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2 **** INDISPENSABLE - Page 55

  • THE DARK KNIGHT de Christopher Nolan ****

    The Dark Knight, Le Chevalier Noir - Heath Ledger

    The Dark Knight, Le Chevalier Noir - Heath Ledger

    The Dark Knight, Le Chevalier Noir - Christian BaleThe Dark Knight, Le Chevalier Noir - Christian Bale

    Heath Ledger est mort, pour toujours. Mais il est éternel. A jamais. Et la prestation qu’il nous offre en forme de testament nous laisse encore plus inconsolables alors que sa carrière et ses interprétations devenaient de plus en plus admirables et personnelles. Chacune de ses apparitions ici, dans le rôle du Joker, personnage qu’il n’habite pas mais qui semble le posséder tout entier réjouit, subjugue, impressionne  et fascine. Heath Ledger/Joker est l’âme noire oppressante et fascinante de ce film sombre et torturé. Tête engoncée dans les épaules, sourire perpétuel et humeur à fleur de lame de rasoir, il renvoie les pitreries du grand Jack Nicholson dans la galerie des grimaces clownesques amusantes alors que ce Joker ci est terrifiant.

    Dès la première scène, sidérante, une réussite totale, on est happé par l’ampleur et l’ambition qui jamais ne faibliront. Le Joker est de dos, on ne le sait pas, mais on sait, on pressent que c’est lui ce malade, massif, lourdaud, dément. La vision de son visage, masque, maquillage marmelade imprécise qui épaissit et dissimule ses traits le rendent à la fois pathétique, ridicule et troublant. Son visage de cinglé semble ravagé de larmes alors que fréquemment il éclate d’un rire sardonique. Cruel, hagard et totalement halluciné, il veut offrir à la ville grandiose de Gotham une criminalité à sa mesure. Mais sa résistance à la douleur, ses tendances suicidaires et son incontestable envie de mourir même si elles n’expliquent ni ne justifient son sadisme le rendent troublant. S’il révèle les traumatismes qui le rongent et le dévorent c’est pour mieux les utiliser sur et contre ses victimes innocentes.

    Et alors que Batman et le chef de la police sont occupés à défendre Gotham de plus en plus gangrenée par la pègre et la corruption, ils se trouvent rapidement confrontés à ce mal incarné et incontrôlable qui renouvelle et multiplie les trouvailles pour pousser l’horreur chaque fois un peu plus loin. Parallèlement, l’arrivée d’un nouveau procureur intègre, vertueux et désintéressé offre un nouveau héros à la ville et donne à Batman l’envie de raccrocher la cape, persuadé que les citoyens ont besoin d’un justicier à visage découvert.

    La suite des évènements ne pourra être aussi claire et limpide d’autant que le beau procureur a pris pour fiancée l’amie de toujours de Bruce Wayne, la délicieuse Rachel !!! Le bien et le mal rivalisent sans relâche, les hommes sont des anges ou des âmes damnées, les citoyens ont besoin de modèles braves et irréprochables, de surhomme au-dessus de tout soupçon. L’ensemble est rondement mené et si une une toute petite longueur semble peser vers la fin, la dernière scène, de toute beauté, déchirante pour les amoureux des super héros, laisse lessivé, stupéfait, totalement incrédule !!!

    L’interprétation dans son ensemble et quoique solide, irréprochable, en tout point admirable et inattaquable n’empêche cependant pas de regretter douloureusement Heath Ledger dès qu’il disparaît de l’écran.

    Pour Batman, pour le bien, le mal… tout ça, allez-voir ce grand film tourmenté, empli de mort(s), et pour Heath Ledger et sa démence douloureuse qu'il nous envoie d'outre-tombe !

    Comment un acteur peut-il faire "ça" ???

