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Cinéma - Page 208

  • UNE NUIT de Philippe Lefèbvre **

    Une nuit : photo Jean-Pierre Martins, Philippe Lefebvre (II), Roschdy ZemUne nuit : photo Philippe Lefebvre (II), Roschdy ZemUne nuit : photo Philippe Lefebvre (II), Sara Forestier

    Chaque nuit Simon Weiss commandant à "La Mondaine" se voit attribuer un chauffeur qui doit le conduire au gré de sa volonté et des affaires en cours dans tous les endroits chauds de Paris. Cette nuit c'est la jeune sous-brigadier Laurence Deray qui l'accompagne. Elle suit docilement ce vieux routard que tout le monde connaît, appelle par son nom ou son prénom dans ce Paris noctambule. Il n'a peur de rien ni de personne et c'est sans doute sa proximité avec la faune parfois bien louche de ce monde interlope qui fait qu'il est également surveillé de près par l'I.G.S. qui flaire en l'homme un ripou. Effectivement, tout au long de cette nuit, de bars suspects en boîtes chics, de soirées privées en établissements sulfureux, Simon va faire découvrir à la jeune Laurence tout un monde où la drogue, l'argent, les affaires et les embrouilles s'imbriquent et se confondent.

    Comme dit l'un des personnages : "Passer une nuit avec Simon Weiss (et donc, Roschdy Zem, de plus en plus sexy) est passionnant, on ne s'ennuie pas". Sa haute stature, sa prestance et son flegme permettent à l'acteur très à l'aise de composer un très imposant flic pas comme les autres, suffisamment ambigu pour être crédible et qu'on s'y attache.

    Le réalisateur filme un Paris de nuit et sous la pluie (c'est plus romantique a dit Woody Allen) où il n'y a pas une voiture qui circule, où l'on peut se garer du soir à l'aube sans difficulté, et écume toutes les boîtes connues ou moins qui sous une apparente respectabilité cachent de sombres trafics ou magouilles. Tout n'est pas toujours très clair au niveau des intrigues mais cela permet en outre de voir défiler toute une série d'acteurs à trognes qui composent leur numéro de noceurs, truands qui se cherchent une respectabilité ou travestis bien réjouissante.

    Dommage que Philippe Lefèbvre ne se contente pas de filmer "Une nuit" dans la vie d'un flic et cherche à boucler une intrigue, voire plusieurs en quelques heures. Quant au twist final... il a été repéré bien avant la fin par mon voisin de droite !

    Cela dit il y a Roschy Zem, grand dans tous les sens du terme, et même il sourit deux fois (quel cascadeur !!!) et Sara Forestier vraiment très bien.

  • UNE VIE MEILLEURE de Cédric Kahn *

    Une vie meilleure : photo Cédric Kahn, Guillaume Canet, Leïla Bekhti

    Une vie meilleure : photo Cédric Kahn, Guillaume Canet, Slimane Khettabi

    Yann rencontre Nadia et c'est "chabadabada" dès le premier rendez-vous. Après une première nuit torride Yann découvre que Nadia a un petit garçon d'une dizaine d'années. No problemo, Yann est un grand gamin qui peut encore jouer à l'hélicoptère téléguidé avec le petit pendant que maman les observe d'un oeil humide et attendri. Il est cuisinier dans une cantine scolaire, elle est serveuse dans un restaurant. Lors d'une promenade près d'un étang, ils tombent nez à nez avec une bâtisse abandonnée mais néanmoins à vendre dans laquelle ils voient leur avenir. Ni une ni deux, ils foncent à la banque et contractent un crédit aussitôt accepté. Il manque quelques milliers d'euros ? Qu'à cela ne tienne, un mauvais conseilleur leur indique les prêts revolving qui leur permettent de financer un apport. Joie, bonheur à tous les étages ! Sauf que le jour du passage de la Commission de Sécurité... l'établissement n'est pas aux normes et l'autorisation d'ouvrir est refusée. Et voilà les deux tourtereaux empêtrés dans la spirale du surendettement. Fichés à la Banque de France, ils n'obtiennent plus un centime pour finir les travaux. Le couple ne survit pas aux problèmes. Nadia accepte un travail lucratif au Canada. Elle confie son fils à Yann en lui promettant de le faire venir dès qu'elle aura trouvé un logement décent. Mais quelques mois plus tard, elle ne donne plus signe de vie et Yann est de plus en plus réduit à la misère...

