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Cinéma - Page 186

  • SUBLIMES CRÉATURES de Richard LaGravenese **

    Sublimes créatures : affiche

    Ethan s'ennuie ferme dans son patelin oublié au fin fond de la Louisiane dont la seule distraction est de reconstituer en costumes chaque année une bataille de la guerre de sécession. Ethan rêve chaque nuit d'une fille, la même. Chaque matin, c'est la déception, elle n'existe pas. C'est dire s'il attend beaucoup de la prochaine rentrée des classes, la dernière avant l'université. Et justement l'arrivée d'une nouvelle élève, Léna Duchannes va créer le mystère et le scandale. Il se trouve que cette fille est une enchanteresse (ne pas dire sorcière), qu'à l'anniversaire proche de ses 16 ans elle va devoir se fixer sur le côté obscur ou clair de la force et par le plus pur des hasards, elle est aussi la fille des rêves d'Ethan. Les deux jeunes gens sont de toute façon destinés l'un à l'autre depuis que deux de leurs ancêtres ont fricotté ensemble pendant la guerre de Sécession... Léna vit chez son oncle (Jeremy Irons : une bombasse !) et va devoir subir un véritable rite initiatique pour ne pas sombrer du côté obscur. Mais, entre enchantements et sortilèges, tout ne sera pas simple et les sacrifices vont tomber en cascade !

    J'en ai rêvé, Richard LaGravenese l'a fait ! Un film qui ne donne pas envie de se tirer une balle en sortant de la salle et qui évite tristesse, écoeurement et découragement sur la nature humaine. Evidemment, pas de quoi non plus s'extasier et s'émouvoir outre mesure même si la nature et les plantations environnantes, la Louisiane et ses arbres aux branches et feuillages entrelacés, sont sublimes. Néanmoins ce film vaut beaucoup mieux que son affiche racoleuse et son titre débile ! Même si le parallèle et la comparaison avec la série des Twiligth sautent à la gorge. il faut reconnaître que la comparaison n'est pas à l'avantage des aventures des endives de Bella, de son Edward et de son loup-garou. Léna et Ethan sont beaux, drôles et charismatiques, ils n'ont pas à ânonner des répliques anémiques et absconces. Leur histoire tient la route. Ils n'ont pas l'air de souffrir, ils n'attendent pas 18 épisodes pour se vautrer l'un sur l'autre et plus encore même s'ils doivent batailler ferme pour faire triompher leur amour... A ce propos je trouvais la fin fichtrement osée, pas de happpy end, mais je découvre qu'il s'agit à nouveau d'une saga. Ce sera de toute façon infiniment plus agréable de retrouver Alden Ehrenreich (déjà excellent dans TETRO) et Alice Englert (inconnue nouvelle venue et fille de Jane Campion...) qui contrairement à leurs illustres et pâles aînés n'ont pas oublié d'être d'excellents acteurs !

    A noter également le grand numéro d'Emma Thompson, belle et en grande forme, dans un double rôle réjouissant.

  • MÖBIUS de Éric Rochant ***

    Möbius : affiche

    Gregory Lioubov (notre Jeannot) officier des services secrets russes, oui madame, est chargé avec une équipe de bras cassés, de contrôler Rotovsky, puissant homme d'affaires russe, à Monaco. Le même service d'espions "recrute" Alice une tradeuse de haute voltige (responsable du krash financier mondial et tricarde aux Etats-Unis) pour approcher le vilain ruskof. En échange, elle pourra retourner aux States et retrouver son papounet subclaquant. Alice devient donc espionne russe, manipulée par la CIA. Mais chut ! Elle va rencontrer Gregory, rebaptisé Moïse pour l'occasion et ça lui va super bien. Mais c'est interdit de mélanger boulot et vie privée. Cette relation hotissime va compliquer sévèrement le tableau, d'autant qu'Alice ne connaissant pas la véritable indentié de Gregory va tout faire pour le protéger des malfaisants.

    Vous n'y comprenez rien ? Ce n'est pas grave. Jean Dujardin parle russe comme une vache espagnole ? On s'en fiche ! Car ce qui compte ici c'est Jean et Cécile, Alice et Moïse ! Evidemment Rochant, qui aime les espions et les intrigues tarabiscotées où l'on finit par ne plus savoir qui utilise qui et à quelles fins, réussit de bien belles scènes à haute teneur en adrénaline (aaaaaaaah la scène du téléphone). Les jeux de cache cache entre Gregory et son équipe, entre Gregory et Rostovsky qui en pince pour Alice, sont vraiment bien orchestrés. Gregory, obligé de se cacher pour protéger Alice devient finalement la proie de tous. Et Alice persuadée que son Moïse est un écrivain canadien tente elle aussi de ne pas l'exposer et se met en danger ! On tremble pour les deux puisqu'ils travaillent pour la même équipe sans le savoir. Enfin, si j'ai compris.