    Heath Ledger - Le Purificateur

  • Le premier jour du reste de ta vie de Rémi Bezançon ****

    Le Premier jour du reste de ta vie - Jacques Gamblin et Zabou Breitman Le Premier jour du reste de ta vie - Déborah François et Jacques Gamblin
    Le Premier jour du reste de ta vie - Pio Marmai et Jacques Gamblin
    Le Premier jour du reste de ta vie - Marc-André Grondin et Jacques Gamblin

    Dans la famille Duval, dont le père s’appelle Robert… oui comme Robert Duvall avec deux « l », il y a cinq personnes, les parents et 3 enfants, deux garçons et une fille. Ce film, c’est leur histoire. Enfin pas tout à fait mais un peu quand même. Ce film c’est 12 ans de leur vie à eux, mais pas vraiment. C’est surtout 5 journées comme 5 personnages, essentielles, confidentielles. 5 journées pas tout à fait comme les autres mais pas vraiment différentes. C’est la vie qui va, qui fait et qui défait.

    Rarement, jamais ( ?) un film n’aura autant et aussi bien parlé de nous, de moi, de toi. C’est d’autant plus surprenant que le réalisateur Rémi Bezançon (retenez bien ce nom !) semble être un homme bien jeune encore mais qu’il doit déjà avoir vécu mille vies pour en parler aussi bien, avec autant de force, de précision, d’éloquence et de cœur. Ce film est un hommage à la famille mais aussi et surtout à la vie, si merveilleuse, si douloureuse, si imprévisible. On lui pardonnera donc d'avoir recours à quelques stéréotypes (la fille semble dès son plus jeune âge n'avoir pour seuls rêve et ambition que de former un couple pour finalement se reproduire, laissant aux garçons le "loisir" de la réussite ou de la "glande"...) puisque c'est pour toucher le plus grand nombre !

    Rarement un film n’aura fait autant de bien et autant de peine et pourtant, jamais le réalisateur ne s’appesantit. Ni sur les moments de pure comédie qui arrachent de grands éclats de rire en cascade, ni sur ceux plus difficiles, voire franchement éprouvants qui font que l’émotion surgit et vous oppresse. Cela reste léger sans être futile, jamais pesant, jamais insistant. Rémi Bezançon fait confiance à son spectateur. Il sait qu’il est inutile de s’obstiner à décrire une agonie ou d’insister sur un gag pour que l’émotion ou le rire s’échappe.

    Comment peut-on appeler ça ? Pudeur, pureté, réserve, retenue, ou tact tout simplement. Oui, voilà, le premier film du reste de ma vie a du tact. Et du cœur, en abondance. Impossible de s’identifier vraiment à l’un ou l’autre des personnages car on se retrouve un peu dans chacun d’entre eux tant ce qu’ils vivent, on l’a vécu, on le vivra. Et c’est aussi assez stupéfiant de se dire en voyant un film sur un écran que oui, c’est ainsi, c’est exactement comme ça que ça se passe, ça je l’ai vécu, les bonnes surprises, les mauvaises nouvelles qui font qu’on ne sera jamais plus vraiment comme avant, le départ des enfants, la dispersion de cendres, la sécheresse du coeur du père, le moment où les yeux des parents brillent de bonheur et de fierté, le coup de foudre, les objets aussi, la complicité, les agacements, les jamais, les toujours, les grandes promesses, les petites trahisons, les faux départs, les arrangements, les hasards, les coïncidences, l’influence…

    Ce film, c’est la vie qui va. Avec les petites joies, les grands bonheurs, les disputes, les erreurs, les renoncements, les rencontres et celles qu’on a ratées, les départs, les retours, les mauvais choix, les bonnes intentions, la difficulté à dire aux gens qu’on aime qu’on les aime, les regrets, les remords, et aussi les inconsolables chagrins qui font que chaque matin, il faut, on peut, on doit « rester debout mais à quel prix »…

    Ce film c’est aussi le film d’un réalisateur qui aime le cinéma et il le prouve à deux reprises (je laisse la surprise, les plus cinéphiles vont se régaler) et avec des acteurs dedans. Et quels acteurs ! Du premier au dernier et plus petit rôle, on assiste à un véritable tourbillon haut de gamme, efficace, impeccable même si on ne peut nier que Jacques Gamblin atteint ici un Everest d’interprétation en explorant une palette infinie d’émotions. Il faudrait donc les citer tous sans exception, tant le souvenir de chacun d’entre eux s’impose et s’insinue en nous avec sa singularité et son originalité. Je citerai donc mes coups de cœur à moi, Marc André Grondin, déjà inoubliable dans le délicieux et très québécois « Crazy », le tout nouveau, très touchant et surprenant Pio Marmaï. Je citerai enfin Aymeric Cormerais dans le (petit) rôle drôle et pathétique de Sacha qui se prend pour la réincarnation de Jim Morrisson… Rôle de composition donc, puisque dans la vraie il est loin d’être ce jeune homme arrogant et satisfait, mais bien tout l’inverse, modeste, drôle et très charmant.