    La rencontre ? Je n'y ai pas cru. Les problèmes de ce petit couple de tourteraux ? Pas plus. J'ai toujours vu Leïla Bekhti et Guillaume Canet qui jouaient des surendettés et pas les personnages d'une histoire plausible et tellement actuelle. Partant de là c'était déjà difficile de me faire avaler la pilule. Lorsque Nadia disparaît... le film trouve un léger sursaut grâce à l'interprétation de Guillaume Canet dont la rage et l'obstination deviennent tout à coup crédibles.

    Mais le traitement du film est tellement calamiteux qu'à aucun moment on ne sent de révolte ou d'indignation face à cette dégringolade due en partie à la complexité implacable d'un système. Et puis, à l'instar du raté et récent "Toutes nos envies" de Philippe Lioret qui ne réussissait pas à choisir entre deux thèmes... Cédric Kahn mélange tout, se prend les pieds dans le tapis et ne cesse de semer de nouvelles embûches (et non des moindres !) sur le chemin déjà pas facile de Yann et Nadia. Il brasse large : en plus du surendettement, tout y passe, les marchands de sommeil, le statut illégal de la garde du fils de Nadia et lors de la partie canadienne... au secours !!! Je ne vous dis rien. Incapable de traiter ses sujets dans un seul film, il passe sans transition d'un thème à l'autre... Lorsque Yann s'occupe (très bien : "voler c'est pas bien") du fils de Nadia, ses problèmes insolubles de dettes disparaissent, et lorsqu'il s'occupe à nouveau de trouver de l'argent, l'enfant disparaît mystérieusement !

    Le final est à pleurer... de rire !

    Que certains osent faire un parallèle entre ce film qui n'émeut pas et ne fait pas bien peur et la galère sans nom de "Louise Wimmer" est totalement aberrant !

  • TAKE SHELTER de Jeff Nichols **(*)

    Take Shelter : photo Jeff Nichols, Michael Shannon (II)Take Shelter : photo Jeff Nichols, Jessica ChastainTake Shelter : photo Jeff Nichols, Jessica Chastain, Michael Shannon (II), Tova Stewart

    Curtis semble posséder ce qu'il y a de mieux sur terre. Il est celui dont ses collègues disent "tu as de la chance !" Et effectivement, il a une femme superbe et aimante, une petite fille délicieuse, une jolie et grande maison, un bon boulot, des potes. La seule ombre au tableau pourrait être le handicap de sa fille, sourde et muette, mais sa femme et lui assument tellement et mettent tellement tout en oeuvre pour qu'elle soit une enfant comme les autres que rien ne pourrait assombrir le tableau. D'ailleurs ne sont-ils pas en attente d'ici quelques semaines d'une opération miraculeuse qui va permettre à la petite de se voir poser des prothèses auditives ? Cerise sur le crumble, Curtis a une excellente mutuelle !

    Fin de l'histoire ? Que nenni. Brusquement Curtis devient la proie de visions d'apocalypse : une terrible tempête menace la terre. D'épouvantables cauchemars qu'il juge prémonitoires confirment ses hallucinations. Mais Curtis se fout comme de l'an 40 de la fin du monde, ce qui le préoccupe uniquement c'est sa petite famille qu'il veut protéger. Dès lors et jusqu'à l'obsession il se met à aménager l'abri anti-tempête de son jardin, multipliant les dépenses, hypothéquant la maison, contractant un prêt, s'absentant du travail...

    "Take shelter" n'était pas loin d'être le grand film qui aurait justifié les termes de "magnifique", "vertigineux", "magistral" lus et entendus un peu partout. J'ai trouvé qu'il ne l'était pas car Jeff Nichols commet de fâcheuses erreurs qui nuisent au climat anxiogène du film qu'il avait pourtant réussi à installer dès les premières images. Dès le premier cauchemar de Curtis et alors que rien ne nous laisse supposer qu'il s'agit d'un cauchemar, le réalisateur nous rassure : ce n'est "qu'un" cauchemar, aussi terrible soit-il. A partir de là, dès que des situations nous paraîtront un tantinet hors normes, l'effet d'angoisse sera largement atténué. La scène où sa femme est seule trempée au milieu d'une pièce avec gros plans insistants sur un grand couteau de cuisine est à ce titre parfaitement ratée et ridicule. Il poussera même la maladresse jusqu'à nous faire sursauter en faisant apparaître des ombres imaginaires donc, devant une porte ou une fenêtre. C'est dommage. Même si on ne doute pas un instant que Curtis devienne de plus en plus dérangé dans sa tête par l'ouragan qui s'y installe, on ne tremble pas comme on aurait dû.

