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Cinema - Page 203

  • LES ADIEUX A LA REINE de Benoît Jacquot *

    Les Adieux à la reine : photoLes Adieux à la reine : photo Benoît Jacquot, Julie-Marie Parmentier, Léa Seydoux

    Alors qu'à Paris le peuple a "pris" la Bastille, à Versailles la Reine consulte le dernier Vogue son cahier des froufrous et falbalas, se meurt d'amour pour la belle et libre Gabrielle de Polignac et manipule sa très dévouée lectrice favorite Sidonie Laborde. Cependant les bruits de tumulte s'approchent rapidement et le Palais peu à peu se vide. Les nobles dont les noms circulent sur une liste de têtes à couper ont peur et fuient ainsi que leurs serviteurs qui ne se sentent plus en sécurité. Sidonie assure qu'elle ne quittera jamais la Reine qui en profite pour lui demander un étrange sacrifice !

    L'idée de ne pas montrer la "révolution" en marche mais la confusion puis le chaos qui s'emparent progressivement du Château est tout à fait originale. Tout comme découvrir les couloirs, les différents passages, les cuisines et les "quartiers" des domestiques. S'apercevoir aussi que tous ne sont pas aussi bienveillants et dévoués que Sidonie. Les médisances et mesquineries allaient bon train. Voir le désarroi des nobles paniquer dans une confusion totale est un triste bazar pathétique. De vieux barbons enfarinés s'émeuvent de lire leurs noms sur la liste fatale. Le réalisateur ne les épargne pas et capte la débâcle qui s'empare de Versailles devant les yeux effarés des serviteurs auxquels certains, telle Sidonie aveuglée par l'amour qu'elle porte à sa Reine, refusent de croire. Si d'aucuns veulent y voir des correspondances avec une certaine fin de règne actuelle, tant mieux pour eux. Moi je ne vois qu'un film en costumes, certes différent car brillant et d'un point de vue particulier puisque c'est celui des domestiques, mais surtout  usant à force d'agitation. Suivre Sidonie qui tombe et se relève, et sa course éperdue dans les couloirs interminables ont réellement fini par devenir fatigant pour la spectatrice que je suis.

    Reste l'interprétation. Certains seconds rôles sont vraiment aux petits oignons et il n'y a pas plus naturelle et convaincante que l'extraordinaire et extravagante Noémie Lvovsky en première femme de chambre qui veille avec dévotion sur sa royale patronne. Julie-Marie Parmentier est une petite soubrette mutine et charmante. Virginie Ledoyen une fière et conquérante amie/amante. Et Diane Kruger passe avec beaucoup de sensibilité de la femme superficielle et capricieuse à l'épouse inquiète pour son royal époux, puis brisée par l'abandon de son amie mais néanmoins d'une cruauté manipulatrice envers Sidonie.
    Et donc, lisant partout qu'il s'agissait ici du meilleur rôle de la toute récente mais fulgurante carrière de Léa Seydoux qui pour l'instant ne m'a JAMAIS convaincue, je m'attendais et d'ailleurs j'espèrais être enfin conquise par la demoiselle. Il n'en est rien. Fade et inexpressive, je trouve cette actrice absolument mauvaise et sans aucun mystère, et incapable de faire passer la moindre émotion dans son regard qui reste désespérément vide. Censée faire comprendre à quel point elle tient à la Reine, à aucun moment on ne voit passer la fièvre de l'admiration et de l'amour dans ses yeux.  Il n'y a que lorsqu'elle doit être encore plus boudeuse et renfrognée qu'elle ne semble l'être naturellement, qu'on peut apercevoir un léger frémissement de sa narine gauche. Ou lorsqu'elle espère obtenir quelque chose. Une réplique du film à elle destinée résume assez bien son jeu et le tempérament de son personnage : "Dis donc, tu peux être aimable quand tu demandes un service ?".

