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Cinéma - Page 295

  • Dernier maquis de Rabah Ameur-Zaïmeche ***

    Dernier maquisDernier maquis

    Mao est le patron musulman d’une petite entreprise de réparation de palettes et d’un garage de poids lourds. Si ses employés pratiquement tous musulmans pratiquant le remercient d’avoir construit une Mosquée dans l’enceinte même de l’entreprise, ils ne sont pas dupes de sa manœuvre et notamment d’avoir choisi un imam sans les consulter (le choix de l’imam étant une question capitale dans la pratique de l’Islam).

    Le fossé est grand entre ce patron intelligent, cultivé, volontiers paternaliste mais manipulateur et ses employés courageux et dévoués qui travaillent dur pour un salaire de misère. Malgré leur reconnaissance sincère ils ne sont pas naïfs au point de ne pas voir la combine pour endormir leurs éventuelles revendications. Mao l’exprime clairement à l’imam en lui disant qu’il doit convaincre les hommes que pratiquer la religion c’est bien pour l’esprit et le corps et s’ils ne s’y prêtent pas, les primes sauteront. Ce patron n’échappera d’ailleurs pas à la colère brouillonne et à une grève complètement désorganisée.

    Quelques scènes sublimes suffisent à imposer l’adhésion devant un film dont on ne comprend pas forcément le but (en tant que laïque athée, c’est très difficile) : le réalisateur condamne t’il ou envisage t’il l’intervention de la religion dans le monde du travail ? Il est évident que la réponse n’est pas claire et qu’il laisse le spectateur fasse à ses interrogations, ce qui n’est peut-être pas plus mal. Avant de conclure sur un empilement de palettes rouges qui enferment l’écran, les acteurs et le spectateur (il faut le voir pour le croire que des palettes en bois rouge peuvent être magnifiquement cinégéniques !), Rabah Ameur-Zaïmeche accumule une succession de scènes incroyables (le contrôle des fiches de pointage à l’entrée de l’atelier, la première prière dans la Mosquée, la contestation du choix de l’imam, l’auto-circoncision d’un homme qui n’a pas compris qu’on pouvait être un « bon » musulman sans être circoncis, les explications fumeuses du patron qui refuse une augmentation ou décide de fermer un atelier, la découverte d’un ragondin etc…) que ses acteurs ou non acteurs d’une justesse et d’un naturel rares rendent particulièrement fortes. Si Rabah Ameur-Zaïmeche (qui ressemble à De Niro jeune…) s’est donné le rôle difficile, ambigu et pas forcément sympathique de Mao le patron, tous les autres sont inconnus mais formidables comme ce film âpre et déroutant qui donne la parole à ceux dont on ne parle pas.

  • Mesrine : l’instinct de mort **(*)