    Néanmoins, il reste le traitement souvent original d'un film de fin du monde qui voudrait en général que chacun prenne soin de chacun. Pas de héros qui veut sauver l'humanité et même s'il est seul contre tous à affirmer que la tempête approche, il ne cherche qu'à mettre sa femme et sa fille à l'abri. Pas d'altruisme exacerbé chez Curtis, le sort de ses semblables lui importe peu. L'autre grande particularité est que Curtis ne s'isole pas dans sa "folie". Il reste conscient des changements qui s'opèrent en lui et cherche à les comprendre. Il ne tarde pas à consulter son médecin qui le dirige vers une psychologue. Il rend visite à sa mère enfermée depuis 25 ans dans une unité de soins spécialisés pour schyzophrénie paranoïde (la totale !) et craint l'hérédité de ses troubles. Il finit par en parler à sa femme dont, autre surprise, l'amour et la compréhension sont infaillibles. Et malgré l'énergie qu'il met à s'en sortir, rien ne l'arrête dans l'aménagement de l'abri. On s'affole parfois de constater à quel point la femme de Curtis lui garde sa confiance et continue de lui confier leur petite fille si fragile et cela met heureusement un peu de stress dans une approche parfois trop lisse de ce qui devrait être terrifiant.

    MAIS, il reste les acteurs. La désormais parfaite mère américaine est une fois encore ici représentée sous les traits gracieux et doux de l'excellente Jessica Chastain. Et il y a Michaël Shannon, géant paumé et anéanti au visage de plus en plus tourmenté. Il incarne avec une intelligence rare les abîmes de perplexité qui peuvent ravager un homme brusquement rongé par un mal qui le domine et finit par l'envahir. Son impressionnant calme apparent, sa douceur contrôlée, ses larmes de panique, son unique scène de colère qui laisse tout le monde pétrifié sont la pièce maîtresse de ce film qui vaut surtout pour lui.

    La tempête extrême va t'elle survenir ou n'est-elle que le fruit de l'aliénation d'un esprit anxieux ? Il faut aller voir le film pour le savoir !

  • LES CRIMES DE SNOWTOWN de Justin Kurzel ***

    Les Crimes de Snowtown : photo Justin Kurzel, Lucas PittawayLes Crimes de Snowtown : photo Daniel Henshall, Justin Kurzel

    Une femme élève tant bien que mal et seule ses quatre garçons dans une banlieue crado du Queensland au sud de l'Australie. Un jour elle fait confiance à un gentil voisin qui la drague un peu et lui confie ses rejetons pour se rendre "en ville". A son retour elle apprend le drame : le sale type a abusé des enfants. Il a d'abord pris des photos puis les a violés. Débarque alors d'on ne sait où John Bunting qui s'installe dans la maison et entend rassurer et protéger la famille. Jamie, le fils de 16 ans est particulièrement attiré par cet homme tendre et doux, charismatique et sécurisant. Les premiers "châtiments" pour punir le coupable qui est hélas rapidement relâché par la police sont presque amusants pour les gamins : tags sur la maison, cadavres de kangourous découpés et déposés devant la porte. Il n'en faut pas plus pour faire fuir le criminel en quelques jours qui prend ses cliques et ses claques et disparaît. Mais John ne va pas en rester là et entend bien débarrasser la ville de tout ce qu'elle comporte de pédophiles et autres violeurs d'enfants. Puis il va étendre son bras justicier sur les drogués, les homosexuels et aussi sans doute sur certains qui ont eu la malchance de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment... Bref, le killer inside him ne peut plus s'arrêter, il va tuer sans raison et entraîner Jamie dans sa folie meurtrière et d'autres membres de la communauté.
    Ce film aurait dû être un grand film si le réalisateur avait maintenu jusqu'au bout le parti pris du hors champ. Les crimes suggérés, les traces que les tueurs effacent, les corps qu'ils jettent suffisaient amplement à révéler l'horreur des actes et à maintenir la tension, ainsi que le regard de plus en plus affolé de Jamie contraint lui aussi de passer à l'acte pour abréger le martyr, l'agonie d'une "victime"... et pas n'importe laquelle... Mais Justin Kurzel, comme s'il finissait pas se complaire à filmer des atrocités a préféré brusquement se concentrer en gros plans sur des scènes sans fin de tortures abominables qui fait basculer le film vers un autre genre.
    Il n'en demeure pas moins que ce film dérangeant, malsain, brutal, cru, violent donne à voir une humanité désoeuvrée, sans repère, sans travail, sans éducation qui se laisse embrigader par le premier beau parleur qui passe. Les "réunions" organisées par John qui réunissent tous les parents du coin sont particulièrement caractéristiques. Chacun y va de ses accusations et condamnations : "le premier qui touche à mes gosses je le zigouille". Mais entre le discours délirant de prolos avinés et désoeuvrés et le passage à l'acte il y a parfois un monde. Sauf que John est un serial killer, sadique de surcroît et qu'il a rendu Snowtown célèbre dans les années 90 pour sa série de meurtres effroyables car cette histoire est vraie.
    L'interprétation subtilement délirante de Daniel Henshall (la scène où il contemple une de ses victimes agonisante est un sommet !) dans le rôle du tueur au visage et au sourire d'ange et celle de Lucas Pittaway dans celui de la victime de plus en plus victime qui devient bourreau sont les atouts majeurs de ce film inégal, un peu long mais troublant et inquiétant.
  • LET MY PEOPLE GO de Mikael Buch **