    C'est bien mais ce n'est pas LE film.

    Je demande pardon à Eric Rochant si son but était de réaliser un film d'espionnage car il a en fait réussi un grand, un beau, un vrai film d'amour. Et j'avoue qu'il y a une éternité que je n'avais vu, vécu une histoire d'amour passionnée aussi belle, réaliste (en dehors du contexte évidemment) et émouvante que celle d'Alice et Gregory. Au fait, je me trompe où Lioubov (le nom de Gregory) veut dire amour ? Et là, on peut dire que le Dujardin se fait offrir un rôle en or massif, très valorisant pour un garçon. Cécile ne cesse en effet de s'extasier sur ses attributs et performances !!! Et notre Jeannot reste là, imperturbable et souriant, B.E.A.U comme jamais.

    J'ai déjà dit à plusieurs reprises à quel point je trouvais les scènes d'amour et/ou de sexe à l'écran ridicules, risibles voire inutiles. Ici, les corps à corps, les peau à peau de Jean/Grégory (magnifique) et Cécile/Alice (sublime) sont vraiment sexys, charnels, sensuels et beaux à regarder. Evidemment Rochant est un garçon, on voit donc en très très très gros plan les très jolies fesses duveteuses de Cécile et pas celles de Jean, mais je pardonne, parce que leur couple est beau, crédible, il fonctionne ! Et c'est un crève-coeur de les voir ainsi courir à la cata !

    La fin mi fougue mi raison me laisse légèrement perplexe mais un couple aussi glamour et touchant, tellement assorti, en osmose... que Jean et Cécile est vraiment mémorable.

    Et ce qu'il reste encore ce sont leurs larmes, un tatouage, un cadeau et les bras de Jean Dujardin...

  • LES CHEVAUX DE DIEU de Nabil Ayouch ***

    Les Chevaux de Dieu : affiche

    Yassine a 10 ans et il est un enfant du bidonville de Casablanca Sidi Moumen. Il passe ses journées comme tous ses copains entre désoeuvrement et parties de foot sur un terrain vague entre deux voies de circulation. Son frère Hamid, un peu plus âgé, veille sur lui et se pose en terreur à coups de chaîne de vélo ! Le soir les enfants rentrent chez eux et retrouvent leur mère, invariablement plantée devant les programmes télé, leur père dépressif et un autre frère plus âgé et autiste. Lorsque Hamid agresse un flic pour épater la galerie, il est évidemment envoyé en prison. A sa sortie deux ans plus tard, sa rencontre avec l'Islam radical l'a métamorphosé. Il tente de convaincre son frère et ses amis de rejoindre "les frères". D'abord réticents, à la suite d'un drame accidentel Yassine et son ami finissent par céder. Ils rencontrent l'Imam Abou Zoubeir qui les amènera à accomplir le jihâd, les préparera et leur annoncera un jour qu'ils sont les heureux élus pour aller se faire exploser dans différents endroits de Casablanca.

    Ce film relate le cheminement qui a poussé de jeunes kamikazes marocains à accomplir dans la soirée du 16 mai 2003 une série d'attentats meurtriers à Casablanca. Bilan : 11 morts, une centaine de blessés et la stupeur des marocains qui s'attendaient à ce que ces terroristes soient des hommes surentraînés venus d'Afghanistan. Il n'en est rien et Nabil Ayouch s'applique dans la première partie à nous faire partager le quotidien de ces enfants certes destinés à la délinquance mais sans doute pas à se sacrifier en devenant des meurtriers ! Il ne cherche pas à excuser ces actes mais au contraire à dénoncer les méthodes des barbus dont le discours, le charisme et les promesses ne peuvent que séduire ces jeunes gens faibles, analphabètes, oubliés de tous dans des conditions de vie inommables. Ce qui leur est promis n'est ni plus ni moins que le paradis pour l'éternité entourés de jeunes vierges disponibles ! Honte et ignominie sur ces types manipulateurs qui envoient des gamins au sacrifice.