    Mesrine : L'Instinct de mort - Vincent Cassel

    Premier volet du dyptique retraçant la vie, les amours, les emmerdes et la mort de Jacques Mesrine nous suivons celui qui fut « l’Ennemi Public N° 1 » dans les années 70, de Paris en Espagne et au Canada.
    Que Mesrine (le vrai) exerce une quelconque fascination et qu’on lui attribue des actes héroïques me semble être une aberration. Raciste, misogyne, colérique, caractériel et violent, ce type est un voyou, un truand, un gangster, un tueur, un rebelle qui ne défend aucune cause. Ce film le démontre et si l’on ne savait pas que Mesrine a réellement existé, on dirait que les scénaristes ont un peu chargé la mule. Les prétendus actes glorieux qu’on lui attribue sont en fait complètement irresponsables, le faisant toujours flirter de près avec la mort, comme sa spectaculaire évasion de sa prison au Canada (dont les méthodes n’auraient sans doute pas été reniées par les nazis) ainsi que la tentative insensée de libération plus tard de ses co-détenus. Les quelques démonstrations d’affection envers ses enfants par exemple ne font pas de ce type quelqu’un de sympathique. Il brandissait son nom comme un titre de gloire ou un trophée « je suis Jacques Mesrine » répétait-il à l’envi (dites bien « Mérine » paraît-il si vous ne voulez pas vous en prendre une entre les deux yeux). Quant à son prétendu code de l’honneur qu’il agite comme une évidence, il ne l’empêchait nullement de pointer une arme dans la bouche de sa femme quand elle lui avait un peu trop mis les nerfs. Donc, Mesrine est un sale type et ce film l’illustre bien. Mais derrière ce personnage, il y a un acteur et quel acteur ! Les allergiques à Vincent Cassel devraient fuir d’emblée car il compose là un rôle très « actor’s studio » et son travail sur le physique, la démarche, la voix est impressionnant et phénoménal. Tour à tour inquiet mais surtout inquiétant, tendu, imprévisible, il est une véritable bombe à retardement dont on se demande à chaque instant quand elle va exploser. En ce qui me concerne, je trouve que le spectacle de cette interprétation qui ne fait évidemment pas dans la dentelle mais au contraire dans la démesure, vaut largement le déplacement.
    A ses côtés, plein d’acteurs formidables qui sont à leur meilleur, notamment Gilles Lelouche (toujours parfait), Cécile de France (malgré un rôle bâclé) très convaincante et étonnante dans son rôle de Bonnie Parker amoureuse et Gérard Depardieu (et oui, dans la famille Depardieu, j’aime le père, le fils, la fille et même le sain d’esprit) massif, colossal, immense (dans tous les sens du terme) qui sans forcer, sans surjouer, d’une discrétion et d’une simplicité exemplaires emporte chaque scène.
    Les « plus » de ce film qui donnent évidemment envie de voir le second volet sont donc l’interprétation haut de gamme et le style « à l’américaine » qui donne du rythme et permet de ne pas avoir le temps de souffler un instant.
    Les « moins » résident dans le fait qu’on ne comprend pas vraiment comment Mesrine en est arrivé là, si ce n’est qu’il méprise ses parents, ses débuts prometteurs en assassin lors de la guerre d’Algérie et ses mauvaises fréquentations lorsqu’il rentre en France. Tant qu’à faire un film de quatre heures on aurait pu nous inviter à découvrir comment était le jeune Mesrine. Par ailleurs, le rythme trépidant évite au réalisateur de créer un véritable lien entre les différentes scènes et épisodes de sa vie. Des indications (telle année, tel endroit) nous informent… mais comment fait-il pour voyager alors qu’il est recherché, pour préparer ses « coups », pour faire ses rencontres ? Tout est éludé. Dommage. 

  • Khamsa de Karim Dridi ***

    Khamsa - Marco Cortes Khamsa - Marco Cortes

    Marco, jeune gitan de 11 ans (malgré la main de Fatma qu'il porte en pendentif et l'expose à se faire insulter de "sale bicot"), s’échappe du foyer où il a été placé pour avoir mis le feu à une caravane mettant en danger la vie de sa belle-mère et de son petit frère. Il veut revoir sa grand-mère mourante et retrouve le camp où il vivait. Seul son cousin, le nain Tony, accepte de l’héberger et tente mollement de l’empêcher de faire des bêtises. Mais Marco rejoint ses amis d’enfance et avec eux vole des sacs, des scooters, cambriole des villas et entre dans la spirale infernale de la débrouille et du danger.

    L’itinéraire de cet enfant pas gâté du tout nous projette sans fiotures dans un monde aux portes d’une grande ville : Marseille. Un monde dont on ne parle pas, qu’on ne connaît pas, avec des gens oubliés qui vivent dans des conditions inimaginables entre l’autoroute et les usines. Les enfants, livrés à eux-mêmes, à qui on donne une bière à boire vers 4/5 ans pour avoir la paix, en dehors de leurs jeux stupides (plonger dans la mer du haut d’une grue…) n’ont d’autre horizon que la délinquance.

    Karim Dridi nous balance cet uppercut en pleine figure sans jamais sombrer dans le misérabilisme ou l’angélisme. Ni  vraiment sympathiques, ni tout à fait antipathiques ces jeunes sans loi mais avec un peu de foi nous sont montrés bruts de décoffrage, toujours prêts à la bagarre ou à défier la peur, l’insulte au bord des lèvres avec parfois de rares moments de tendresse, de partage et d’humanité. C’est sidérant. L’enjeu de ces enfants n’est pas de s’en sortir mais de survivre dans une société qui les abandonne en partie parce qu’ils leur font peur. Les services sociaux font bien quelques tentatives mais renoncent car leurs démarches les mettent en danger. En effet, la solidarité se met rapidement en place dans le camp dès qu’interviennent des « étrangers ».

    Marco a bien quelques velléités de s’en sortir, de partir en Espagne, de devenir boulanger mais il est vite rattrapé par un destin tout tracé. Son père (Simon Abkarian, formidable) séducteur violent et sans cœur l’abandonne, alors Marco (le jeune Marco Cortes, magnifique, enragé) fonce vers son sort, tête baissée.

