achèterait un CD chez nous. Un des personnages le dit : « la musique c’est pour la vie, pas pour se faire du mal ». C’est en chantant, en dansant que les personnages reprennent goût à exister et c’est beau, enivrant. On n’atteint pas le niveau de l’insurpassable (selon moi) « Gadjo Dilo » ni de « Exils », mais c’est du Gatlif, donc toujours meilleur que la moyenne ambiante. La sincérité, l’énergie, la folie, le rythme sont des arguments imparables. Et comme chez Kusturica, autre fou démesuré, on peut même croiser des ours sur la route.

    Quant aux acteurs, ils n’interprètent pas, ils SONT. Asia Argento qui ne fait jamais les choses à moitié… ne fait donc pas les choses à moitié, et Birol Ünel est fascinant.

    Un beau voyage enthousiasmant qui s’achève sur un lumineux sourire.

     

  • Le pressentiment de Jean-Pierre Darroussin**

    Charles, avocat, se désole de vivre dans un monde méchant où l’entraide et la solidarité ont disparu. Ne cherchez pas, ce n’est pas de la science-fiction on est bien en 2006 à Paris. Bourgeois nanti à héritage il rompt avec son milieu, son travail, sa famille (des frères et une sœur consternés de voir leur frère « devenu fou », une femme aristocrate insupportable et prétentieuse qui vit dans un appartement musée, un fils qui n’est peut-être pas de lui…) et part vivre, solitaire dans le quartier le plus populaire de Paris.

    Dans cet immeuble où tout le monde se connaît et s’épie il donne des conseils, prête de l’argent puis recueille une toute jeune fille dont le père a frappé un peu fort sur la mère !

    Très vite, il s’aperçoit que dans la France « d’en bas » comme dans celle « d’en haut »… le dévouement désintéressé est suspect, mal perçu et qu’il provoque des jalousies, des accusations infondées de la méchanceté… jusqu’à la révélation du « pressentiment ».

    Précédé de son indiscutable capital sympathie, il m’est impossible de dire le moindre mal du premier film de Jean-Pierre Darroussin, même s’il n’est pas toujours aisé de comprendre où est la frontière entre le « rêve », le fameux pressentiment et la réalité. Darroussin est le copain qu’on rêve tous d’avoir tant il incarne la douceur, la gentillesse assorties d’un humour désabusé qui fait toujours mouche. Ici, comme souvent il traîne sa carcasse désenchantée d’homme qui n’en peut plus et n’a plus guère d’illusions. Comme toujours il est parfait.

    Mention spéciale également à Valérie Stroh, si rare, et à Hippolyte Girardot impeccable qui, sourire ironique au coin des lèvres, semble vivre le rêve de son aîné par procuration.

     

  • La Méthode de Marcelo Pineyro***

    Bienvenue dans l’entreprise, cet univers impitoyable. 7 candidats (5 hommes, 2 femmes…) ont été sélectionnés pour pourvoir un poste de cadre dans une multinationale. Ils se retrouvent dans la même pièce et comprennent rapidement qu’ils vont devoir s’éliminer les uns les autres jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’un. Lors des tests, sadiques et sophistiqués, chacun doit prouver pourquoi il est le meilleur. Le jeu de massacre peut commencer. Pour Eduardo, tapez 1, on connaît la chanson…

    C’est un huis clos asphyxiant, on ne sort pratiquement pas de la salle de tortures… mais c’est passionnant et jubilatoire, servi par des dialogues cyniques, cruels et plein d’humour et par une interprétation des plus réjouissantes (Eduardo Noriega et Pablo Echarry : muy caliente). La morale (y'en a t'il une ?)  n’est pas drôle du tout mais une fois encore on nous démontre jusqu’à quelles bassesses l’être humain est capable d’aller pour sauver sa peau.

     

  • Sarajevo, mon amour de Jasmila Zbanic***

     La vie quotidienne à Sarajevo, après la guerre. C’est une ville grouillante où tout le monde court, dans les bus, dans les rues, ça bouge. Tout semble « normal » et pourtant certains murs sont encore criblés d’impacts de balles. La jeunesse s’étourdit dans des bars où l’on danse au son de cette musique endiablée et si vibrante, chacun se rend à son travail ou à l’école. La vie a repris ses droits mais… ceux qui faisaient des études avant la guerre n’ont pas eu l’énergie de les reprendre après, les femmes se réunissent en groupes de paroles pour exorciser les démons ou tenter de cicatriser les plaies, les enfants sans père se les inventent héros… C’est le cas de Sara, ado boudeuse à la fois tendre et violente qui vit avec sa mère Esma, courageuse et abîmée qui semble cacher un secret à sa fille.