    La première partie s'attarde donc sur la vie de quatre enfants dans le bidonville sordide. Un dédale de ruelles crasseuses où l'intimité n'est pas permise. On peut se parler d'une habitation à l'autre sans sortir de chez soi. Mais comme ces gamins n'ont jamais rien connu d'autre que la promiscuité, les immondices et les parties de foot furieuses, l'insulte toujours au bord des lèvres, ils s'en accomodent. Les enfants s'adaptent à tout, c'est impressionnant. Plus tard, leur quotidien de désoeuvrement se partage entre des petits boulots rackettés (vendeur d'oranges !), des trafics, des deals, de la drogue, de l'alcool. Et la violence toujours proche et menaçante comme seul rempart à la misère. Sinistre, effrayant, douloureux. Ils ne sortiront finalement qu'une fois de leur bidonville pour découvrir la ville si proche et pourtant un autre univers, et mourir.

    La seconde partie est consacrée à l'endoctrinement. Un véritable lavage de cerveaux tout en douceur. Paradoxalement, les petits caïds deviennent doux et dociles alors qu'ils s'apprêtent à commettre l'irréparable. Hélas, si certains doutent ou ont brusquement peur de mourir et renoncent en s'enfuyant au dernier moment, plus rien n'arrête certains qui accomplissent leur abominable mission au nom de Dieu... Glaçant.

  • GOOD BYE MOROCCO de Nadir Moknèche ***

    Goodbye Morocco : affiche

    Responsables d'un chantier pour la construction d'un complexe immobilier à Tanger, Dounia et son amant, un architecte serbe, découvrent des fresques de tombes chrétiennes datant du IVème siècle. Consciente de la valeur de ce butin, Dounia entend bien en tirer un maximum. Le magot escompté doit lui permettre de quitter le pays avec son amant après avoir récupéré son fils que son ex-mari ne lui permet de voir qu'à doses homéopathiques. Les choses se compliquent lorsque Gabriel, ouvrier malien du chantier disparaît.

    Devant la quantité de thèmes abordés, on pouvait craindre un film brouillon et inabouti mais miraculeusement Nadir Moknèche ouvre mille pistes et réussit à cadenasser toutes les intrigues. Son personnage principal, tenu avec virtuosité par Lubna Azabal, est une femme autoritaire dont l'ambiguité permanente la rend mystérieuse et antipathique. Pourtant on la suit fébrilement dans un tourbillon de non-dits et de faux semblants qu'elle installe elle-même. Jusqu'où va t'elle aller ? Qui utilise t'elle réellement ? Pourquoi ne fait-elle que mentir, prendre les mauvaises décisions, faire les mauvais choix jusqu'à ce que tous les pièges se referment un à un sur elle ? L'agitation dans laquelle Dounia, femme de la petite bourgeoisie marocaine, se démène n'est pas sans évoquer les comédies grinçantes chabroliennes qui traquaient l'hypocrisie et les petites bassesses de la bourgeoisie française, tout en organisant d'habiles polars. La musique dissonnante, loin des compositions folkloriques souvent associées aux films du Maghreb, ajoute à la suggestion.

    Tout en brassant des thématiques aussi vastes que l'émigration et le travail clandestins, l'homosexualité dans un pays où elle est interdite et réprimée, la place et les droits de la femme sous haute domination masculine sous ces latitudes, le réalisateur réussit néanmoins un polar étouffant et le portrait d'une scandaleuse à Tanger.

  • DIE HARD 5 : BELLE JOURNÉE POUR MOURIR de John Moore °

    Die Hard : belle journée pour mourir : affiche

    Je ne vais pas perdre temps et énergie à vous parler de ce film bourrin, indigent. Quelques mots quand même pour vous dire à quel point il est con et peut-être vous faire économiser quelques deniers. Figurez-vous que John McClane (cte bombasse de Bruce Willis) que tout le monde appelle "papy" ou "grand-père" MDR... a un fils et une fille aussi. Le genre d'accessoires dont je ne me souvenais absolument pas. Comme Johnny Chou a passé sa vie à traquer le terroriste et le nazi, il a raté toutes les fêtes d'anniv' et les matchs de base-ball des moutards. Ouiiiiiiiiiiiiiiin. Du coup le filston, John Junior (ct'endive deJay Courtney... comme quoi la bombasse attitude est pas génétique !) est devenu grand délinquant, comprenez agent de la CIA. PTDR ! Il foire copieux une mission à Moscou et papa déboule dare dare chez les vilains ruskofs pour ramener le minot à la maison. Oui, mesdames et messieurs, l'infâme soviétique est de retour, mais Moscou est belle à tomber et fort embouteillée.