    Ce film intelligent, impressionnant et pourtant jamais spectaculaire, est un coup de poing.

  • Coluche, l’histoire d’un mec d’Antoine de Caunes *(*)

    Coluche, l'histoire d'un mec - François-Xavier Demaison

    En fait, ce n’est pas l’histoire d’un mec, c’est juste l’histoire d’une année dans la vie d’un mec, mais pas n’importe quelle année de n’importe quel mec. L’année c’est 1980, juste avant les élections du 10 mai 1981 où l’on crut dur comme fer que quelque chose allait changer. Le mec c’est notre « enfoiré » préféré, Coluche qui, alors qu’il triomphe tous les soirs en spectacle, décide de se présenter aux élections présidentielles « pour leur foutre au cul »… Il invite donc tous les « les fainéants, les crasseux, les drogués, les alcooliques, les pédés, les femmes, les parasites, les jeunes, les vieux, les artistes, les taulards, les gouines, les apprentis, les Noirs, les piétons, les Arabes, les Français, les chevelus, les fous, les travestis, les anciens communistes, les abstentionnistes convaincus, tous ceux qui ne comptent pas pour les hommes politiques à voter pour » lui. En fait, Coluche n’obtiendra jamais les 500 signatures nécessaires à sa canditature qu’il retirera en mars 81, terrifié par l’ampleur que prend ce qui avait commencé comme un canular (16 % d’intentions de votes !), son éviction des chaînes de télé et de radio, des menaces de mort…

    La reconstitution est impeccable mais je reproche à Antoine de Caunes de ne pas s’être « concentré » sur son sujet. On ne sent pas suffisamment l’angoisse monter, l’ampleur que prend le phénomène et surtout comment cette ascension fulgurante et cette chute vertigineuses ont détruit Coluche et sa famille. Un jour ça l’amuse, puis il prend peur et ça ne l’amuse plus. Par contre, on nous affirme sans nous le démontrer que la prise de pouvoir par la gauche en 1981, nous la devons à Coluche…

    Par ailleurs, on est accablé de scènes sur la vie de la star et sur le fait que la notoriété donne beaucoup de désinvolture… Entouré d’une cour de parasites pique-assiettes, la maison de Coluche avec piscine et billets de 500 francs qui traînent à disposition, ne désemplit jamais. Si on ne connaît pas (comme c’est mon cas) la vie de Coluche dans le détail, on n’a aucune idée de ce que ces gens font là, qui ils sont, lesquels « travaillent » réellement pour lui ou sont ses amis. Evidemment, ce qui saute aux yeux, c’est que le fait d’être constamment entouré, avec de rares moments d’intimité (entre la cuisine et le salon) avec sa femme Véronique, étrangement passive, qui finira par le quitter parce qu’il ne la fait plus rire, n’empêche pas l’infinie solitude de cet homme. Mais cela n’émeut jamais. On comprend l’amour démesuré du réalisateur pour son personnage et son acteur mais il ne le nous transmet pas. Il parsème son film des meilleurs bons mots du comique et finalement la prestation la plus tordante est celle, quasi silencieuse de Georges Marchais.

    Par contre, le sans faute, l’idée de génie est d’avoir dégoté et vu en François-Xavier Demaison LE Coluche indiscutable. Si ce rôle écrasant risque de lui coller aux basques un certain temps c’est qu’il y est tout simplement génial, prodigieux, étourdissant. Le moindre de ses gestes, sa voix, sa démarche, tout est là et c’est parfois même très troublant. Pour lui, ce film est une vraie curiosité.

    Cela dit, on se prend quand même à rêver ou simplement à se demander quel pourrait être le clown qui aujourd’hui ferait obstacle à la farce actuelle…

  • Tokyo ! de Michel Gondry, Leos Carax, Joon-ho Bong ***(*)

    Tokyo !

    “Film à sketches” dont les thèmes traités dans la tentaculaire ville japonaise aussi pluvieuse que Seattle sont la solitude, la difficulté de communiquer, le racisme, la peur des autres, des différences, des étrangers… « Tokyo ! » est particulièrement jouissif, délirant, poétique, rare, inventif, passionnant et cohérent. Il nous offre trois films magnifiques et plutôt fantastiques (dans tous les sens du terme) pour le prix d’un. Foncez.

     

    « Interior Design » de Michel Gondry***

    Tokyo !