    Let My People Go ! : photo Mikael Buch, Nicolas Maury

    Let My People Go ! : photo Amira Casar, Clément Sibony, Jean-François Stévenin, Mikael Buch

    Ruben vit son amour pour Teemu dans la béatitude la plus complète en Finlande jusqu'au jour où (pour une raison que je ne révèle pas tant elle est abracadabrantesque !) Teemu met son amant à la porte avec tous ses bagages. Sans logement et désespéré par cette rupture Ruben rentre en France la mort dans l'âme et retrouve sa famille juive, très juive. Dévasté par le chagrin, le pauvre Ruben a la poisse qui lui colle aux basques et en profite pour se poser des questions existentielles sur son homosexualité, sa famille, la place qu'il y occupe et sa judéité. Ruben a fort à faire car il est entouré d'une soeur dépressive qui a épousé un goy qu'elle voudrait quitter, d'un frère impulsif (aaah Clément Sibony ! si rare !!) toujours prêt à en découdre, d'un père infantile qui lui fait des confidences qu'il ne veut pas forcément entendre et d'une mère forcément abusive et envahissante !

    Malgré quelques scènes qui flirtent avec l'émotion (et l'adorable et très lunaire acteur Nicolas Maury peut se montrer aussi drôle que très très touchant) tout ceci est traité sur le ton de la farce qui parfois vire au grand n'importe quoi. Ce n'est pas méprisant ou péjoratif de dire que ce film ne sert à rien car il ne fait pas avancer le schmilblick mais il est drôle souvent bien qu'il empile les clichés sur les homosexuels et les juifs mais de façon tout à fait assumée et sans une once de perfidie manifestement.

    La partie finlandaise est kitsch à souhait et arbore des couleurs vives, flashy, sur-saturées qui ne sont pas sans rappeler Jacques Demy ou Pedro Almodovar. La comparaison s'arrête là car on a rarement vu un film avec si peu d'argument qui parvienne à maintenir l'attention jusqu'à son dénouement sirupeux. Les scènes et les personnages abondent et se succèdent sans véritable cohérence parfois mais permettent aux acteurs de composer dans le plus grand sérieux des numéros de clowns plutôt loufoques.

    Franchement, il serait malvenu de bouder ce petit plaisir.

  • LOUISE WIMMER de Cyril Mennegun ****

    Louise Wimmer : photo Corinne Masiero, Cyril MennegunLouise Wimmer : photo Cyril MennegunLouise Wimmer : photo Corinne Masiero, Cyril Mennegun