    Quoique fâché tout rouge contre son papounet qu'il appelle John, John-Junior finit par être contraint de faire équipe avec lui et d'en revenir aux bonnes vieilles méthodes de l'âge de pierre pour venir à bout des affreux. Il ne faut pas plus de 10 minutes à Bruce/John pour mouiller et tâcher son marcel et démontrer qu'il en a encore sacrément sous le capot malgré ses tempes grisonnantes. Hélas, trois mille fois hélas... l'humour est resté dans le stylo du scénariste et Bruce n'a qu'à répéter des phrases aussi miteuses et ridicules que le scénario : "mais j'suis en vacances !!!... appelle-moi papa... tu veux un câlin..." Si j'ai éclaté de rire à plusieurs reprises c'était indépendant de la volonté du réalisateur. Après une course poursuite interminable dans les rues et sur le périph' moscovites aussi moche que débile, imaginez que John et John se retrouvent à Tchernobyl (oui le vrai Tchernobyl et pas la station de ski Suisse, Grenoble... je n'invente rien...) et qu'il suffit d'arroser la zone pour qu'elle ne soit plus radio-active entre autre absurdité. Tout explose de partout à tout bout de champ et je vous laisse le suspens de deviner si les deux John s'en sortent.

    Imaginer que John Junior puisse reprendre les rênes de la franchise est un scandale car Jay Courtney entre directement dans la catégorie witloof, la team Worthington/Butler/Statham sans même passer par la case départ et toucher 20 000 balles ! Mais où vont-ils chercher ces acteurs bovins ?

  • PASSION de Brian de Palma ***

    Passion : affiche

    Des femmes influentes, ambitieuses, envieuses, amoureuses se livrent une lutte sans merci pour le pouvoir, la reconnaissance et plus si affinités. Christine dirige d'une poigne quasi despotique la filiale allemande d'une multinationale. Elle est la supérieure d'Isabelle. Elle l'utilise, la séduit, la protège, la trahit, l'humilie. Isabelle se livre aux mêmes excès sur sa propre subalterne Dani qu'elle manipule sans la moindre considération. Une blonde, une brune, une rousse dans un imbroglio hitchcockien de la plus belle facture.

    Remake du raté Crime d'amour d'Alain Corneau, Brian de Palma revient en grande forme avec un suspens sexy, glamour et fashion dans des décors glacés et somptueux comme son actrice principale Rachel McAdams. Blonde dominatrice et capricieuse, l'actrice compose avec délectation un personnage de garce manipulatrice qui se laisse prendre à son propre piège. Noomi Rapace en adjointe prétendument soumise cache son jeu sous une apparence sage et modeste. Tapie dans l'ombre la rousse Karoline Herfuth réagira aux multiples affronts endurés.

    La musique de Pino Donaggio insuffle un supplément d'âme et de suspens à ce spectaculaire jeu avec rebondissements en cascade, de manipulation au féminin.

    Dommage que le réalisateur se soit par ailleurs entouré d'un casting manifestement local et low cost tout droit sorti d'un épisode de Derrick qui évidemment ne fait que mettre davantage en valeur le sublime trio d'actrices. Mais on a quand même un peu de mal à comprendre pourquoi et comment Rachel et Noomi en arrivent à se castagner pour le mochtron l'insipide Paul Anderson (troisième du nom).

  • WADJDJA de Haifaa Al Mansour ***

     Wadjda : affiche

    Wadjda serait une petite fille de 12 ans comme les autres si elle ne vivait dans la banlieue de Riyad en Arabie Saoudite. Cette petite sauterelle délurée écoute du rock à fond les manettes dans sa chambre, porte des Converse au lieu des petits escarpins noirs tellement plus convenables et rêve de posséder le beau vélo vert qu'elle a vu voler (bel artifice que seul le cinéma peut offrir) pour faire la course avec son petit copain du même âge Abdallah. Mais une fille sur un vélo dans ce pays est une hérésie. Imaginez un peu quelle insulte ce serait à la vertu d'une fille "bien" ! Pourtant Wadjda est une mini rebelle avec mille causes et elle va affronter bien des difficultés (un concours de récitation coranique) pour parvenir à s'offrir ce cadeau.