    Un jeune couple amoureux et plein d’humour cherche à s’installer à Tokyo où le prix des loyers est inversement proportionnel à la taille et la salubrité de l’appartement. Le garçon n’a qu’une passion, le cinéma. Il a d'ailleurs déjà réalisé un improbable film expérimental qui « dépasse les limites de l’écran » ; tandis que la fille plus rêveuse et hésitante ne trouve pas bien sa place. A force de comprendre et s’entendre dire qu’elle est un boulet sans ambition, elle va peu à peu se transformer pour finalement trouver une utilité et un sens à sa vie.

    Le cheminement pour en arriver là est beau, lent et intrigant mais la métamorphose inattendue, cloue littéralement sur place et rend le film totalement surréaliste et d’une touchante poésie.

     

    « Merde » de Leos Carax****

    Tokyo !

    Merde, c’est son nom, est une créature hideuse qui vit dans les égouts de Tokyo et sort de temps à autre pour terroriser les tokyoïtes. Il a le corps tordu, une démarche de dément, un œil crevé, des griffes à la place des ongles et une étrange barbe rousse. Pouah ! Un jour il trouve un lot de grenades abandonnées et fait un carnage dans les rues de la ville. Il est capturé par l’armée et mis en prison. Seul un avocat français parle son énigmatique langage et va assurer la traduction lors de son procès.

    C’est Denis Lavant qui prête ou plutôt qui offre son physique étrange et sa naïveté à cette créature rebutante. Mais le voir déambuler complètement hagard et halluciné dans les rues des quartiers chics est un pur régal et d’un niveau comique assez élevé. Il ose arracher sa béquille à un handicapé, jeter son mégot dans un landau etc, et on… enfin j’en redemande car comme l’affirmait W.C Field :

    « Un homme qui n’aime ni les enfants, ni les animaux ne peut être totalement mauvais ».

    Et puis survient l’avocat français et Jean-François Balmer, grandiose, compose un immense numéro à mi-chemin entre Nicholson (version Joker ou Jack Torrance), Nosferatu et Raspoutine. L’épilogue est vraiment marrant et j’aimerais que le cinéma nous propose plus souvent des personnages aussi inocemment méchants !

     

    « Shaking Tokyo » de Joon-Ho Bong****

    Tokyo !

    Ne pouvant plus supporter le contact avec son prochain, avec le soleil, un jeune homme est devenu “hikikomori”, un ermite. Il vit reclus chez lui. Son père assure sa subsistance en lui adressant chaque mois, sans un mot, une somme d’argent. Jusqu’au jour où ça arrive ! Lui qui n'avait plus croisé le regard de personne depuis 10 ans, il tombe amoureux d’une jeune et belle livreuse de pizza qui disparaît. Impressionnée par l’ordre et la perfection qui règnent dans l’appartement du jeune homme elle devient elle aussi « hikikomori ». Pour la retrouver et la sauver il n’a d’autre moyen que de sortir de chez lui.

    Coup de foudre et tremblements de terre vont secouer deux êtres que l’angoisse de vivre dans une ville déshumanisée a rendu névrosés. C’est l’épisode le plus romantique mais certainement pas le moins angoissant…

    car mieux qu’un certain film récent, ce trytique sur la solitude dans les grandes villes montre bien l’isolement et l’aveuglement qui gagnent notre univers urbain.

  • A GUILLAUME,

    ..."il était soucieux...

    guillaume depardieu,cinéma

     

    Mais quelque chose le rassura...

    Cette nuit-là je ne le vis pas se mettre en route. Il s'était évadé sans bruit. Quand je réussis à le rejoindre il marchait décidé, d'un pas rapide. Il me dit seulement :

     

    - Ah ! tu es là…

     

    guillaume depardieu,cinéma

    Et il me prit par la main.

    Mais il se tourmenta encore..."

    guillaume depardieu,cinéma

  • Tonnerre sous les Tropiques de Ben Stiller **

    Tonnerre sous les Tropiques - Jack Black, Robert Downey Jr. et Ben StillerTonnerre sous les Tropiques - Robert Downey Jr. et Ben Stiller Tonnerre sous les Tropiques - Brandon T. Jackson, Ben Stiller, Robert Downey Jr., Jay Baruchel et Jack Black

    5 acteurs hollywoodiens à l’égo pachydermique et à l’ambition de mammouth (un Oscar sinon rien !) sont engagés pour tourner « le plus grand film de guerre de tous les temps ». A la direction : un réalisateur anglais déclaré incompétent par un producteur survolté. Pour tenter de relancer le tournage du film dont un technicien a malencontreusement fait exploser les décors, le réalisateur emmène son quintet d’acteurs en pleine jungle pour une séance de cinéma vérité. Ils vont vite se rendre à l’évidence que plus aucune caméra ne tourne et qu’ils se trouvent plongés dans une vraie guerre !

