Je veux voir de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige
C’est pour éviter une crise matrimoniale majeure que je me sens contrainte de vous parler de ce film. Je vous explique.
Moi : « non, je ne vais pas faire de note. Je ne vais pas pouvoir parler de ce film on the road ! »
Lui : « mais c’est scandaleux, sous prétexte que t’as pas aimé et qu’il y a TA Catherine tu vas faire comme si tu ne l’avais pas vu. C’est une honte, je te dénoncerai au Comité d’Ethique pas toc des blogs… et patali et patalère ! »
Donc voilà, comme « ma » Catherine qui voulait voir le Liban, j’ai vu ce film que je voulais voir depuis le mois de mai et comme elle, je ne suis pas sûre d’avoir compris. Autant dire même que je suis totalement passée à côté. Catherine Deneuve (la vraie) retrouve donc à Beyrouth un acteur star là-bas, Rabih Mroué (très beau, très bien) qui va lui servir de guide et lui montrer les ravages de la guerre du Liban (celle de 2006). Comme Catherine (qui parfois s’endort) on regarde, on découvre des champs de ruines qui succèdent aux paysages sublimes ce qui tendrait à prouver que ce sont bien les habitations et donc les civiles qui étaient visés. On ne doute pas un instant que toutes les images parfois « floutées » de prairies, de ferraille suivies parfois d’un écran noir (reposant) contiennent une foultitude de métaphores ! Mais à force de trop faire confiance à l’intelligence du spectateur, ne risque t’on pas de le perdre en route ? Ce fut mon cas.
A aucun moment je n’ai cru à une quelconque improvisation, même si Catherine (comme nous) sursaute et s’effraie très sincèrement lorsqu’éclate un bruit assourdissant près de l’endroit où elle se trouve. On est bien sûr scandalisé d’apprendre qu’il s’agit en fait d’avions israëliens qui franchissent le mur du son à basse altitude pour impressionner et alarmer la population. L’imagination guerrière est sans limite. Mais comme il s’agit de guerre et d’un peuple anéanti qui tente encore de se relever, on ose à peine s’indigner que la mer serve de poubelle. Lorsque la caméra s’attarde sur des personnages immobiles au regard fixe, on se demande franchement s’ils sont hébêtés par l’ampleur des dégâts ou parce qu’ils voient devant eux une équipe de cinéma et une star. Evidemment, l'insistance de Catherine à mettre sa ceinture, à vouloir que Rabih mette la sienne est à la fois drôle et émouvant... car même si le port de la ceinture est obligatoire au Liban les priorités ont changé quand on a survécu au pire.
Mais ce qui dérange le plus (hélas) n’est pas tant ce qui est montré que la façon dont ça l’est. Il semblerait que la caméra soit fixée sur un cheval lancé au galop. C’est tout simplement insupportable. Même lorsque la caméra est très vivement bousculée, agitée par des gens (on ne sait qui) qui veulent empêcher de tourner, elle continue de filmer. Et on se retrouve dans un tour de grand huit qu’on n’a pas souhaité. A un moment, à la frontière israëlienne (scène absconse) il est fortement question d’un trépied et là, je me suis surprise à penser « ils vont enfin poser leur fichue caméra !!! ». Que nenni. Le trépied reste au placard.
Ce film (expérimental) est donc bel et bien vertigineux mais hélas pas pour les bonnes raisons.
La scène finale où Catherine Deneuve se rend à une soirée de l’ambassadeur (un type puant l’ennui et l’obséquiosité… drôle donc !) on réalise (sincèrement) que c’est pas tous les jours la fête d’être star. Et lorsque le regard de Catherine qui semble supplier « sortez-moi de là, faites taire ce type ! » croise celui de Rabih qui semble répondre « bouge pas j’arrive ! », on imagine le beau film de fiction et d’amour qu’on aurait pu avoir !!! Le plus bel échange de regards du cinéma depuis longtemps...
P.S. : Il n’y a rien qui ressemble plus à un amas de ruines qu’un autre amas de ruines. Je veux dire qu’on pourrait être ici ou ailleurs, au Liban comme en Afghanistan. Pour moi LE film qui évoque le mieux la (ou les) guerre(s) du Liban, sa monstruosité, son absurdité, ses conséquences sur ses habitants et la vie qui essaie de continuer envers et contre tout, c’est « Falafel » de Michel Kammoun.