    Dernier cadeau à savourer, la bande son qui recèle quelques pépites bien envoyées… jusqu’au bouquet final, la chanson étourdissante d’Etienne Daho qui donne son titre au film et qui ne vous lâche plus, longtemps, longtemps après que l’écran se soit rallumé.

    La beauté et le prestige du cinéma se reproduisent régulièrement surtout quand on sort d’une projection qui a tant parlé au cœur.

    Alors, chaque jour il faudrait « rechercher un peu de magie, jouer le rôle de sa vie ». Ne pas oublier, jamais, que tout peut s’effondrer en quelques secondes et que chaque matin « comme tous les autres… c’est le premier jour du reste de ta vie ».

    C’est providentiel !

    Le Premier jour du reste de ta vie - Jacques Gamblin, Zabou Breitman, Marc-André Grondin, Déborah François et Pio Marmai

  • The Darjeeling limited de Wes Anderson ****

     

    A bord du Darjeeling Limited - Jason Schwartzman, Adrien Brody et Owen WilsonA bord du Darjeeling Limited - Jason Schwartzman, Adrien Brody et Owen Wilson
    A bord du Darjeeling Limited - Jason Schwartzman, Adrien Brody et Owen Wilson

    Francis, Peter et Jack sont frères, pourtant ils ne sont plus parlés depuis un an, depuis la mort du père. Francis l’aîné décide de réunir la fratrie pour un improbable voyage à travers l’Inde, à bord d’un train étrange, biscornu et néanmoins magnifique « Le Darjeeling limited ». Cette tentative de recréer les liens fraternels va se teinter d’une quête spirituelle quelque peu farfelue car menée par trois personnages tantôt lunaires tantôt loufoques. L’aventure, les imprévus et l’émotion seront également au rendez-vous.

    Cet extravagant voyage commence par un court-métrage. Il se passe à Paris où l’un des frères, Jack (Jason Schwartzman) tente difficilement de se remettre d’une séparation. Las, la traîtresse (Natalie Portman délicieuse, capture l’écran en quelques minutes de présence) resurgit pour mieux encore perturber notre dépressif… Ensuite, nous sommes directement propulsés à bord du train où les trois frères se retrouvent. La façon dont Peter (Adrien Brody) manque de rater le train mais finit par l’avoir est savoureuse.

    Wes Anderson ne s’embarrasse pas de nous faire savoir comment l’aîné a réussi à convaincre ses deux cadets qui paraissent plutôt perplexes, de participer au voyage mais on constate d’emblée que l’ambiance n’est pas à la fête. Ces trois là ne se comprennent plus, ne se font plus confiance et ne semblent pas tout à fait sûrs de savoir ce qu’ils font là. Ils finissent par se laisser porter par la mollesse et la lenteur du voyage, par les arrêts soudains et hasardeux… peut-être aussi par la beauté, les couleurs (tout est jaune et rouge vif) et les odeurs de ce pays. Difficile de raconter tous les détours burlesques qu’empruntent les trois frères devant la caméra. C’est à la fois énorme et discret, fantasque et original. On ne hurle pas de rire mais on sourit beaucoup, à la folie, emporté par ces trois ahuris si désarmants parfois. Chaque détail compte et l’on sait que Wes Anderson a le sens et le goût du détail qu’on ne comprend pas toujours mais qui fait partie de l’ensemble inévitablement voire de façon indispensable. Pourquoi Francis (Owen Wilson) a-t-il la tête bousillée ? Bien sûr, il a eu un accident de moto (un suicide ?) mais en quoi est-ce utile au scénario ? A rien, juste à le rendre plus fragile et plus ridicule peut-être. Car ridicules, ils le sont, c’est indicible, mais touchants aussi, attachants, pathétiques et émouvants.