    Louise approche de la cinquantaine, elle a un boulot, quelques potes, une fille et malgré une apparence de vie ordinaire, elle a amorcé une dégringolade qui ne prendra fin que si elle trouve un logement. Depuis 6 mois, elle dort dans sa voiture et ses nombreuses convocations auprès des services sociaux, ne lui permettent d'obtenir que cette réponse douteuse "il y a des cas plus urgents que le vôtre", quand elle ne se voit pas opposer un cinglant "soyez moins arrogante !" Là, exceptionnellement, Louise s'autorise à craquer un peu "je ne suis pas arrogante, je n'en peux plus". Il faut dire que cette grande gigue n'a rien de la petite Cosette tremblante qu'on a envie de protéger et qu'elle met un point d'honneur, comme un dernier rempart à sa chute définitive, à ne demander l'aide de quiconque. Personne ne sait qu'elle est sans logement, sans abri, SDF, ni sa collègue, ni son patron, ses rares copains, la patronne du bistrot qui lui fait crédit, sa fille et l'homme qu'elle retrouve parfois juste pour faire l'amour et qu'elle somme de ne pas parler sous peine de tout gâcher. Louise ne parle pas, ne veut pas parler, elle aime danser et elle agit, et si elle pleure c'est seule, réfugiée dans sa grande voiture, dernière possession qu'elle ne peut perdre sous peine de sombrer irrémédiablement.

    C'est dire si on tremble pour Louise qui doit des sommes indécentes pour quelqu'un qui n'a plus rien que "quelques fringues qui se battent en duel" à l'huissier qui les réclame sans émotion, tout comme on craint le pire et on s'affolle lorsque sa voiture tombe en panne alors que son patron ne tolère pas une minute de retard, ou lorsque deux types qui n'ont pas vu qu'elle dormait à l'intérieur s'appuient sur la voiture. Et bien qu'elle ne soit pas d'emblée aimable de par son attitude revêche et son abord peu engageant, en suivant cette fille fière, sauvage, on la découvre, on fait sa connaissance et on se met à l'aimer et à vouloir qu'elle s'en sorte coûte que coûte.

    Venu du documentaire, le réalisateur propose donc pour ce premier film totalement réussi et abouti un cinéma ancré dans le social. Même s'il ne les revendique pas, lors du débat qui suivait la projection (un des plus enthousiasmant, détendu et drôle que j'ai vécu) il évoque néanmoins Mike Leigh et Ken Loach. Il ne s'embarrasse d'aucune fioriture, ni de barratin inutile, les images suffisent, parlent et racontent tout le poids de la détresse qui accable Louise qui pourtant ne courbe pas l'échine ni ne baisse les yeux. C'est aussi dans les détails que Cyril Mennegun frappe juste. Comment rester digne, rester propre, manger à sa faim quand on n'a rien que quelques euros à la fois ? Toutes ces "petites choses" qui paraissent évidentes quand on a la possibilité de les accomplir. Et sa Louise déborde d'imagination pour réussir à se laver, à faire un repas ou se procurer quelques litres d'essence.

    A une époque où chacun redoute de tout perdre et où le spectre de la pauvreté plane, il est facile d'entrer en empathie avec Louise voire de s'identifier à ce personnage. Comment ferions-nous, comment réagirions-nous si cela nous arrivait ? Comment une HLM perchée au 15ème étage d'une tour de béton peut devenir le rêve ultime de renaissance et permettre à une femme de lever un visage radieux vers le haut ? Cyril Mennegun le dit "ce qui persiste de beau dans ces quartiers, ce sont les personnes qui y vivent". On le sent sincère et concerné lorsqu'il le dit.

  • CAFE DE FLORE de Jean-Marc Vallée

    Je vous ai déjà parlé de ce film car j'ai eu le bonheur de le voir à Venise en septembre dernier en présence de l'équipe du film. Heureusement, il sort en salle le 25 janvier et je vous en reparlerai. Je vous garantis un film qui ne vous laissera pas indifférent tant il est différent justement. J'espère que comme moi vous serez émus aux larmes par ces histoires croisées dont il ne faudrait rien dire (et donc rien lire) pour plonger au coeur des histoires que le réalisateur nous raconte. Ce n'est qu'au bout d'une heure et demie de film qu'on commence à comprendre enfin. Alors de grâce : ne lisez pas les critiques et laissez vous aller. Plusieurs mois plus tard ce film me bouleverse encore rien qu'à l'évoquer. Et la musique, vous m'en direz des nouvelles...

    Aujourd'hui grâce à Way To Blue, je peux vous proposer 4 X 2 places à gagner.

    Pour remporter ces places c'est très simple. Vous devez terminer la phrase (après avoir regardé la bande annonce) et trouver de quel film est tirée la photo découpée.

    Seules les réponses 1, 2, 3 et 4 permettent de gagner.