    Ce qui a fini de m'irriter est que Benoît Jacquot se serve de deux prétextes absolument minables pour déshabiller intégralement deux de ces actrices ! J'en ai vraiment plus qu'assez de ces scènes inutiles qui ne servent en rien l'intrigue et plus qu'assez des actrices qui acceptent ces scènes sans objet. La scène où Virginie Ledoyen et Diane Kruger se serrent l'une contre l'autre est bien plus explicite et sensuelle que si elles avaient été dans un lit.

  • A L'AVEUGLE de Xavier Palud **

    A l'aveugle : photo Xavier PaludA l'aveugle : photo Xavier Palud

    Une jeune femme se fait assassiner et découper en quinze morceaux chez elle sans la moindre trace d'effraction. Un autre meurtre au procédé très différent mais tout aussi spectaculaire est perpétré, suivi d'un troisième... Alerte générale au 36, le commandant Lassalle aidé de son lieutenant, la jeune et charmante Héloïse qui en pince pour lui, sont sur le coup. Rapidement un accordeur de pianos, Narvik est suspecté. Mais il est aveugle et du coup, cela devient peu vraisemblable qu'il ait commis ces horreurs étant donné la complexité des modes opératoires.

    Polar nerveux et efficace et pub non dissimulée pour la Ford Focus (paiement en espèces merci) ce film ne renouvelle le genre en aucune façon mais au moins offre la possibilité de passer 1 h 34 pied au plancher sans une seconde d'ennui. Tout le monde connaît l'assassin pratiquement dès le début, les spectateurs, les flics et même les instances supérieures qui semblent avoir intérêt à étouffer les affaires. Le truc est de savoir comment ce brave Lassalle va bien pouvoir s'y prendre pour coincer le coupable avec qui se noue une étrange relation de confiance et comment contrer sa hiérarchie.

    Mais la cerise sur le gâteau d'une intrigue sans grande surprise, c'est Jacques Gamblin et son interprétation nonchalante de ce flic usé et brisé par un drame personnel. Avec sa tignasse poivre et sel très seyante, sa barbe de trois jours so sexy, ses costumes gris souris assortis à son humeur, ses conversations avec son chien, il est à la fois flegmatique et insolent quand il balance ses répliques et donne finalement un ton humoristique à une histoire très sombre. On rit donc beaucoup malgré les cadavres. Mélange du Mel Gibson suicidaire de L'Arme Fatale et du Bruce Willis solitaire des Die Hard, il est LA raison essentielle de voir ce film fort plaisant par ailleurs.

  • 38 TEMOINS de Lucas Belvaux **(*)

     38 témoins : photo 38 témoins : photo38 témoins : photo

    Une nuit au Havre, une jeune fille morte baigne dans son sang dans le couloir d'un immeuble. Dès le lendemain la police enquête et se voit opposer un silence lourd et embarrassé de la part des habitants du quartier. Tout le monde dormait profondément, personne n'a rien vu ni entendu. Au bout de quelques jours Pierre tourmenté par le remords et alors que sa compagne lui demande d'oublier, prévient l'inspecteur de police qu'il a en fait entendu des cris et vu une femme blessée entrer dans l'immeuble. Et qu'il s'est recouché. Une journaliste fait par ailleurs des recherches de son côté pour tenter de comprendre pourquoi aucun voisin n'est intervenu. L'enquête prend alors un tour nouveau.

    Ce qui intéresse Lucas Belvaux n'est ni de chercher ni de trouver le coupable de ce meurtre barbare mais de s'interroger sur les raisons d'un tel silence. Et par là même de provoquer chez le spectateur les mêmes interrogations, sans juger évidemment. Juger c'est LE mal. Le procureur le dit d'ailleurs dans le film "personne ne prend plaisir à juger". Et des questions, on s'en pose, inévitablement. Que ferions-nous dans pareille situation ? Et le réalisateur n'élude rien, pas même la compassion commode et sincère qui fait que dès le lendemain une chapelle ardente avec photos de la victime, fleurs, bougies est installée à l'emplacement du crime et que la ville entière s'entasse à ses obsèques.