    On sort de ce film ébloui et en colère. Ebloui par tant de finesse, d'intelligence et d'optimisme. En colère de découvrir une nouvelle fois le sort réservé aux femmes dans certains pays au nom de lois archaïques et de soi-disant textes totalement interprétés, déformés, trahis. Je découvre par ailleurs et abasourdie que dans ce pays un prédicateur vaseux préconise que les petites filles dès 2 ans sortent le visage entièrement couvert pour ne pas exciter ces messieurs. Vous avez bien lu : DEUX ANS !!! On croit rêver !

    Haifaa Al Mansour est une femme, la première à réaliser un film dans son pays, sur son pays. Elle dit : "L'Arabie Saoudite est un pays sans salle de cinéma et qui proscrit le cinéma". Et pourtant, elle réussit l'exploit de faire ce beau film sans colère ni provocation mais qui finalement apparaît comme le film le plus féministe vu depuis longtemps. Quelle petite fille rêverait encore d'un vélo dans nos contrées ? Quelle femme chercherait encore à séduire son mari qui s'apprête à épouser une seconde femme ? Les femmes sont voilées. Que dis-je les femmes ? Les petites filles, et dès leur plus jeune âge. Et si des ouvriers les observent du haut d'un toit dans la cour de récréation, c'est à elles de se cacher ! Quand elles ne sont pas mariées dès l'âge de 12 ans comme cette petite camarade de Wadjda qui continue néanmoins d'aller à l'école. Les femmes acceptent ce sort d'être toujours celles qui doivent se sacrifier, se cacher, accepter. Si elles sont surprises, comme cette adolescente qui voit un garçon en cachette, elles sont dénoncées, rejetées, mises au ban. Wadjda, victime elle aussi d'une injustice sans nom lors du fameux concours, remettra vertement à sa place la si vertueuse directrice de l'école qui donne tant de leçons de moralité mais n'applique pas pour elle-même ses enseignements.

    Wadjda ne manque par ailleurs ni d'humour et surtout pas d'audace et je vous encourage vivement à voir cette perle qui fait mal et qui fait du bien.

  • DANS LA BRUME de Sergeï Loznitsa ***

    Dans la brume : affiche

    Sushenya est un géant, un colosse blond, une véritable force de la nature au physique impressionnant. Mais il est aussi doux comme un agneau. Bon mari, père attentif. En cet hiver 1942 les nazis ont envahi la Biélorussie. Trois compagnons d'infortune de Sushenya accusés de terrorisme sont pendus alors qu'il est relâché sans explication. Il n'en faut pas plus à la Résistance pour faire de Sushenya un traître, un collabo, un coupable. Deux hommes, Burov et Voitik chargés de l'abattre viennent le chercher. A leur grand étonnement, il est chez lui tout simplement. Car Suchenya n'a pas fui, persuadé et conscient que toute sa communauté, et pire que tout, sa femme doutent de lui, le considèrent comme coupable. Sushenya suit ses deux boureaux sans résistance dans la forêt. Ils le contraignent à creuser lui-même sa tombe mais au moment de tirer, les trois hommes sont attaqués par des miliciens. Des russes portant l'uniforme de la Wermacht ! Burov est grièvement blessé et au lieu de s'enfuir, Suchenya va lui porter secours. S'ensuit une longue, lente et cruelle traversée de la forêt pour tenter de trouver de l'aide pour le blessé, qui s'apparente à une douloureuse descente aux enfers. Un chemin de croix éprouvant pour Sushenya forcé de porter son compagnon sur son dos.

    La forêt sublime et inquiétante est un refuge. Difficile de se faire repérer dans un endroit aussi dense. Elle est aussi un tombeau. Impossible d'en sortir ou de s'en éloigner sans attirer les tirs de la milice ou des allemands. Le calvaire et la souffrance des trois hommes sont une épreuve telle, que le froid et l'humidité semblent parfois traverser l'écran. Peu de dialogues, pas de musique, juste le bruit des pas, de la respiration, le bruissement des branches, le craquement des pas dans la neige. Quelques conversatoins et quelques flash-backs qui expliquent et démontrent ce dont le spectateur ne doute à aucun moment, Sushenya n'est pas seulement innocent de toute faute, c'est aussi un homme bon, meilleur que la plupart des humains. Son calvaire en est donc d'autant plus insupportable et bouleversant. L'acteur, dans un état de sidération impressionnant qui fait place à un désespoir sans fond offre une composition déchirante et subtile. Cet homme est au-delà de la résignation. Il endosse et endure la culpabilité de celui qui a survécu, la douleur insurmontable d'être l'objet de  la suspicion de la part de sa femme et de ses compagnons. Ne pas avoir été pendu avec les autres devient une honte suprême au point d'appeler la mort comme une libération.

