11.6 de Philippe Godeau ***
Elle n'est pas banale du tout l'histoire de Toni Musulin convoyeur de fonds modèle responsable en 2009 du détournement de 11.6 millions d'Euros dont 2.5 millions n'ont jamais été retrouvés et qu'il assure ne pas avoir cachés. "Quelqu'un s'est servi" dira t'il laconiquement aux enquêteurs. Toni Musulin n'a pas été capturé, il s'est livré lui-même au terme d'une dizaine de jours de cavale. Et lorqu'on sort de la salle, on a en tête bien plus de questions qu'en y entrant.
A la question "comment ?", le réalisateur répond et nous montre effectivement comment Toni Musulin a organisé et réussi le casse parfait, sans la moindre violence physique et avec un souci pointilleux du détail. Il a la bonne idée de nous laisser découvrir au fur et à mesure chacun des agissements de ce non héros mutique et obstiné. Comment de collègue charmant, de conjoint vivable, il se transforme en être odieux, comment il fait le vide autour de lui pour agir seul et n'impliquer personne. Pour protéger son entourage en quelque sorte.
La réponse à la question "pourquoi ?" reste confuse, obscure. L'opacité du personnage demeure de bout en bout. Il dira "j'aime la solitude et le silence". Et à peine verra t'on poindre un soupçon de ras le bol envers une hiérarchie qui lui refuse une journée de congé, qui le rend corvéable à merci au prétexte qu'il n'a pas de famille, qui l'escroque sur le paiement de ses heures de travail. Est-ce contre cette société qui ne connaît que la productivité au risque de ne pas respecter le règlement que Toni Musulin se rebelle finalement ?
Toujours emprisonné pour l'instant et à l'isolement pour ne pas recevoir de pressions de la part des autres détenus sur la prétendue cachette des 2.5 millions, Toni Musulin n'a toujours pas révélé son secret.
Philippe Godeau scrute et tente d'analyser la personnalité du personnage et c'est une réussite totale car il se repose sur la Ferrari des acteurs français, François Cluzet. Le visage de cet homme est un paysage qui s'anime à peine. Sa voix est un instrument aux modulations uniques. Et le sourire à peine perceptible lorsque le commissaire lui annonce le sort réservé à l'entreprise qui l'exploitait, du grand art !