    Je n'aime pas ne pas adorer un film de Lucas Belvaux que j'aime d'amour, mais malgré les magnifiques moments et la profondeur du propos, il y a des lourdeurs qui ne l'ont pas élevé au niveau de ses précédents films (Rapt, La raison du plus faible ou Cavale). Ici les portraits de femmes m'ont semblé totalement raté. Je n'ai pas cru à l'amour entre Pierre et Louise, d'autant que leurs conversations théâtrales sont plutôt superficielles. Le couple ne fonctionne pas. Et si on comprend aisément qu'un couple peut se déliter face à un événement qui les dépasse largement, à aucun moment on ne sent, on ne croit que Pierre et Louise se sont vraiment aimés. Le personnage de Natacha Régnier en mère isolée avec sa fille n'est que survolé, et lorsqu'elle éclate en sanglots parce qu'elle veut protéger "sa famille", ça ne passe pas. Quant à la journaliste, madame je sais tout, interprétée par Nicole Garcia, son côté incorruptible justicière n'impressionne pas.

    Il n'en demeure pas moins que par certains aspects, Lucas Belvaux affirme encore ses dispositions de grand réalisateur de gauche en colère qui rêve d'un monde meilleur et continue de s'étonner de l'individualisme forcené de ses concitoyens. S'interroger sur la "non assistance à personne en danger", la honte et la lâcheté, c'est beau, fort et courageux. Et puis il y a Yvan Attal qui s'effondre intérieurement, rongé de remords, obsédé par des hurlements de femme qui ne lui laissent plus aucun répit. Parvenir au sous-jeu, au non-jeu que Belvaux lui a imposé est une performance. Et enfin, il y a le Havre, ville incroyablement grise, vide, rectiligne qu'il filme comme un personnage. La ville écrase tous les personnages par son gigantisme et Belvaux la rend belle quoique froide et impersonnelle. Le port, les cargos, les containers en enfilade sont comme une ville dans la ville, un labirynthe impressionnant où l'homme est insignifiant.

  • CLOCLO de Florent Emilio Siri **

     Cloclo : photo Florent Emilio Siri, Jérémie RenierCloclo : photo Florent Emilio Siri, Jérémie Renier Cloclo : photo Florent Emilio Siri, Jérémie Renier

    Cloclo : photo Florent Emilio Siri, Jérémie Renier

    Claude François, son enfance, sa vie, son oeuvre et son explosion en plein vol !

    Les biopics (« biographical motion true picture »), fictions centrées sur la biographie d'un personnage ayant existé (dixit wiki), on aime ou on n'aime pas. Moi j'aime, c'est mon côté "Voici"-pipole-midinette. Et pourtant, rares sont les grands films qui émergent du genre. Celui-ci ne fait pas exception à la règle et je commencerai par évoquer ce qui ne va pas.

    Je suppose qu'en allant voir un film qui évoque Cloclo, j'ai envie de TOUT savoir sans avoir à lire la biographie non autorisée d'une Clodette ou celle d'un des fils qui n'étaient que des bambins quand leur papa-star est mort, bêtement. Mais franchement, l'évocaton de l'enfance de Claude François à Ismaïlia en Egypte est ratée. Si ce n'est le rôle du père tenu par le toujours étonnant Marc Barbé, ici séduisant et impitoyable "contrôleur du traffic sur le Canal de Suez" qui prévoit pour son fils une belle carrière sur le Canal. L'histoire,  Nasser et les dons du gamin en décideront autrement.