    Je n’avais pas autant ri (au cinéma...) depuis des semaines. Pourtant le début peut laisser présager le pire : une série de fausses bandes-annonces de faux films des acteurs dans le film du film dont certains (même parodiques, merci j’ai compris) ne sont vraiment pas drôles du tout du tout. Et puis ça s’arrange dès que le tournage du film dans le film commence (vous suivez ?).

    Si Ben Stiller entend parodier et critiquer les films de guerre à gros budget (j’en sais rien, j’ai pas de dossier de presse moi madame), il se plante car son film n’a rien d’un nanar de pacotille tourné avec deux bouts de ficelle de cheval : C’EST un film de guerre à gros budget. Quant à la satire du système hollywoodien (les producteurs mégalos pourris, les caprices de star, les films « franchise » à millions d’entrées, les produits dérivés, la cérémonie des Oscar etc…) si elle est parfois savoureuse n’est pas vraiment vitriolée. La réussite est aussi ailleurs et surtout à découvrir Ben Stiller capable de réaliser un film musclé, macho (on n’en doutait pas), énergique, trépidant et drôle, très drôle.

    Si comme moi, vous vous êtes gavés de « Platoon », « Apocalypse Now », « Voyage au bout de l’enfer » et j’en passe, vous verrez qu’ici tout est là : la jungle hostile, les méchants asiatiques, les tortures, la cervelle qui gicle, les tripes à l’air, les actes héroïques, la franche et virile camaraderie, les soldats qui rient et pleurent en même temps, qui tombent au ralenti au son de musique symphonique, la fin qui n’en finit pas de finir avec sauvetage in extrémis du soldat Ryan, et « Sympathy for the devil » des Rolling Stones (les Stones chantent toujours dans les films qui parlent du Viet-Nam)… Dans les « modèles » tout ceci était émouvant, tragique ou insupportable. Ici, c’est marrant.

    Le plaisir tient également, c’est évident à l’interprétation. Je ne citerai pas toutes les guest stars invitées qui défilent, d’autres s’en chargent mais ceux qui n’ont rien lu pourront avoir des surprises, mais je recommande le rôle proprement ahurissant du producteur vulgaire et accro au coca light. La star d’hollywood qui s’y colle, grasse, poilue, chauve m’a impressionnée et prouve qu’elle peut encore surprendre. Bravo.

    Pour le reste, j’ai découvert deux acteurs très prometteurs et jusque là inconnus, Brandon Jackson et Jay Baruchel qui se collent les rôles des « bleubites » et parviennent à s’imposer face à leurs aînés. Chapeau.

    Jack Black, qui ne m’a encore jamais fait rire, confirme qu’il ne me fait pas rire et hérite une fois de plus du rôle qu’il préfère : caca-prout-vomis. Passons.

    Restent Ben Stiller qui n’hésite jamais à se ridiculiser aussi bien dans les dialogues que dans les déguisements ou attitudes, mais surtout celui qui surprend encore c’est Robert Downey Jr. Son rôle d’acteur proche des thèses de l’actor’s studio qui consiste notamment à entrer dans un personnage fait qu’il a subi une intervention de pigmentation de la peau pour être un soldat noir et adopte le parler « yo man » dans une caricature outrancière qui étrangement le rend plus sobre qu’à l’accoutumé. Bon, il faut le voir et l’entendre pour le croire.

    Allez, faites tourner les hélicos !

  • Le crime est notre affaire de Pascal Thomas *(*)

    Le Crime est notre affaire - André Dussollier et Catherine Frot Le Crime est notre affaire - André Dussollier

    Bélisaire et Prudence Beresford sont à la retraite dans leur immense maison savoyarde. Mais Prudence s’ennuie ferme. Heureusement, la vieille tante Babette qui vient leur rendre visite assiste à un crime qui a lieu dans le train qui croise le sien. Cela permet à Prudence de reprendre sa loupe de détective. Sans avertir son mari, elle se fait engager comme cuisinière dans la famille Charpentier qui vit dans un sinistre château plein de pièces mystérieuses, et dont elle soupçonne chaque membre.