    Les autres sont pour que vous puissiez continuer à vous amuser comme des foufous.
    Et n'oubliez pas de terminer de jeu ICI.

    UNE SEULE REPONSE A LA FOIS PAR PERSONNE.

    ON NE REJOUE QUE LORSQUE J'AI VALIDE LA REPONSE.

    J'ai oublié de préciser que pour participer au concours il faut impérativement devenir fan de la page facebook. (condition UGC)

    LES GAGNANTS SONT : King72, Fred, Ed et Yohan.

    GAME OVER. Merci.

    1

    "c'est pas supposé...arriver deux fois dans une vie."

    DOUX OISEAUX DE JEUNESSE trouvé par King72

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    2

    AN AFFAIR TO REMEMBER trouvé par le Dada

    "je te demande...pardon"

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    3

    THE GHOST AND MRS MUIR trouvé par Fred

    "j'ai l'impression d'avoir...fucké l'affaire"

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    4

    FROM THE TERRACE trouvé par Yohan

    "T'es pas un peu jeune pour...avoir trouvé une amoureuse"

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    5

    TITANIC trouvé par sopel

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    6

    LA MAÎTRESSE DU LIEUTENANT FRANCAIS trouvé par Yohan

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    7

    CRAZY STUPID LOVE trouvé par Mister Loup

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    8

    cette conne d' ANGEL trouvé par Fred

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    9

    ETERNAL SUNSHINE OF THE SPOTLESS MIND trouvé par Mister Loup

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    10

    MIDNIGHT IN PARIS trouvé par marion

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  • L'IRLANDAIS de John Michael McDonagh ***

     L'Irlandais : photo Brendan Gleeson, John Michael McDonaghL'Irlandais : photo John Michael McDonaghL'Irlandais : photo Brendan Gleeson, Don Cheadle

    Quelques mots vite fait à propos de ce film vraiment formidable. J'ai peu de temps de cervelle disponible ces temps ci pour vous en parler comme il le mérite mais je ne voudrais pas que vous passiez à côté au cas où vous hésiteriez.

    Voici dont le synopsis officiel : Boyle est un flic irlandais, flegmatique et solitaire, amateur de Guinness, de poésie et de prostituées à ses heures perdues. En poste dans un petit village de la côte irlandaise où il ne se passe jamais rien, il passe ses journées à faire respecter la loi... au pub local. Malheureusement pour lui, des trafiquants de drogue ont jeté leur dévolu sur cette région endormie comme base de leurs opérations... Le petit village irlandais va bientôt se retrouver au cœur d’une importante opération anti-drogue menée par le FBI ! Les mauvaises nouvelles n’arrivant jamais seules, Boyle doit se coltiner l’agent Everett, un super agent du FBI déterminé et maniaque dépêché sur place... Certes, les procédures de l'élite du FBI diffèrent de celles du flic bedonnant, peu zélé et "politiquement incorrect"... Mais après tout, la méthode "locale" pourrait bien fournir des résultats inattendus !

    Mon avis : l'Irlande, ses pubs, sa Guinness, son racisme, son humour, sa fierté, son individualisme... rien ne manque dans ce qu'on fait comme clichés concernant ce pays et pourtant ce film n'est pas lourdingue. Il faut dire que l'humour décalé des personnages y fait beaucoup. A plusieurs reprises, on se demandera comme l'agent Everett du FBI  si Boyle est complètement abruti ou très futé et comme lui on hésitera pas mal avant de découvrir un héros sous la casquette.

    Le duo Brendan Gleeson, FORMIDABLE et le mot est faible, et Don Cheadle EPATANT que je découvre dans une comédie, fonctionne à merveille. Il faut voir la tête de Don Cheadle lorsque Gleeson lui sort toutes les énormités possibles à propos des noirs, des banlieues, des trafiquants etc. Tordant.

    Et puis l'Irlande, sa bruyère, sa lande, ses trognes, sa musique... Immanquable s'il vous plaît.

    P.S. : Mark Strong en english de service est génial aussi.