    Tout artiste "biopicqué" se doit d'avoir à combattre un traumas d'enfance. Ici notre Cloclo est élevé à la dure par un père despote qui le reniera quand il choisira la carrière de saltimbanque et une mère sur-protectrice et omni-présente donc pénible. La rencontre avec le père ne se fera jamais. Le gosse qui joue Cloclo enfant est une têtaclaques et Jérémie Rénier qui apparaît dès l'adolescence un peu trop vieux pour paraître 17 ans. Après une demi-heure assez ennuyeuse, Cloclo débarque à Monaco. C'est la misère et il se fait vaguement repérer pour ses talents de batteur. Il "monte" à Paris et après quelques échecs retentissants dont son premier 45 T, le franco-arabe "Nabbout twist" il rencontre Paul Lederman qui devient son impresario et là le film prend une tournure franchement risible. L'apparition de Benoît Magimel boursouflé, moumoute de caniche, accent pied noir mixé avec le parler wesh-wesh des banlieues, interprétation/imitation de Robert de Niro dans le Parrain et Casino est à mourir de rire. Allez je ne résiste pas, je vous mets une petite photo. Pour l'entendre appeler Cloclo "fils" en lui tapotant l'épaule et le voir bouger il faut aller voir le film :

    Est-ce que tenter de se rapprocher du physique du vrai Lederman peut nuire ou profiter au film ? Je ne pense pas. D'ailleurs, qui connaît le physique de Paul Lederman dans la vraie vie (sans vouloir faire offense) ? L'acteur qui interprète Frank Sinatra lui ressemble autant que moi à Bernadette Soubirous et ça ne gêne personne. Là, j'ai bien cru que le film ne s'en relèverait pas, d'autant qu'à ce moment Cloclo himself devient un peu chef de clan. Avec l'argent qui s'accumule, il achète le fameux moulin en ruine de Dannemois qu'il restaure et y installe la famille et les amis qu'il dirige en patriarche.

    Et puis, ça s'arrange. On découvre Cloclo complètement imprégné de son éducation rigide, autoritaire, colérique, jaloux, maniaque, lunatique, capricieux. Il enfermait sa première femme à clé dans son appartement lorsqu'il avait un rendez-vous. Il a quitté son amour France Gall sur un simple coup de fil le soir où elle remporte le Grand Prix Eurovision, craignant trop qu'elle lui fasse de l'ombre. Il a caché la naissance de son second enfant pendant des années. Il prétendait que c'était pour le protéger du "grand barnum" et sa femme de l'époque pensait plutôt qu'être père de famille était moins glamour  aux yeux du public ! En plein milieu d'une chanson il pouvait se retourner sur un musicien et lui balancer "fausse note, t'es viré". Il enregistrait des "mémos" avec les idées qui lui passaient par la tête mais aussi pour donner ses consignes et ses ordres à tout son entourage. Bref, un type infernal, difficile à suivre et dont on a pas trop envie d'être le copain.

    Mais sur le plan professionnel, il a su surfer sur les vagues, s'imposer en pleine "yéyé mania", s'adapter au disco et revenir au top lorsque sa côte chutait. Quitte à simuler un malaise cardiaque en plein concert avec l'accord de Paul Lederman. Il devient un véritable business-man, fonde sa maison de disques, reprend un magazine pour les jeunes, puis un magazine de charme, crée son agence de mannequins. Une vie lancée à 200 à l'heure et des shows frénétiques, étincellants sur des rythmes et aux chorégraphies endiablés. Il impose des danseuses noires à la télévision française, gère son image avec application et écrit la chanson la plus connue au monde "Comme d'habitude". Elle deviendra "My way" dans la bouche de  Frank Sinatra son idole de toujours qu'il n'osera même pas aborder alors qu'ils sont dans le même hôtel. Il semblerait que Cloclo ait toujours souffert du complexe Frank Sinatra. Il se serait rêvé en crooner alors qu'il a selon ses propres mots "une voix de canard".

    Voilà, je vous parle beaucoup de Cloclo et peu du film. Il faut dire que c'est un biopic... Donc ça raconte, ça raconte. Il y a néanmoins de véritables moments de grâce. Notamment lorsque Cloclo rencontre ses fans. Apparemment ce sont les seules personnes de son entourage qui n'aient jamais eu à se plaindre de son tempérament impossible. Elles dormaient sur le palier de son appartement parisien (parfois il en cueillait une qui passait la nuit avec lui), l'attendaient devant chez lui. Il sortait et les laissait  lui parler, le toucher (mais attention à ses cheveux quand même), l'embrasser. Il connaissait le prénom des plus assidues. La scène où il descend la rue au volant de sa voiture avec les fans qui l'accompagnent sur le trottoir est un magnifique plan séquence. Celle où il découvre comme un enfant que la star Sinatra chante sa chanson est particulièrement émouvante également. Et du coup, le film manque de ces moments plus forts et touchants.

