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Cinéma - Page 193

  • ELLE S'APPELLE RUBY de Jonathan Dayton et Valérie Faris ***

     Elle s'appelle Ruby : photo Zoe KazanElle s'appelle Ruby : photo Paul Dano, Zoe KazanElle s'appelle Ruby : photo Paul Dano, Zoe Kazan

    Calvin est un tout jeune auteur désigné comme génie dès la sortie de son premier roman. Ce n'est donc rien de dire qu'il est attendu au tournant et par conséquent paralysé devant sa feuille blanche à l'idée d'écrire son deuxième ouvrage. Par ailleurs, Calvin est du genre introverti et reste sur l'échec d'une relation sentimentale décevante qui a tourné au vinaigre. Il ne lui reste que son chien Scott dont il a honte car il fait pipi comme une femelle. Pour l'inciter à trouver un sujet, son psychiatre lui demande d'écrire une page à propos d'une fille qui engagerait la conversation grâce au chien... Pourquoi pas ? Et Calvin se met à rêver chaque nuit d'une fille très jolie, très rousse. Pas très cultivée (elle ne connaît pas F; Scott Fitzgerald) mais douée en dessin. Elle est vive, gaie, Calvin la baptise Ruby et l'inspiration ressurgit. Et puis un matin, Ruby est là dans la cuisine, identique à celle du roman et du rêve. Calvin ressent la trouille de sa vie, croit être devenu fou mais doit rapidement se rendre à l'évidence, Ruby est belle et bien réelle.

    Quel bonheur ! Comme Woody Allen avait permis à Mia Farrow/Cecilia de rejoindre à travers l'écran les personnages de son film culte, les réalisateurs et leur scénariste (Zoé Kazan également interprète de Ruby) rendent réelle une créature tout droit issue de l'imagination d'un écrivain. Et cela donne un film d'amour délicieux, jubilatoire, une comédie sentimentale à des années-lumière des rom-coms traditionnelles, comme il en arrive une par décennie. Calvin et Ruby s'aiment et leur bonheur est communicatif, transcendé par le fait que Paul Dano (grande asperge "allénienne", névrosée, mal dans sa peau mais amoureux transi) et Zoé Kazan (petite fille d'Elia Kazan..., actrice, scénariste, parfaite) forment aussi un couple tout ce qu'il y a de plus charmant à la ville. L'alchimie entre les deux jeunes gens fait réellement frissonner. Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes. Calvin abandonne son roman pour se consacrer tout entier à cet amour idéal, mais le jour où sa "créature" manifeste des velléités d'indépendance, apparaît la sinistre jalousie. Il ressort sa prose du tiroir et édicte ligne par ligne le comportement de Ruby en fonction de ses souhaits. Et la comédie vire au drame.

    Dans une scène d'une cruauté folle, Calvin révèle à Ruby prête à le quitter qu'il peut lui faire faire exactement ce qu'il veut. Mais Ruby doute de ce "pouvoir", alors Calvin le lui prouve. Et ça fait mal, très mal car il pousse la démonstration jusqu'à l'humiliation. Ruby n'est plus qu'un pantin désarticulé, un objet sans volonté et tout le monde est malheureux.

    Rarement les relations entre un écrivain et son "sujet", son personnage n'ont été décrites avec à la fois autant de simplicité et de légèreté. Intelligent, lumineux et douloureux, ce film est porté par deux acteurs adorables qui rivalisent de fantaisie et de profondeur. C'est un coup de coeur, un coup au coeur... Même si, une fois de plus, il a fallu deux fins aux réalisateurs pour conclure. Mais je les comprends, ils ne pouvaient pas nous laisser aussi malheureux !

  • DO NOT DISTURB de Yvan Attal *

    Do Not Disturb : photo François Cluzet, Yvan AttalDo Not Disturb : photo François Cluzet, Laetitia Casta, Yvan AttalDo Not Disturb : photo François Cluzet, Yvan Attal

    Ben s'active conscieusement et docilement sur sa femme Anna (Laetitia Casta, magnifique) en pleine ovulation pour tenter de lui faire le bébé tant désiré. Surtout par elle évidemment. Avant l'explosion finale et fertilisante quelqu'un sonne à la porte avec beaucoup d'insistance. Il est 2 heures du matin, Ben ouvre et tombe, ou plutôt saute dans les bras de Jeff (Jean-François, mais Jeff ça le fait !) son meilleur ami à la vie à la mort parti depuis plusieurs années barouder à travers le vaste monde. Anna a vite fait de voir à quel branleur elle a affaire mais ne peut lui refuser l'hospitalité, pour une nuit, ou deux. Jeff est typiquement le genre de gars qu'on a JAMAIS envie de voir débarquer chez soi.

    Dès le lendemain, Ben se retrouve plongé dans l'insouciance de sa folle jeunesse et lors d'une soirée très arrosée chez des bobos, branchouilles, germanopratins qui se prétendent artistes (le mot est pour moi aussi vague et abstrait que "poésie") le Festival "Humpday" est évoqué. Il s'agit d'un festival annuel sis à Seattle où des amateurs sont invités à tourner un film porno. A l'issue du festival, tous les films sont détruits. C'est une démarche artistique. En souvenir de leurs études aux Beaux-Arts où ils n'ont pas réalisé d'oeuvre commune, Ben et Jeff décident de tourner un porno ensemble. Pour l'art. Deux amis hétéros qui s'aiment d'amitié virile vont donc coucher ensemble devant une caméra. C'est de l'art je vous dis ! Rendez-vous est pris pour le lendemain dans une chambre très bandante du Sofitel de la Porte de Champerret mais tout n'est pas aussi simple.