    Les trois acteurs forment indissociablement et de façon égalitaire les membres de cette fratrie. Leur point commun d’acteurs semble être une aisance désarmante à jouer les ahuris et aussi une humilité impressionnante qui fait qu’aucun ne tire la couverture à lui. Owen Wilson en grand frère plein de tendresse et de faiblesses tente de jouer les autoritaires et de mener le périple comme un voyage organisé en distribuant chaque jour un emploi du temps qui ne sera jamais suivi. Jason Schwartzman et sa tête d’innocent fatigué qui semble figée dans une expression unique et inerte est monumental en dépressif chronique. Et Adrien Brody, est un grand ado qui ne veut pas grandir, terrifié à l’idée de devenir prochainement papa, encore tout attaché à tous les objets qui ont appartenu à son père. Et oui, comment devenir père quand on se sent encore un enfant ? Il est lui aussi assez impressionnant en funambule caché derrière ses grandes lunettes. Tous les trois ont en commun un côté Buster Keaton et font de l’inexpressivité des sommets de leur interprétation. Et oui, c’est contradictoire mais c’est ainsi. Au final, ce beau, drôle, doux et parfois poignant film raconte l’histoire de trois grands gamins qui s’aiment, qui aiment leur papa et leur maman et qui nous offrent le beau spectacle de leur réconciliation.

    Dire à quel point ce film fou fait un bien fou serait folie !

    Et puis, il y a la visite expresse de ce monsieur... toujours champion du monde toute catégorie du comique métaphysique... essoufflé...

     

    A bord du Darjeeling Limited - Bill Murray
  • Sweeney Todd –The demon barber of Fleet Street de Tim Burton ****

    Sweeney Todd, le diabolique barbier de Fleet Street - Helena Bonham Carter et Johnny DeppSweeney Todd, le diabolique barbier de Fleet Street - Johnny Depp

    Benjamin Parker, barbier sans histoire, amoureux fou de sa jolie femme blonde et tout émerveillé par son joli bébé blond, est injustement condamné et emprisonné par le vilain Juge Turpin jaloux de ce bonheur. Quinze ans plus tard, Benjamin revient éperdu de vengeance. Il change de nom, devient Sweeney Todd, retrouve son échoppe et s’associe à Nellie Lovett, étrange boulangère qui confectionne les tourtes les plus infectes de Londres.

    L’histoire tient en un mot : VENGEANCE, et Tim Burton l’étire sur deux heures d’en-chantement baroco-gothique étourdissant, visuellement splendide. Dès le générique, on est dans l’ambiance : c’est sombre et ça va saigner. Rapidement on se souvient que Johnny Depp a été Edward aux mains d’argent en d’autres temps et qu’il s’en souvient lui aussi, même si cette fois il joue de la lame de façon diabolique et malsaine. Sweeney est l’exact opposé d’Edward, son dark side, sa version funèbre et démoniaque. Alors qu’Edward s’excusait, tout penaud en présentant ses ciseaux : « je ne suis pas fini », Sweeney affirme en présentant ses mains armées de rasoir : « voilà enfin que mes bras sont complets ! ».

    Avant d’en arriver à sa vengeance proprement dite, qui ne doit s’exercer que sur le juge et son bailli, Sweeney polit son bistouri dans la gorge de nombreux innocents (attention ça gicle rouge vif,  fort et beaucoup...). Il le fait sans le moindre état d’âme, encouragé par son amoureuse complice qui passe les victimes dans un hachoir géant avant de les inclure à ses tourtes qui deviennent les plus appréciées de la ville. Elle le dédouane encore en lui affirmant : « vous ne tuez que des étrangers ! Personne ne peut les regretter ! ». A-t-il une âme d’ailleurs, a-t-il encore des sentiments, ce monstre, ce bourreau dont la caractéristique est qu’il en arrive à oublier le but ultime de son action, la vengeance, en prenant goût incontestablement à son nouveau job ? Sa minutie, le soin zélé et sadique qu’il prend à son nouvel emploi d’égorgeur public le conduit même à commettre d’irréparables fautes. Cet opéra meurtrier et sanguinaire n’empêche pas Nellie de rêver d’une vie respectable où son tueur et elle couleraient des jours heureux. Cette rêverie permet à Tim Burton d’abandonner un temps son univers lugubre et verdâtre aux couleurs désaturées (magnifiques) pour nous offrir une incursion dans un monde digne de Walt Disney tout en rose et paillettes où Sweeney s’étiole, rongé par sa vengeance inassouvie. Très drôle.