    Evidemment qui d'autre que Jérémie Rénier pouvait incarner Claude François puisqu'il lui ressemble déjà tant naturellement ? L'acteur s'est appliqué pour les chorégraphies, s'est mis du rimmel sur les cils, de la laque dans les cheveux mais il apporte en plus une touche particulièrement sensible et émouvante. Quand il se montre odieux avec ses partenaires et qu'il vient implorer le pardon, il est irrésistible. Il a donc réussi à trouver et à maintenir l'équilibre ou le déséquilibre entre le personnage antipathique et l'homme qui se disait mal-aimé. Une belle performance impressionnante qui donne parfois l'impression que Cloclo lui-même est revenu d'outre-tombe pour tourner le film. Mais du coupnles acteurs autour sont relativement inexistants.

  • CHRONICLE de Josh Trank **(*)

    Chronicle : photo Dane DeHaan, Josh TrankChronicle : photo Alex Russell, Dane DeHaan, Josh Trank, Michael B. JordanChronicle : photo Dane DeHaan, Josh Trank

    Trois lycéens à la vie et aux personnalités très différentes voire opposées, Andrew, Matt et Steve découvrent  une étrange excavation au milieu d'un champ. Lorsqu'ils ressortent de cette tranchée ils deviennent inséparables et développent tous trois de super pouvoirs. Déplacer les objets par leur seule volonté, provoquer des événements, voler et être reliés l'un à l'autre téléphatiquement... Ils n'utilisent d'abord leurs nouvelles aptitudes que pour faire des blagues anodines de gamins : déplacer la voiture d'une femme sur un parking, faire voler des jouets dans un magasin. Jusqu'à ce qu'ils réalisent la puissance que leur offrent ces talents peu communs.

    C'est tout à fait fortuitement que je me suis retrouvée dans cette salle. Je me suis bêtement trompée d'horaire pour un autre film, et je ne le regrette pas tant cette petite pépite originale et bien foutue m'a surprise et enthousiasmée.

    Les trois loustics qui forment le trio sont trois garçons très différents. Andrew vit avec sa mère mourante et son père, chômeur, buveur et cogneur. C'est un garçon timide et complexé qui ne se déplace jamais sans sa caméra, essentiellement pour immortaliser les humiliations dont il est quotidiennement victime. Cela donne au film un ton particulier car en grande partie filmé en caméra subjective du point de vue d'Andrew. Steve est la star charismatique du lycée, uniquement préoccupée par son élection de conseiller de classe. Quant à Matt, le relou de service est un beau gosse qui se croit irrésistible et amoureux de la même fille qui le repousse depuis la 5ème. Finiront-ils ensemble ? Le suspens est insoutenable  et c'est la partie très très faible et inutile du film.

    C'est lorsqu'Andrew prend conscience réellement de ce que ces pouvoirs peuvent lui permettre de réaliser, comment il peut s'imposer et résister à son père qui le bat sans raison, comment il peut attirer l'attention de ses copains de lycée que le film prend toute sa dimension et devient réellement palpitant. Le réalisateur aurait dû se concentrer davantage sur la personnalité complexe et la métamorphose d'Andrew au lieu de perdre son temps et s'attarder sur l'inconsistant Matt. Nous n'étions alors pas loin d'assister à la naissance d'un nouveau film culte du genre de "Carrie au bal du diable" de Brian de Palma, auquel il fait régulièrement penser. Par ailleurs, et ce n'est pas la moindre des qualités du film, depuis Leonardo diCaprio (il y a 20 ans déjà) ou plus récemment Ezra Miller, je n'avais pas vu jeune acteur plus talentueux et prometteur que le jeune Dane DeHaan.