  • A DANGEROUS METHOD de David Cronenberg °

     A Dangerous Method : photo David Cronenberg, Michael FassbenderA Dangerous Method : photo David Cronenberg, Viggo MortensenA Dangerous Method : photo David Cronenberg, Michael Fassbender, Viggo Mortensen

    Vous connaissez le Père de la psychanalyse, mais connaissez-vous son oncle et sa tante ? Il s'agit de Carl Jung et de Sabina Spielrein une jeune femme qui voulait être médecin mais qui développa une névrose comac à cause des brutalités de son père. La demoiselle devint la première patiente de Carlito qui testa sur elle la fameuse psychanalyse de la chaise qui deviendra plus tard celle du divan. Le malade cause et le thérapeute est assis derrière sur un fauteuil où en général il fait des petits dessins en somnolant. Sauf si la patiente l'intéresse comme c'est le cas ici. Et voilà notre Jung qui tombe amoureux de la Sabina et lycée de Versailles. Ce qui ne se fait pas à cause du transfert / contre-transfert et patin couffin !

    J'ai ouï dire que ce film était didactique. Il n'en est rien car on apprend rien ou peu de choses. Un flot de paroles, d'interprétations des rêves où chacun scrute l'autre jusqu'à l'os et où il en ressort qu'on ne guérit jamais de ses névroses. Au mieux on les accepte, comme Sabina vierge de honte qui va faire remplacer la main menaçante de papa et se faire administrer des fessées orgasmiques par Michael Fassbender Carl Jung. Au pire on devient fou à lier.

    La relation sado (Carl) maso (Sabina) est donc au coeur du film. La fille en question serait un être doté d'une intelligence hors du commun lui permettant de devenir un docteur du même métal. Soit, on veut le croire. Or, le jeu frénétique et nerveux de Melle Keira ne nous rassure pas. Si elle hurle beaucoup moins vers la fin, je ne lui confierais pas ma santé, mes névroses et mes nerfs pour autant..

    Quant au duel, à l'affrontement Jung - Freud, on l'attend encore. A un moment Sigmund dit à Carl : "vous vous rendez compte que notre conversation a duré 13 heures !". A l'écran, c'est sûr on ne peut l'avoir en temps réel mais il n'en reste RIEN. Une autre fois, les deux compères s'en vont à New-York porter la bonne parole. On les voit dans le bâteau (on voit d'ailleurs pratiquement le fond bleu...), on aperçoit la statue de la Liberté et... nothing. Ce qui s'est passé aux States ; "on leur apporte la peste", n'est pas dit dans la chanson. Evidemment Freud met son kiki partout ou plus exactement, il ne le met plus nulle part. Alors ça le chatouille. Le fait qu'il ne baise pas justifierait qu'il explique le moindre des comportements humains par la sexualité. Tandis que Jung qui a une femme très fortunée qu'il embrasse sur le front mais à qui il fait des enfants en batterie et une maîtresse complètement félée des pâtes, s'exprime beaucoup côté libido et aimerait bien mettre un peu d'ésotérisme dans le bousin. En outre, il a des prémonitions et ça énerve Freud qui ne croit pas à toutes ces balivernes. Mais quand Freud s'énerve il reste calme, c'est impressionnant. Ou alors il fait une crise cardiaque en disant calmement "il doit être doux de mourir". Plus tard il commence quand même à être un peu jaloux de Carlito. On ne sait s'il envie ses nouvelles théories ou s'il lorgne du côté de Sabina. A croire qu'il n'y a qu'une meuf entre Vienne et Moscou. Pour tenter de mettre de l'eau dans le gaz, Sigmund dit à Sabina que Carl est un aryen et qu'en temps que juive elle ne devrait pas se mélanger à lui. ça lui fait avancer la machoire, mais pas trop.

    Il y a des scènes étranges. Par exemple quand Sabina reçoit du courrier, elle va le lire en pleurant fort, en tremblant aussi sur le banc situé dans le jardin public en face de chez elle. Ou quand elle entre chez elle, elle laisse la porte ouverte. Bon, je crois qu'en plus d'être folle et d'être interprétée par la pire actrice de tous les temps (la Gérard Butler féminin), cette fille est complètement tarée. J'en sais rien,  je ne suis pas toubib.

    Et ce film est raté.

    Michael Fassbender et Viggo Morgenten sont en service minimum syndical. Je ne vous dis rien des doctes poses de Vincent Cassel, j'ai les lèvres gercées. Mais l'Oscar reviendra sans doute à Keira Knitghley qui joue la folle hystérique toutes dents dehors et yeux exorbités. Mais tout cela n'est que bagatelle en comparaison de ce que cette fille fait avec sa machoire qu'elle avance jusqu'à la limite de la rupture. Une cascade, un exploit, une prouesse. 