    Le plus réjouissant dans l’histoire n’est pas l’enquête ou l’intrigue mais le duo vedette qui s’en donne à cœur joie et nous réjouit par la même occasion. Toujours amoureux malgré le temps qui passe, le couple n’en finit pas de se faire des niches et chahuter en ricanant comme des gamins. Catherine Frot (délicieuse) et André Dussolier (tendre et ronchon) font ça à merveille. Il faut aimer ces deux acteurs pour apprécier  ce film un peu poussiéreux mais charmant, car en dehors de leur prestation délectable, il n’y a pas grand chose à se mettre sous la dent et même les autres acteurs semblent particulièrement absents.

    Mais si vous voulez voir, entre autre, André Dussolier en kilt rejouer la scène de « 7 ans de réflexion » dans laquelle la robe de Marilyn se soulevait au-dessus d’une bouche d’aération, foncez . Moi, j’ai trouvé ça tordant.

  • Blindness de Fernando Meirelles *

    Blindness - Mark Ruffalo et Julianne Moore

    Une « épidémie » de cécité s’abat sur une mégalopole anonyme qui ressemble à New-York ou Tokyo. Les autorités, dépassées par l’ampleur de l’événement, font mettre en quarantaine tous les « malades » dans des baraquements insalubres. Pour ne pas quitter son mari atteint de l’étrange mal, une femme qui voit toujours, se laisse enfermer à l’insu de tous. Les cas se multiplient et la cohabitation se transforme très rapidement en lutte pour la survie.
    Dommage qu’une morale à deux balles (les hommes confrontés à l’apocalypse se transforment immanquablement en monstres barbares, les humains se regardent mais ne se voient pas…) parce que le sujet en or aurait dû inviter à une belle réflexion. Mais tout tourne rapidement à la répétition et à la caricature (par exemple, dans le groupe de tête on trouve quelques noirs, quelques jaunes, quelques blancs, un hispano, une pute, un enfant, un couple qui se dispute, un couple qui s'aime…). Emaillé de quelques jolies scènes et parfaitement interprété (sauf par Gael Garcial Bernal : R.I.D.I.C.U.L.E. parce que manifestement pas à l’aise dans un rôle de méchant!), le pire de ce film sur un univers concentrationnaire où l’homme finit par devenir un loup pour l’homme est à peine flippant...

  • Une lettre oubliée…

     

    Cher Guillaume,

    Savoir que tu ne souffres plus n’est pas une consolation. Pour personne. Et ce matin, je pense à Gérard qui t’aimait, qui n’a jamais réussi à t’en convaincre, à Elisabeth si discrète, à Julie qui s’illuminait quand elle prononçait ces deux petits mots « mon frère ». Je pense à tes parents et à ta sœur, sans aucun doute terrassés.

    Tu étais « programmé pour la guerre » disais-tu et au-delà de tout ce que tu lui as fait subir, alcool, drogue, prostitution, prison, accidents, multiples opérations… ton corps supplicié, couturé de partout criait sa souffrance, son désarroi et ses luttes. Et pourtant tu te relevais de tout, toujours. Aujourd’hui, on est un peu stupéfait d’apprendre qu’un jeune homme peut encore mourir d’une pneumonie… foudroyante.

    Tu étais doué, surdoué pour la musique, le chant, tu composais aussi, tu allais réaliser ton premier film, tu avais écrit un opéra et chacune de tes apparitions au cinéma était un émerveillement. Mais pour la vie tu étais inadapté, mutilé à tout jamais. Tu ne sembles jamais avoir réussi à te relever vraiment de l’ombre du géant qui pesait sur tes larges épaules toujours un peu voûtées. Il émanait de toi beaucoup de rage, de colère et de fièvre mais aussi dans ta voix, dans ton regard une infinie douceur fascinante, ensorcelante. Beaucoup de tristesse aussi. Tu étais si beau, si ténébreux, si mystérieux.

    Quand tu es apparu au cinéma, tu avais l’air d’un ange dans « Tous les matins du monde » à 20 ans. Tu as toujours gardé au-delà des épreuves, cet aspect et ce visage juvéniles et je t’ai toujours associé à l’image du Petit Prince.

    Tu semblais pour mon plus grand bonheur, redonner un grand coup d’accélérateur à ta carrière cinématographique, et artistique en général ces derniers temps avec une foule de projets en cour. Tout s’interromp mais j’ai encore bien en tête l’un de tes derniers films que tu as littéralement embrasé de ta ténébreuse présence et pour lequel je t’avais « traité » d’acteur phénoménal, « Versailles » et ton rôle d’homme des bois solitaire. Douloureux toujours, mais vivant encore.

    Mais non, savoir que tu ne souffres plus n’est pas une consolation, mais je te jure de ne jamais t’oublier.