  • AU PAYS DU SANG ET DU MIEL de Angelina Jolie **

     Au Pays du Sang et du Miel : photoAu Pays du Sang et du Miel : photoAu Pays du Sang et du Miel : photo

    Ajla est peintre, bosniaque et musulmane, Danijel est policier et serbe. Ils s'aiment mais un soir où ils se retrouvent en boîte, une bombe explose. La folie guerrière s'empare des deux camps et le pays est ravagé. Rapidement Ajla est faite prisonnière et retenue avec d'autres femmes dans une espèce de caserne dirigée par Danijel devenu soldat. Le plus longtemps possible il va tenter de la protéger, de la faire évader. Leur relation devient presque contre nature tant les deux camps semblent irréconciliables et absolument équivoque tant chacun semble ne pouvoir ni trahir les siens ni renoncer à l'autre.

    Si on faisait un "blind test" lorsqu'on va voir des films (c'est-à-dire sans connaître le nom du réalisateur), il serait difficile d'imaginer que celui-ci a été réalisé par une femme (quoique...) et moins encore par Angelina Jolie. Je n'ai jamais mis en doute son engagement que je trouve sincère et courageux mais pas de là à faire un film de guerre aussi violent. Je le trouve bien plus fort, honnête et audacieux que la Bigelowterie qui avait autant enflammé hollywood que les cinéphiles (mais pas moi).

    Le point de vue d'une femme sur un conflit aussi stupide (si tant est qu'il n'y en ait d'intelligent !) me semble tout à fait inédit. Il ne s'agit en aucun cas d'une énième vision mâle gonflée à la testostérone mais en grande partie du traitement réservé aux femmes durant les guerres. C'est d'ailleurs après cette guerre, au début des années 90 que le viol a été reconnu comme un crime de guerre ! La réalisatrice n'y va pas par quatre chemins et affronte avec beaucoup de force les scènes de combats. Elles sont d'ailleurs une des grandes réussites du film. Les "rafles" où les habitants sont forcés par les soldats avec une violence incroyable de quitter leurs logements rappellent celles perpétrées contre les juifs pendant la seconde guerre mondiale. C'est lors de ces rafles que les femmes sont choisies arbitrairement pour servir de bonnes à tout faire et d'esclaves sexuelles aux soldats. Ce film montre des abominations dont on se doute mais qu'on a jamais vues dans aucun film. La première heure est à ce titre tout à fait saisissante voire parfois insoutenable. C'est dans les scènes d'action les plus violentes que la réalisatrice fait preuve d'une maîtrise époustouflante. Le calvaire vécu par les femmes, et bien que les viols ne soient pas systématiquement soulignés en images, devient oppressant. La pire scène jamais vues est sans doute celle où des femmes sont désignées pour accompagner les militaires en forêt. Elles ne connaissent évidemment pas leur destination et les spectateurs non plus. Il s'agit en fait pour elles de servir de bouclier humain lors d'une mission. Comment de telles monstruosités peuvent-elles germer dans un esprit ?

    Dans la seconde partie, Angie perd un peu le fil de son histoire et surtout la force de son propos en se concentrant sur la relation entre Ajla et Danijel qui est devenue un peu artificielle puisqu'il réussit à la maintenir prisonnière dans une pièce où elle vit sa captivité de façon relativement privilégiée au su et au vu de tous les autres militaires. La situation semble pour le moins irréaliste ! Cela donne lieu à des scènes de sexe (ratées) et à un lien qui nous échappe souvent entre la prisonnière et son bourreau. Ajla est-elle consentante ? Joue t'elle un double jeu ? Son instinct de survie lui dicte t'elle sa conduite ? Aime t'elle cet homme ? Il faut reconnaître qu'on y perd souvent son latin et qu'on ne la comprend pas toujours voire plus du tout.

    Cela dit, Angelina Jolie a l'intelligence et nous surprend une dernière fois lors de son épilogue audacieux et puissant qui a raison de tous les doutes et hésitations.