    Les acteurs du film poussent tous la chansonnette, Jonnhy Depp et Helena Bonham Carter (son double féminin), plus pâles que des morts vivants... le font très bien et la musique tonitrue toujours à bon escient. Alors comment expliquer qu’un film musical ressemble tant à un film muet ? Parce que... Johnny Depp justement, Johnny Depp encore et toujours, qui ne se contente jamais d’être là où on l’attend mais qui mène l’outrance ou l’introversion à leur paroxysme. Moins il y a de dialogues mieux il se porte et on le comprend. Les expressions de son visage à transformation sont des tirades, des répliques, des monologues. Avec un personnage de monstre, impénétrable et taciturne il parvient une fois encore à capturer l’écran qu’il occupe avec simplicité, sobriété et voracité. C’est à n’y rien comprendre mais c’est ainsi, Tim Depp et Johnny Burton et réciproquement savent exactement où et comment nous embarquer.

    Merci ! Encore !

    Sweeney Todd, le diabolique barbier de Fleet Street - Johnny Depp
    Sweeney Todd, le diabolique barbier de Fleet Street - Helena Bonham Carter
    Sweeney Todd, le diabolique barbier de Fleet Street - Tim Burton sur le tournage
  • No country for old men de Joël et Ethan Coen ****

    No Country for Old Men - Non, ce pays n'est pas pour le vieil homme
    No Country for Old Men - Non, ce pays n'est pas pour le vieil homme
    No Country for Old Men - Non, ce pays n'est pas pour le vieil homme

    Llewelyn, américain plus que moyen et chasseur à ses heures découvre en plein désert un massacre entre trafiquants. Son erreur ? Ramasser une mallette de billets copieusement garnie de deux millions de dollars et très convoitée… forcément. Poursuivi par un tueur et par le shérif, la traque de Llewelyn commence…

    Que dire d’un film au titre si mystérieux, dans lequel il n’y a pas un mot de trop, pas une image inutile, pas un acteur qui ne soit à sa place sinon qu’on n’est pas loin de la perfection ? Quel bonheur, quelle bénédiction, quelle sensation unique de pouvoir encore et toujours être surprise au cinéma !

    L’histoire se passe en 1980 mais on se croirait au XIXème siècle et l’ombre de Jesse James n’est jamais loin, même si les cow-boys semblent encore plus solitaires et ont troqué leurs chevaux contre des pick-up ou de flamboyants 4X4. Une chose est sûre, on est toujours en plein far west et les hommes se promènent en centre ville avec leurs armes bien en vue.

    Les réalisateurs s’attardent généreusement, langoureusement et avec extase devant les paysages d’une beauté, d’une immensité étourdissantes où tout semble n’être que calme et volupté alors que la violence qui règne dans ces étendues désertiques est inouïe et invraisemblable. Le contraste n’en est évidemment que plus saisissant.

    Les deux frangins n’ont évidemment rien perdu de leur causticité et les dialogues minimalistes plein d’ironie et de malice, ainsi que certaines situations surréalistes ou cruelles font qu’on rit ou qu’on sourit à de nombreuses reprises alors qu’un drame implacable, qu’ils vont s’ingénier à rendre sans issue, se joue sous nos yeux.

