AMERICANO de Mathieu Demy **
Si j'ai réussi à parler d'"Or noir" sans même prononcer "Lawrence d'Arabie", parler du premier film de Mathieu Demy sans évoquer Jacques et Agnès me paraît de l'ordre de la mission impossible. Voilà donc, c'est fait. Mathieu est le fils de Jacques et Agnès. Bon sang ne saurait mentir mais il faut néanmoins un sacré toupet, une sacrée dose d'inconscience ou un sacré talent pour dépasser un aussi lourd patrimoine. Mathieu réussit donc un film personnel et assez stylé qui ne ressemble ni au cinéma de maman ni à celui de papa mais qui en est pourtant totalement imprégné. En effet, dans les premières minutes, Mathieu qui s'appelle Martin tue sa mère... enfin, disons que Martin, alors qu'il est au lit avec sa femme Claire à Paris, reçoit un appel de Californie qui lui annonce la mort de maman. Tuer Agnès Varda, quel garnement ce Mathieu ! Le film sera donc parcouru d'extraits du film d'Agnès Varda dans lequel Mathieu jouait le rôle d'un enfant appelé Martin : "Documenteur".
Martin se rend à Los Angelès pour rapatrier le corps de la défunte et vendre l'appartement dans lequel il avait vécu enfant avec sa mère avant de rentrer vivre avec son père (Jean-Pierre Mocky : FORMIDABLE !) en France. Il en veut à sa mère à qui il reproche de ne jamais s'être intéressée à lui. Sauf qu'à son arrivée dans l'appartement il retrouve tous les souvenirs qui le bouleversent et notamment une photo où il était avec sa mère et une petite Lola. Il part à la recherche de cette Lola (cf. "Lola", le premier film de papa) à Tijuana, ville mexicaine pleine de dangers où l'étranger n'est pas le bienvenu. Il la retrouve dans un bar où des filles s'effeuillent devant des clients libidineux qu'elles rejoignent ensuite dans des chambres cachées par un rideau derrière le comptoir. Lola est une pute au coeur d'artichaut qui économise pour une vie meilleure.
La réalisation et les images sont soignées. Dès son arrivée à Tijuana, Martin se fait voler sa voiture qui contenait son passeport, son argent et toutes ses affaires. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire il se transforme en loser errant et hagard et le regard perdu et indolent de Mathieu Demy l'acteur, convient à merveille au personnage qui semble revenu de tout. Et Salma Hayek en Lola vaincue par la vie, porte au visage une éloquente balafre qui prouve qu'elle a dû morfler. J'ai aimé l'atmosphère poisseuse et inquiétante sous le soleil accablant du Mexique. Mais Mathieu peine un peu à tenir la distance et se prend un peu les pieds dans le tapis notamment en ratant complètement la relation de Martin et Claire restée à Paris, dénuée du moindre intérêt, et en répétant 3 ou 4 fois la même scène (oui Salma Hayek a un corps superbe) dans le club "Americano". Avec un quart d'heure de moins et en resserrant davantage son intrige autour de la recherche des traces de l'enfance, le film aurait gagné en cohérence et en intérêt.
A suivre.