    Ce récit sobre et poignant a reçu l’Ours d’Or au Festival de Berlin. C’est mérité car il s’agit à nouveau d’une histoire qui rend hommage aux victimes oubliées des conflits. Pétri d’humanité et illuminé par ses deux actrices principales, impliquées et écorchées, ce film émouvant nous rappelle une fois encore les ravages irréparables des guerres et comment des êtres humains peuvent dévaster la vie d’autres êtres humains

  • 12 and holding de Michaël Cuerta ***

    Jacob, Malee et Léonard, sont amis. Ils ont douze ans et vont quitter l’enfance, chacun à leur façon en fonction des événements qui vont bouleverser leur existence.

    Jacob, frêle petit garçon au visage barré d’une tache de naissance, perd son frère jumeau dans un incendie à la fois criminel et accidentel et se retrouve animé d’un désir de vengeance. Malee, ado précoce et délaissée, use de tous les moyens pour séduire un homme sous le charme duquel elle est tombée. Léonard, garçon obèse dans une famille d’obèses cherche à se sauver et à sauver sa famille (contre son gré) de leur « infirmité ». Autour de ces enfants blessés, les adultes, les parents, ni pires, ni meilleurs que d’autres, déroutés par les circonstances, font ce qu’ils peuvent, et peuvent souvent peu et mal !

    A une aberration scénaristique près, le parcours des trois amis est filmé avec beaucoup d’intelligence et il se dégage de ce film, entre drame et comédie, énormément d’émotions et de douleurs. Les trois enfants, à des années lumières des pestes qui trépignent pour un match de base-ball ou un anniversaire…, sont absolument formidables, justes, touchants et étonnants.

  • Président de Lionel Delplanque **

     

    Voir un Président de la République propre sur lui et presque propre dans sa tête devenir un pourri de première, on connaît… on a ce qu’il faut sur le Trône de France depuis… je vous laisse remplir les points de suspension ! Par contre, ce qui est réjouissant c’est de voir les coulisses du pouvoir, le train de vie royal, les adultères, les compromissions, les disparitions suspectes et j’en passe. Ici, le bureau n’est pas ovale, il est rectangulaire mais les idées qui circulent sont quand même courbes.

    Au-delà de tout, c’est l’interprétation qui est impériale et emporte l’adhésion jusque dans les moindres seconds rôles de gardes du corps par exemple.

    Albert Dupontel, plus charismatique qu’on ne l’a jamais vu fait un excellent président, crédible, capable de faire un discours de rock star, de poser toutes dents dehors pour des magazines, aidé en cette mascarade par un maître ès communication (Jackie Berroyer, irrésistible). Jérémie Rénier excelle, film après film à jouer les arrivistes aux dents longues. Claude Rich, comme toujours, raide comme un piquet, se régale et nous régale à être le mentor, cynique, ambigu et séduisant.

    Lionel Delplanque enfonce le clou un peu profond avec une scène, très JFK où une tentative d’assassinat est récupérée aux fins de gagner des points dans l’opinion publique.

    Cet univers assez nauséabond est rendu de façon très contradictoire bien sympathique grâce à cette interprétation sans faille où tout le monde semble s’être bien amusé.

  • A scanner darkly de Richard Linklater ***

     

    2013 en Californie. Le flic Bob Arctor (Keanu Reeves) est chargé d’une mission d’infiltration auprès de junkies accros à une substance qui crée une dépendance inévitable et des dommages collatéraux irréversibles. Pour rendre sa mission plus crédible, il devient lui aussi dépendant…

    Avez-vous déjà vu un film d’animation avec de vrais acteurs animés ? Non. Alors courez voir celui-ci. Visuellement c’est magnifique et les acteurs (Keanu Reeves, Robert Downey Jr, Woody Harrelson) quoique stylisés, y sont remarquables. C’est paranoïaque, très bavard, souvent très drôle mais aussi inquiétant et vertigineux tant le héros se retrouve emmuré dans un piège inextricable.

    Le final, dérangeant et désespéré vous laisse complètement sonné.

    Jubilatoire sur le plan cinématographique, désespérément angoissant sur le plan intellectuel, ce film est une curiosité et une réussite.

  • Fair Play de Lionel Bailliu**

     Malgré un titre et une affiche loin d’être convaincants et attirants, voici un film hors du commun où, fait rarissime, pas un seul personnage n’est sympathique.

    Mettez cinq ordures ordinaires dans une entreprise (qu’on ne voit jamais… tout se passe à l’air libre et en dehors des heures de travail) et là tous les bas instincts se révèlent. Pour garder son travail, pour être promu, pour s’en sortir, tous les coups sont permis et surtout les plus méprisables. Soif de pouvoir, harcèlement (sexuel ou psychologique ou les deux), arrivisme, corruption, humiliation… à quelque niveau de la hiérarchie qu’ils se trouvent, rien n’arrête les personnages de cette histoire machiavélique. Le sport est vécu comme le lieu où chacun va se révéler et manifester ce dont il est capable. Même la plus innocente victime se transforme en pire bourreau. C’est à la fois réjouissant et écoeurant.

