Le 24 décembre 2004 la famille Benett (papa, maman et les trois garçons, environ 13, 8 et 5 ans) est en route pour des vacances au paradis. En Thaïlande pour être précise. Dans l'avion qui les mène au bout du monde, les préoccupations sont diverses : monsieur s'angoisse, il n'a pas branché l'alarme de la maison. Il est sûr que non. Madame est sûre que si, il l'a fait. Elle est complètement décontractée du gland vis-à-vis de ce problème et du coup, Naomi Watts met sa tête sur le côté en faisant un sourire niaiseux qui semble dire : "ah nan mais j'vous jure, celui-là, quel numéro complémentaire j'ai tiré le jour où !" Par contre, question aérodromphobie, elle est au taquet ! ça, c'est pour bien nous expliquer que nous, pauvres mortels avons des inquiétudes bien crétines alors que dans pas bien longtemps on pourrait mourir dans d'atroces souffrances, et sans assurance ! Car personne ne l'ignore, la famille Benett est en route pour l'enfer puisque le 26 décembre, va s'abattre direct sur ses pieds, le pire tsunami de tous les temps. Et ce film est l'histoire vraie de la famille Benett qui porte un autre nom IRL mais on s'en cogne.
Les deux premiers jours sont vécus comme dans un rêve. Tout est idéal, l'hôtel, la plage, la météo et la soirée de Noël est à gerber un modèle de perfection avec lâcher de photophores qui s'envolent dans le ciel étoilé. Le 26, madame est à la plage avec l'aîné, monsieur à la piscine avec les deux tiots. Faut qu'on m'explique comment on fait pour se baigner dans une piscine alors que l'Océan Indien est à deux pas ? Et puis non, je préfère ne pas savoir ! Il y a le début d'une amorce de petite tension entre monsieur et madame. Il pourrait perdre son emploi. Elle évoque l'idée de reprendre le boulot (elle est médecin), elle s'est assez sacrifiée occupée des moutards, merde. Ewan l'envoie péter et retourne jouer au ballon. Là, Naomie Watts penche sa tête sur le côté et fait un rictus d'agacement.
Et soudain slurps, splatch, la vague ! L'horreur. La famille va se trouver séparée en deux groupes, maman et le grand d'un côté, papa et les deux petits de l'autre. Là, il est vrai qu'on peut s'accrocher aux bras du fauteuil car il ne s'agit pas de montrer une vague mastoc qui engloutit tout mais de démontrer que le moindre objet sous l'eau devient une menace, un danger mortel. Le réalisateur prend donc un malin plaisir à malmener Naomie, qui n'a même plus le temps de faire des mines mais simplement de crier mieux que Dakota Fanning chez Spielberg ! Il la propulse, la projette, la secoue, la heurte... Elle se cogne, se déchire, se coupe... Et au cas où on aurait pas tout bien compris, vers la fin... flash-back, Bayona ce sadique, nous en remet une couche pour nous expliquer comment exactement Naomie a eu la jambe à moitié arrachée, l'abdomen perforé, le dos tailladé ! Pour ceux qui rêvaient de voir Naomie morfler, Bayona l'a fait.
Pour les autres, munissez-vous d'une tonne de kleenex. Car vous allez pleurer. En ce qui me concerne c'était de rire. Mais je n'ai pas de coeur, ça aide. Chaque scène est une aberration et enfonce un peu plus davantage le film dans un pathos écoeurant, accentué par une musique omniprésente à haute teneur glycémique. Jamais encore il m'a été donné d'entendre autant de violons simultanément. Tant de lourdeur frôle l'éléphantisme et j'avais presque honte de découvrir effarée jusqu'où le réalisateur pourrait aller pour tenter de nous manipuler les lacrymales. La scène où le fils aîné séparé de son père se croisent et se recroisent dans un hôpital sans se voir est un modèle de bêtise. Et les scènes idiotes au pathos gluant abondent. Ewan se retrouve à un moment avec quelques rescapés bien choqués. Chacun évoque comment il a vécu l'arrivée de la vague. Ewan dit qu'il aimerait téléphoner à sa famille. Un brave gars qui cherche sa femme et son bébé lui dit d'un air mou : "j'ai presque plus de batterie mais allez-y, téléphonez". Ewan gâche le forfait à pleurer comme un veau et finit par raccrocher. Il rend le téléphone à son proprio et tout le monde pleure autour de lui. C'était émouvant j'imagine. Puis, un type dit "il faut que vous rappeliez". Et là, gros plan sur chaque visage : "oui il faut que vous rappeliez" qu'ils se mettent à geindre tous en choeur... et l'autre tend son téléphone et dit "ziva, appelle". Et là, les bras m'en tombent. Evidemment, je suis d'accord, c'est Ewan McGregor et moi non plus je n'aime pas voir Ewan McGregor tout malheureux, mais pourquoi aurait-il la priorité sur les autres exactement dans la même situation ? Autre exemple, la mère est à l'hôpital, mal en point, très très mal en point. Naomie n'a même plus la force de pencher la tête sur le côté. Son fils l'a sauvée mais à l'hôpital y'a un putain de manque d'étiquettes qui fait que l'organisation c'est pas ça qu'est ça. Le gamin en a bavé des ronds de chapeau pour la ramener en vie et il ne veut plus la quitter des yeux. Et bien elle lui dit : "ya du taf ici, va donc te rendre utile !" J'appelle ça de la cruauté mentale. Sans compter, qu'avec sa jambe arrachée et tout le reste en lambeaux, elle a quand même tenu à sauver un enfant... Et j'en passe et des gentillesses sirupeuses à vous flanquer la nausée.
Bien sûr j'imagine qu'il y a dans ce genre de situations extrêmes, inimaginables, des actions inouïes, des actes héroïques, des hommes et des femmes qui se dépassent... Mais pourquoi fallait-il que toute l'humanité et la générosité soient rassemblées dans une seule et même famille ?
Le final est un modèle d'imbecillité, de crétinerie et même s'il est une insulte manifeste au malheur qui s'est abattu sur cette région, à la mémoire des survivants d'un tel cauchemar comme à celle de tous les morts, je n'ai vraiment pas pu m'empêcher de rire... tant la publicité pour une compagnie d'assurance suisse tombe ici parfaitement incongrue et déplacée. Pour aller dans une région à risques mieux vaut donc se munir d'une bonne police nous dit Bayona. Et le regard embué (tête sur le côté) de Naomie dans l'avion du retour qui jette un dernier coup d'oeil à l'île dévastée semble dire : "elles sont ratées mes vacances, mais le soleil est de retour, je reviendrai".
Vous allez me dire pourquoi * ? Et bien pourquoi pas ? Mais surtout, il y a dans ce film un petit bonhomme, ado débutant qui porte le film sur ses étroites mais solides épaules. Et il est incroyable. C'est Jamie Bell réincarné. A aucun moment il ne cabotine. Il est étonnant de justesse, jamais larmoyant. Il dégage une force et une intensité rares. Une révélation.