    Quant au titre, il trouve sa signification dans le terme balkan où se situe l'actIon. "Bal" signifie "miel" et "kan" signfie "sang" en turc. Dernières particularités, le film a été tourné dans la langue du pays et sans stars (même si Bradounet fait une apparition furtive... mais il faut être très attentif).

  • POSSESSIONS de Eric Guirado ***

    Possessions : photo Alexandra Lamy, Eric GuiradoPossessions : photo Eric Guirado, Julie DepardieuPossessions : photo Eric Guirado, Jérémie Renier

    Marilyne, Bruno et leur petite fille en ont ras le bol du Nord, de ses briques rouges et de sa grisaille. Ils quittent donc chti'land et leurs amis et s'en vont emménager en Savoie dans un chalet qu'ils ont loué. Arrivés sur les hauteurs, les travaux sont loin d'être terminés mais le propriétaire Patrick Castang les installe dans un autre logement vide beaucoup plus luxueux avec vue sur les pistes et les cîmes enneigées. Le couple est ravi mais Patrick est aussi promoteur et ne cessera de contraindre Marilyne et Bruno de déménager, parfois du jour au lendemain pour louer les logements qu'ils occupent. Au départ, ils seront recasés dans un hôtel haut de gamme mais leur comportement les en fera chasser. Peu à peu Marilyne qui est également employée comme femme de ménage chez les Castang va développer à leur égard des sentiments d'envie, de jalousie qui vont se transformer en haine. Véritable pousse au crime vis-à-vis de Bruno qu'elle trouve trop accomodant avec leurs propriétaires qui selon elle ne cessent de les humilier, elle va réussir à le contraindre au pire.

    Sans vouloir casser l'ambiance et spoiler éhontément (ce qui n'est pas le genre de la maison), ce film est l'adaptation de la sordide, lamentable et tragique "Affaire Flactif" dont les membres de la famille (2 enfants et les parents) furent assassinés au début des années 2000 par un type rendu fou de jalousie. Il ne trouva pas d'autre solution pour mettre fin à la convoitise qui le rongeait que d'écarter le problème en éliminant toute la famille. C'est dire la finesse et l'intelligence du bonhomme ! Les noms ont été soigneusement changés mais c'est bien de cette affaire dont il s'agit. Connaissant la fin sans issue pour les Castang, le réalisateur réussit néanmoins l'exploit d'instaurer un suspens et de faire monter la pression avec suffisamment d'efficacité pour maintenir l'intérêt de bout en bout.

    Evidemment une fois de plus les beaufs sans cerveau sont du nord, mais dans la vraie vie aussi ils étaient du coin. Plus précisément du Pas-de-Calais, ce qui en fait n'a rien à voir mais allez faire comprendre ça à un parigot tête de veau. "Ouais ben c'est pareil" qu'ils disent. "Non" que je réponds. C'est comme si on disait qu'un vosgien c'est pareil qu'un mosellan. Pffff. Ou qu'un mec de Côte d'Or c'est kifkif bourricaud qu'un gus de Saône et Loire ! Rien à voir. Bref passons. Les tarés au cinéma c'est dans le Nord/Pas-de-Calais qu'on les trouve. Et j'en profite pour rappeler aux mal embouchés qui s'énerveraient que je suis née , que j'y ai passé 15 ans et que parfois encore ça me manque, qu'ensuite j'ai vécu pendant 18 ans et qu'ensuite j'ai trahi la cause, plusieurs fois mais, dans mon exil j'ai aimé et j'aime toujours ce film-là. Tout cela étant dit -et bien dit-, revenons-en à nos beaufs qui trouvent injustes que des gens aient de l'argent et pas eux. Ce film évoque admirablement l'écart de plus en plus profond entre la France d'en bas qui galère et magouille un peu (travail au black, revente de matériel ou de pièces de voitures) pour arrondir les fins de mois et qui observe avec convoitise la France d'un peu plus haut, un peu parvenue, qui possède et traficotte pour posséder encore un peu plus. La rencontre des deux mondes, le mépris condescendant mais inconscient des favorisés face aux complexes et au sentiment d'injustice des seconds vont faire des étincelles.