    Quant au trio de tête du casting il est tellement impeccable et irréprochable qu’on se demande qui des trois « mecs » (pas d’autres mots pour qualifier ces trois caïds !) qui le composent est le meilleur. Josh Brolin est l’homme traqué. Il parle peu, n’a peur de rien et avance avec ruse. Il est parfait. Tommy Lee Jones épure une nouvelle fois et encore davantage son rôle de flic taciturne, malin, mélancolique et persifleur avec une belle sobriété. Quant à Javier Bardem, perruqué d’un « carré » impeccable (pas une mèche ne dépasse), sa composition va bien au-delà de son apparence inquiétante. Il crée sous nos yeux un nouveau personnage de psychopathe de cinéma d’anthologie. Complètement taré, regard de barbare, sourire de fou, offrant parfois le choix à ses futures victimes de jouer leur destin à pile ou face, il est désespérant de bêtise et de cruauté. Pour notre plus grand plaisir sadique évidemment.

    La fin, surprenante, presque mélancolique est remarquable.

  • GONE BABY GONE de Ben Affleck ****

    Gone Baby Gone

    Dans une banlieue morose pas rose de Boston Etats-Unis, Amanda, petite poupée de 4 ans a été enlevée. Sa mère, camée, alcoolique, plus ou moins prostituée n’en paraît pas très affectée au premier abord. La police ne semble pas très active aux yeux de la famille qui engage Patrick et Angie deux détectives privés pour reprendre l’affaire. Ils ont l’avantage considérable de vivre dans ce quartier ouvrier, défavorisé et même pour Patrick, d’y être né et d’en connaître tous les habitants…

    En plongeant dans l’enquête, Patrick et Angie vont s’enfoncer de plus en plus dans le monde des dealers, des criminels, des pédophiles et multiplier les fausses pistes et les erreurs.

    Gone Baby Gone - Casey AffleckGone Baby Gone - Casey AffleckGone Baby Gone - Casey Affleck

    Difficile d’en dire plus sur le déroulement de l’enquête, tant elle réserve de surprises vraiment inattendues qui multiplient les confusions et désorientent le spectateur. Ben Affleck réussit, pour sa première réalisation, un film noir, âpre, violent sur l’enlèvement d’une fillette. Il maîtrise une mise en scène très déroutante et ne laisse aucun point d’ombre dans son épilogue, ce qui est vraiment bienvenu quand tant de films aujourd’hui nous laissent sur notre « fin » avec des tas d’aspects non élucidés. Si Ben Affleck s’est entouré d’une distribution de rêve : son frère Casey (poulala !!!), Morgan Freeman, Ed Harris, Michelle Monaghan, il a également fait appel à un véritable casting de « gueules » pour illustrer le quotidien sordide de cette banlieue ouvrière oubliée.

    Pour une fois, les tenants et aboutissants d’une enquête sont d’une rare complexité empreinte de manichéisme certes mais aussi d’une bonne volonté déconcertante. Pratiquement tous les personnages acteurs de cette tragédie commettent l’irréparable en pensant sincèrement accomplir le bien. En sortant de la projection, on a vraiment envie de se questionner sur « le bien et le mal », sur les conséquences néfastes et irréparables que peuvent avoir nos actes et nos décisions. C’est plutôt rare.

    Vous pensiez que je passerais sous silence la prestation de Casey Affleck (l’acteur qui joue dans les films où les nuages vont vite…), future star hollywoodienne, mondiale… prochain détenteur d’un Oscar (c’est mon choix, ma décision, ma prédiction, ma volonté…) qu’il recevra sans aucune manifestation de la moindre extase, quitte à passer pour antipathique ? Qu’à cela ne tienne, on ne lui demande pas de faire les pieds au mur mais de « faire l’acteur », ce qu’il fait de façon absolument impressionnante ici comme ailleurs et comme partout et comme toujours. Son premier atout est sa voix de canard qui produit selon ses propres dires un son étrangement aigu et fluctuant comme un ado avant la mue. Mais aussi il faut le voir du haut de son mètre soixante provoquer des malabars de deux mètres… et avoir le dessus. Et surtout il faut voir son visage fiévreux, inquiet et son regard derrière lequel semble se jouer tous les tumultes qui le conduisent à prendre de mauvaises décisions qui le laisseront anéanti. Rarement tempête sous un crâne aura été aussi lisible sur un visage.

    Il FAUT le voir.

    Précipitez-vous pour lui faire un triomphe. Merci.

    Gone Baby Gone - Casey Affleck