STARS 80 de Frédéric Forestier, Thomas Langmann ***
Oui je sais ce que vous allez me dire ! Alors ne me le dites pas. Je suis déjà suffisamment surprise de mettre *** à un film au générique duquel se trouvent : Images, Gilbert Montagné, Sabrina et les autres ! J'ai eu beau réfléchir, je suis d'accord avec moi-même pour maintenir ma décision. Parce que ce film c'est de la dynamite et absolument pas ce que j'imaginais ce que ce serait. Alors tant pis si j'assume avec difficultés et si je perds le peu de crédibilité que j'avais déjà en tant que cinéphile qui vénère un acteur/réalisateur qui parle à une chaise et vote républicain, qui a péri d'ennui devant le dernier spectacle de Carax, est restée de marbre (voire pire) face à Perdre la raison, trouve que Matthew McConaughey est triplement un excellent acteur, adore presque tous les super héros... Bon, je ne vais pas faire le tour de toutes mes tares et lacunes cinématographiques.
J'ai aimé ce film.
Pire.
Ce film m'a embarquée alors que je ne m'y attendais pas. J'y allais, sans avoir vu la bande-annonce, me disant qu'il s'agissait sans doute d'une espèce d'émission de télé, de show, de spectacle... où des chanteurs has been tentaient de faire acteurs en poussant la chansonnette et que j'y ai traîné Jules un peu à reculons avec des pieds de plomb. C'est dire si ce n'était pas gagné. Nonobstant ces réticences, je n'étais pas contre le fait d'écouter un peu du top 50 des années 80, époque curieuse qui me semble antédiluvienne, ringarde ou vintage c'est selon. Epoque révolue donc, où je regardais beaucoup la télé et écoutais beaucoup la radio.
Il y a donc deux vrais acteurs (voire trois si je compte Bruno Lochet) Anconina (formidable) et Timsit, deux braves types, Vincent et Antoine un chouilla losers mais obstinés et fans des années 80. Ils tentent de survivre en produisant des sosies dans des spectacles. Leur affaire prend l'eau de toute part et avant que leur banquier ne les lâche définitivement, ils décident après avoir retrouvé un vieux 45 Tours de contacter les chanteurs qui ont été les vedettes d'un seul titre et ont complètement sombré dans l'oubli, de les réunir et de monter un spectacle en souvenir des années 80. Contre toute attente, Peter & Sloane, François Feldman, Début de soirée, Cookie Dingler, Images... (oui je sais, ça envoie du bois) acceptent. Mais le rêve ultime serait de faire participer la star des stars de ces années là, qui hélas vit aux Etats-Unis : Gilbert Montagné !
Le choc passé de constater qui a morflé (Sloane, Cookie...) et qui pas (Jeanne Mas (fragilissime), Jean-Luc Lahaye...), on s'habitue, on craque, on fond, on s'attendrit et on rit. Franchement. Et contrairement à ce que je craignais, on ne rit pas D'EUX mais avec et grâce à eux. Car même si le scenario est une success story sans l'ombre d'une anicroche dans le parcours, les apprentis acteurs, ex-gloires d'un jour ou d'une saison, armés d'un solide et savoureux sens de l'humour posent sur leur parcours un regard inattendu, sans concession et sans la moindre nostalgie. Ils sont drôles à évoquer ce qui, en plus de leur titre unique, a fait leur gloire : les déboires sentimentaux de Peter et Sloane, le quasi anonymat de Début de soirée dont on ne sait jamais qui est qui, tout comme celui de Cookie Dingler qu'on prend pour Michel Delpech etc... C'est difficile à exprimer mais c'est à mourir de rire, mais jamais ce n'est méchant donc jamais gênant.
Tout le monde a l'air de se marrer et faire une fête du feu de dieu et le public de toutes les villes de France qui remplit les Zénith suit comme un seul homme. Et dans la salle, je mets quiconque au défi de ne pas agiter les gambettes sous le siège. Impossible de résister à ces chansons qu'on connaît par coeur (sauf Voyage Voyage*... seule la fille aux cheveux zarbis peut la chanter). La séquence à New-York, très Blues Brothers avec Gilbert Montagné en prédicateur gospel m'a sciée. J'avais envie de sauter partout et qu'elle ne s'arrête plus. Une comédie musicale dans le film. Euphorisante.
Evidemment, acteur c'est quand même un métier et certains chanteurs ont du mal à exister... Mention spéciale à Jean Schulteiss, souriant comme un ravi de crèche, qui ne se donne même pas la peine de "jouer". On le pose, il se met au piano et vas-y mon toc toc, c'est reparti comme en 14 :
"Je me fous, fous de vous, vous m'aimez
Mais pas moi, moi je vous voulais mais
Confidence pour confidence
C'est moi que j'aime à travers vous"...
Par contre la prestation de Jean-Luc Lahaye... et là je me pince encore deux jours après à me demander si c'est bien moi qui vais dire ce que je vais dire... m'a complètement mise KO. En parrain (musique de Nino Rota comprise), cuir, chaînes et chemise léopard, complètement alaindelonisé (il parle de lui à la troisième personne), il est exceptionnel. Il se pointe et clame "Jean-Luc Lahaye est dans la place", il récite par coeur son "livre" Cent familles, persuadé d'être LA star, distribue des bisous à des filles qui se pâment, "t'as quel âge ?" lance t'il à une jeunette, "non j'rigole" ajoute t'il. Il est tordant, drôle à un point que vous devez avoir du mal à imaginer ! Sur scène, c'est une bête, dans l'histoire il est le bad boy qui vient mettre avec bonheur un peu de piment dans cette sucrerie pleine de tendresse et de bons sentiments. Il est bien meilleur que certains acteurs confirmés. Une présence, quelque chose en plus quoi...
Même si c'est éphémère, on sort de la salle avec une pêche d'enfer, un sourire jusqu'aux oreilles et bon sang ça fait un bien fou toute cette énergie !
*Au dessus des vieux volcans
Glissent des ailes sous les tapis du vent
Voyage Voyage
Eternellement
De nuages en marécages
De vent d'Espagne en pluie d'Equateur
Voyage voyage
Vol dans les hauteurs
Au d'ssus des capitales
Des idées fatales
Regarde l'océan
Voyage voyage
Plus loin que la nuit et le jour
Voyage
Dans l'espace inoui de l'amour
Voyage voyage
Sur l'eau sacrée d'un fleuve indien
Voyage
Et jamais ne reviens
Sur le Gange ou l'Amazone
Chez les blacks chez les siks chez les jaunes
Voyage voyage
Dans tout le royaume
Sur les dunes du Sahara
Des îles Fidji au Fuji-Yama
Voyage voyage
Ne t'arretes pas
Au d'ssus des barbelés
Des coeurs bombardés
Regarde l'océan
Au dessus des capitales
Des idees fatales
Regarde l'océan
Voyage voyage...