    Remercions le réalisateur de n'avoir pas sombré dans le gore en insistant lourdement sur les quatre meurtres car même si la scène est écoeurante, elle n'est pas insoutenable. Mais ce qui brille surtout ici ce sont les acteurs. Il est évident que petit à petit avec sa grâce et son naturel Alexandra Lamy va conquérir le coeur de tous les réalisateurs et des spectateurs. En bourgeoise parvenue qui tente de se montrer généreuse et altruiste elle est parfaite. Jérémie Rénier, gras du bide, accent deuch'nord et cerveau au vestiaire, est abruti de monstruosité. Et enfin, un réalisateur a l'audace et l'intelligence de ne plus faire de Julie Depardieu une victime voûtée et un peu niaise. Elle prouve ici avec ce rôle de composition, mégère hargneuse déjà aigrie et pleine de colère qu'elle est une superbe actrice.

  • MARTHA MARCY MAY MARLENE de Sean Durkin **

    Martha Marcy May Marlene : photo John Hawkes, Sean DurkinMartha Marcy May Marlene : photo Elizabeth Olsen, John Hawkes, Sean DurkinMartha Marcy May Marlene : photo Sean Durkin

    Martha s'échappe d'une ferme où elle vivait depuis deux ans dans une communauté aux gentilles allures hippies. Au premier abord tout le monde semble effectivement "heureux" et consentant à l'intérieur de cette ferme autogérée où tous les membres participent en alternance à tous les travaux. Il s'agit en fait d'une secte dont le leader Patrick, calme, tendre et charismatique asservit tous les locataires. Martha réussit à joindre sa soeur Lucy qui la recueille sans hésiter. La jeune femme fait des efforts considérables pour tenter de se réinsérer et se rétablir moralement mais ce qu'elle a vécu la hante et la perturbe de plus en plus.

    Par bribes nous découvrirons la face cachée de ce Patrick et la façon dont il anéantit la personnalité des jeunes filles forcément fragiles qu'il accueille. Un repas par jour, l'obligation de passer par son lit, cette ordure leur écrit des chansons, leur assure que chacune est sa préférée et leur assène un discours sur l'amour et la tolérance à gerber. Il leur affirme que leur prénom ne leur convient pas. C'est ainsi que Martha devient Marcy May puis Marlène selon le bon vouloir de Patrick. Il les rend dépendantes au point qu'elles ne peuvent plus rien décider seules. Elles sont littéralement parquées la nuit dans une seule et même pièce ou elles partagent les matelas déposés à même le sol. Parfois les rares garçons de la secte viennent les rejoindre et Patrick assiste à leurs ébats. Ambiance.

    Martha ne parvient pas à révéler à sa soeur ce qu'elle a vécu et s'enferme progressivement dans une paranoïa où elle ne distingue plus la réalité de ses cauchemars. Malgré sa bonne volonté, la soeur finit par ne plus pouvoir "gérer" Martha qui devient imprévisible, parfois agressive et incapable d'agir sans demander la permission. Le beau visage d'Elizabeth Olsen est un livre ouvert sur lequel passe toutes les émotions et sensations qu'un être humain peut ressentir jusqu'à la régression. De la confiance d'abord, au doute jusqu'à la terreur.

    PS. : vous savez que je ne suis pas moqueuse pour deux sous mais par contre je suis très généreuse et c'est ainsi que je tiens absolument à vous faire partager un avis sur ce film qui me semble éclaircir bien des zones d'ombre. Si vous ne comprenez pas, hélas je n'ai pas la traduction. Mais vous pouvez trouver l'article entier ICI. Un régal.

    "Petite coquetterie formelle d'autant plus fumeuse qu'elle est peureuse, "Martha Marcy May Marlene" semble finalement engoncé comme son couple dans un certain american way of filmmaking, maniérisme sundancien relevé à la sauce psychologisante."
    Alors vous en dites quoi ? ça en jette non ?