    Ce film n'est donc pas une promenade de santé, mais il est d'une beauté saisissante et les images de cette forêt amie et ennemie et de cet acteur bouleversant restent imprimer longtemps dans la rétine. Lorsque la brume envahit totalement l'écran, on est étonné que toute cette langueur, cette lenteur, cette innocence côtoient avec tant d'évidence l'horreur et la barbarie.

  • HITCHCOCK de Sacha Gervasi **

    Hitchcock : affiche

    Que les allergiques aux biopics ne se réjouissent pas trop vite. Ce film n'en est pas un puisqu'il se concentre quasi exclusivement sur les difficultés rencontrées par Hitchcock pour faire accepter par les studios hollywoodiens, très frileux dès qu'il s'agit de projet un tantinet atypique, son prochain film Psychose (Psycho pour les intimes !). En choisissant de prendre pour thème les exploits d'un serial killer très amoureux de sa maman (meurtre, inceste...) le Maître se met à dos tous les producteurs, censeurs et journalistes. Alors que La mort aux trousses est un triomphe et qu'on lui demande de refaire peu ou prou le même film, il cherche, comme un défi ou une provocation, à surprendre.  Sa très attentive, patiente et impeccable femme Alma Reville (par ailleurs scénariste) décide comme elle l'a toujours fait de le soutenir et de l'aider.

    Je règle tout de suite le cas Anthony Hopkins ! Incompréhensible. Pourquoi tout ce silicone sur le visage (et peut-être sur le corps) pour obtenir un résultat absolument monstrueux. Anthony Hopkins ressemble à une baleine engoncée dans son latex et absolument pas à Alfred Hitchcock. Il est vraiment insensé que personne ne s'en soit aperçu. Même le profil, sans doute le plus célèbre de toute l'histoire du 7ème art est ridicule ici. Quant au "jeu" de l'acteur Hopkins, il s'en ressent énormément. Dissimulé sous sa carapace de plastique, il n'a rien à faire et ne peut exprimer aucune émotion. Affligeant.

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    Par contre, Scarlett Johanson est une Janet Leigh convaincante et absolument délicieuse. Il y a fort à parier qu'Hitchcock aurait fait appel à elle en son temps. 

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    De toute façon, ce film est avant tout un hommage à cette femme de l'ombre qu'était Alma Dreville sans qui le maître du suspense n'aurait sans doute pas été ce qu'il a été. Et Hellen Mirren dans le rôle est tout à fait royale. Mais si Hitch' était tel que nous le présente le film : mégalo, odieux, obsédé sexuel, voyeur, tyrannique, prétentieux, mysogyne, jaloux, mufle, gourmand et un véritable porc à table... l'aristocratique, raffinée et magnifique Alma a dû en baver. Mais bon, nager chaque jour dans une piscine à Hollywood et côtoyer un génie a sans doute un prix, comme celui de supporter cet être insupportable.

    On sait que Psychose est un chef d'oeuvre et les meilleurs moments de ce film sont évidemment ceux où l'on voit le film en train de se faire. On découvre toutes les manoeuvres dont Hitch' dût faire preuve pour contourner la censure. Montrer un corps totalement nu était inconcevable et pourtant la fameuse scène de crime a lieu sous la douche. Comment faire ? Ce que le réalisateur conçoit est astucieux et effectivement le corps de Janet Leigh n'est jamais intégralement visible. C'est l'imagination, les fantasmes du spectateur qui sont à l'oeuvre. Quant à la célèbre musique de Bernard Herrmann, elle vrille toujours autant les nerfs, même si elle est le remède définitif à prendre la moindre douche ! Heureusement que le compositeur a réussi à convaincre Hitchcock qui souhaitait que la scène soit muette (à l'exception des hurlements de l'actrice !).

    Finalement, le plus grand atout et la plus belle réussite du film de Sacha Gervasi est de donner envie de revoir de toute urgence Psychose ainsi que tous les films du Maître dont mon préféré reste sans conteste et nulle hésitation Les Enchaînés (Notorious).