    Entre séances d’aviron, squash, parcours santé, golf, canyoning (les séquences les plus flippantes..), les acteurs (excellents) s’en donnent à cœur joie pour faire tomber les masques et les hommes… La partie de squash, assez longue, vaut à elle seule un court métrage et devrait être diffusée dans toutes les écoles de commerce.

    Bref, un film suffisamment différent et original (malgré ses faiblesses) pour ne pas le bouder 

  • Belle toujours de Manoel de Oliveira ***

     

    Standing ovation de cinq minutes pour ce film à la Mostra de Venise, vu dans la grande salle du Palais des Festivals en présence de Manoel de Oliveira. C’est touchant de voir ce petit homme bientôt centenaire, toujours aussi avide de cinéma. Jamais sans doute il ne lâchera sa caméra car il aime toujours le septième art et je l’ai déjà dit, les films de cinéphiles pour cinéphiles sont toujours une émotion grand format.

    Ici, Manoel De Oliveira décide de rendre hommage à un film sulfureux et pervers : « Belle de jour » de Luis Bunuel.

    Les deux personnages du film de Bunuel, Séverine et Monsieur Husson se retrouvent 38 ans après. Ce dernier promet de faire une révélation essentielle à Séverine, qui la libérerait de la honte de ses perversions sexuelles de jeunesse !

    Comment rendre compte d’une mise en scène parfaite avec plans fixes sidérants, lumière renversante, intermèdes musicaux et acteur grandissime ? Le film s’ouvre sur le plan d’un orchestre symphonique qui joue devant une salle comble. Parmi les spectateurs : Husson, (Michel Piccoli), plutôt distrait, aperçoit Séverine, pas revue depuis presque 40 ans. Pas un mot pendant 10 minutes au moins, mais le trouble, la nervosité du personnage sont palpables. Il faudra attendre plus de la moitié du film pour que Monsieur Husson et Séverine se retrouvent enfin devant un repas, filmé en temps réel, à la bougie et sans un mot. Entre les plages de silence de longues digressions sur la vie, l’amour, les êtres et surtout les femmes. C’est sublime !

    Michel Piccoli est gigantesque et prodigieux capable d’être à la fois sobre et démesuré : une présence.

    Un seul regret, le rôle de Séverine a été confié à Bulle Ogier (pas du tout à la hauteur). Si Catherine Deneuve (avec sa classe, sa fausse froideur, son débit inimitable et son incomparable façon de remettre les gens à leur place…) avait repris ce rôle qu’elle avait créé, on se surprend à rêver au chef d’œuvre qu’aurait été ce film !

  • La jeune fille de l’eau de M. Night Shyamalan ***

     Cleveland, bègue pathologique, est concierge d’un immeuble de Philadelphie avec piscine. En se consacrant aux diverses réparations des uns et des autres locataires il a enfoui et essaye d’exorciser un traumatisme. Une nuit, Story débarque chez lui du fond de la piscine, « ce sont des choses qui arrivent »... D’abord perplexe il comprend que cette nymphe aquatique est un personnage de conte, qu’elle a une mission sur terre (faire quelques révélations !) et que pour l’aider à repartir vers son Monde Bleu il doit lui aussi croire au conte et persuader quelques personnages. Pour que Story puisse rentrer chez elle, elle a besoin d’un guide, d’un traducteur, d’un hypnotiseur et autres jeunes filles. C’est à un véritable « casting » fait d’erreurs de jugement et d’appréciation auquel Cleveland doit se livrer. Par ailleurs, la belle est poursuivie par une bestiole malfaisante (sorte de Kraken des prairies…) qui veut la dévorer ! Sursauts garantis.

    Certains resteront sur le bord de la piscine. Il y a même des esprits chagrins qui voient dans ce film le rêve mégalomaniaque de Shyamalan de gouverner le monde et un règlement de comptes à destination des critiques de cinéma !!! Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Bêtise ou naïveté de ma part, j’y ai plutôt vu le rêve d’un Peter Pan qui croit en la bonté, qui ne veut pas grandir et j’ai plongé pour de multiples raisons. Comme toujours chez le réalisateur, il y a de bons sentiments (et aussi quelques agaçantes "bondieuseries" mais... je passe) et quand ce n’est pas niais, c’est touchant. Il y a de l’entraide, de la douceur alors que tournent en boucle sur les écrans de télé les images de la guerre en Irak. C’est doux et féerique alors qu’il n’y a pas (ou peu) d’effets spéciaux et puis c’est sublimement filmé comme toujours.

    La nymphe, Narf plus exactement, c’est Bryce Dallas Howard, étrange fille de porcelaine qui pourrait jouer tous les elfes de la création sans maquillage ni oreilles pointues, tant son beau visage est insolite.

    Cleveland, c’est Paul Giamatti : absolument phénoménal !

    N’hésitez pas, plongez.