  • LA DELICATESSE de David et Stéphane Foenkinos *

    La Délicatesse : photo Audrey Tautou, David Foenkinos, François Damiens, Stéphane FoenkinosLa Délicatesse : photo Ariane Ascaride, Audrey Tautou, David Foenkinos, Olivier Cruveiller, Pio Marmai

    Deux tourtereaux s'aiment d'amour tendre, ne se quittent plus, vivent ensemble, se marient. Tous les ans ils se retrouvent comme s'ils ne se connaissaient pas sur le lieu de leur rencontre. C'est trop romantique. (Etant donné que mon Jules et moi nous sommes embrassés pour la première fois sur du crottin de cheval, on n'y retourne jamais... Fin de la parenthèse). Leurs parents sont merveilleux et s'entendent à merveille. Et puis un jour, François sort faire un jogging, Nathalie s'endort en lisant, et... Pio... Marmaï. Le téléphone sonne et dès qu'elle arrive à l'hôpital, Nathalie ne peut que s'entendre dire "votre chéri d'amour est dans le coma". Elle a beau dire "faut le réveiller là !". Il meurt. C'est l'effondrement quoiqu'elle a ce geste, courageux ou inconscient entre tous, de rassembler toutes les affaires de François et de tout bazarder illico. Le garçon n'était pas envahissant, deux sacs suffisent. Nathalie reprend vite fait le travail avec acharnement. Les années passent, Nathalie repousse les avances de son patron canon qui se meurt d'amour et un jour, alors qu'elle a entendu sa collaboratrice dire à ses collègues que seul le travail compte pour elle depuis la mort de son mari... elle se lève de son bureau, s'avance vers Markus qu'elle n'avait jamais vu/regardé jusque là et l'embrasse fougueusement, goûlument, bref, en plein dans sa bouche. Markus aime beaucoup ça mais il est un garçon aussi beige que les murs de l'entreprise et aux pulls tellement improbables qu'on ne doit même plus les trouver dans les foirfouilles Emaüs ! Le geste de Nathalie le bouleverse, il est amoureux. Mais Nathalie est un astre solaire alors qu'il n'est qu'un crapaud qui ne se transformera jamais en prince charmant. Nathalie résiste, mais Markus est couvert d'humour et bien que leur relation fasse jaser dans l'entreprise et au-delà, Nathalie va braver le terrible et fameux "regard des autres" et leur avis aussi tant qu'on y est.
    Et dès lors le postulat de départ ne fonctionne pas. Si Nathalie/Audrey Tautou est tout a fait mimi et adorable elle n'est certes pas une espèce de "Yoko Hono capable de faire se séparer le groupe le plus mythique de tous les temps" comme le dit un personnage du film. Et Markus/François Damiens, s'il n'est pas Michael Fassbender Brad Pitt évidemment, il est loin d'être le laideron repoussant qu'on essaie de nous présenter. Même si aucun plan insistant sur sa calvitie ne lui est épargné. Mais comment résister à un type qui vous dit "je pourrais partir en vacances dans vos cheveux !" ? avec tout le mal qu'on se donne sans que PERSONNE ne le fasse jamais remarquer.

    Alors il y a bien de ça de là quelques petites scènes toutes mimis entre les deux tout nouveaux amoureux qui ne feront que s'effleurer. Mais le film croule sous les clichés et la banalité : la collègue commère pour ne pas dire totalement LDP, le patron très beau mais plus relou qu'un dragueur de super marché, la meilleure amie compréhensive qui devient la reine des connes à la première occasion, la maman chiante comme la pluie qui débarque pour faire manger sa fille (manger c'est important) alors qu'elle est anéantie par le chagrin et que donc ingurgiter une ratatouille avec les légumes cuits séparément est le cadet de ses soucis, le papa complice de tous les temps, la grand-mère adorable dans son adorable maison avec son adorable jardin... et j'en oublie peut-être ! Alors non, halte au feu, n'en jetez plus, la cour est pleine.

    Heureusement, il reste le charme et le naturel d'Audrey Tautou, l'humour et le potentiel de séduction évident de François Damiens. Mais ce tout petit film mineur est tout ce qu'il y a de plus gentillet, sans plus.

    NB : le Gérard de la plus moche collection de vêtements posés sur une actrice (Audrey) est attribué à la Costumière du film. Bravo à elle.