    Alors pourquoi ce film ? En gros pour rien, et ne vous attendez pas à une réflexion sur les homos, les hétéros, les doutes et le porno. Non, ce qui fonctionne ici c'est l'aspect comédie très réussi même si pas franchement light à tous les rayons. Le thème laisse de toute façon supposer que l'acteur réalisateur et ses acolytes ne vont pas faire dans la dentelle. C'est le cas. Mais j'ai ri. Beaucoup. Parce que les dialogues aux petits oignons et les situations permettent à Yvan Attal et François Cluzet, très à l'aise en slip kangourou, de jouer les crétins des Alpes (pardon aux alpinistes). Parce que malgré l'agacement provoqué par les scènes branchouilles chez les parigots nuitards, cela donne à Charlotte Gainsbourg l'occasion de faire un grand numéro de lesbienne maternante très ouverte d'esprit. Parce que le quasi caméo de Joey Starr en Alain Delon démontre une nouvelle fois quelle bête de scène et quel acteur il est.

    Et puis, François Cluzet et Yvan Attal coincés dans leur chambre d'hôtel, gênés, embarrasés et surpris par des problèmes mécaniques... eh oui, on n'a pas forcément très envie de coucher avec son meilleur ami, qui se sentent obligés de répéter qu'ils sont hétéros mais finissent par en douter, c'est drôle.

    Mais bon, Yvan Attal ne boucle pas son sujet. Disons qu'il ne va pas au fond des choses. Et son film, sitôt vu, sitôt oublié !

  • SAVAGES de Oliver Stone *

    Savages : photo Aaron Taylor-Johnson, Taylor Kitsch

    Savages : photo Benicio Del Toro

    Savages : photo John Travolta

    Ben et Chon sont amis depuis toujours. A la fin de ses études de botanistes, Ben s'est consacré à la culture du cannabis (le meilleur de Californie, Yo !) et Chon l'a rejoint après être allé casser du taliban et de l'irakien en Afghanistan et en Irak. Les deux dealers sont à la tête d'une petite entreprise très lucrative et se donnent bonne conscience en prétendant que leur business est thérapeutique. La preuve, ils sont "couverts" par un agent des stups dont la femme en phase terminale de cancer utilise leur super ganja. Une pauvre petite poupée riche et blonde qui dit oui à tout et répond au doux nom de O (comme Ophélie, la meuf bi-polaire d'Hamlet), vit avec les deux garçons. Ils sont les deux parties d'un grand tout, complémentaires et nécessaires à son bonheur. D'un côté son Bouddha, Ben le non violent avec un bandeau dans sa tignasse bouclée et de l'autre son Ninja, Chon le guerrier  avec des tatouages plein partout et le brushing ras ! Les trois chérubins s'aiment d'amour et fument des oinj entre deux parties de jambes en l'air. Chon baise et Ben fait l'amour... à l'écran on pige pas immédiatement la différence !

    Mais Patatra, la vilaine Elena, à la tête du Cartel mexicain de Baja s'intéresse au business juteux des deux lascars et leur fait une offre qu'ils ne peuvent pas refuser.

    Sauf qu'ils refusent.

    Courroux de l'Elena qui fait enlever O, la prunelle des deux minots et l'enferme sous l'oeil torve du bien barré Lado, expert en tortures, viols et autres joyeusetés. C'est dire si la pauvre O, complètement accro à la fumette et au luxe va être en manque de toute une série de choses ! Mais ses deux chéris vont rassembler leur savoir-faire et mettre tout ce qu'ils ont de cerveau disponible pour venir lui porter secours. C'est la guerre, du style "ils sont 100, nous sommes deux !!! Encerclons-les !"

    Je ne vous fais pas un crobard. Pendant deux heures c'est sexe un peu, drogue beaucoup, violence à la folie et peu de rock'n'roll et on se fout à peu près de tout ce qui se passe à l'écran, tant c'est couillon. Mais néanmoins, pas une seconde d'ennui dans ce machin survolté qui se la pète, grave ! Avec une pincée de Tueurs Nés et une autre de Platoon, Papy Stone démontre qu'il est encore et toujours un bon "faiseur" qui ne lésine pas sur les moyens pour faire flamber l'écran. Son casting trois étoiles fait le reste, même si Taylor Kitsch peut dès lors et sans rougir entrer dans le club Butler/Worthington/Statham ! Chacun vient cachetonner et faire son grand numéro de cabot qui essaie de garder la couette pour lui tout seul. Le trio Salma Hayek, Benicio Del Toro, John Travolta s'en donne à coeur joie dans des rôles de tarés XXL et c'est un régal.

    Sinon, ben sinon rien ! Et Oliver Stone se paie le luxe de rater complètement sa deuxième fin. Oui encore un film à plusieurs fins, c'est pas moi qui les invente !!! La première avait pas mal de gueule alors que la seconde, sirupeuse à souhait tend à prouver que les réalisateurs, avec l'âge deviennent vraiment trop sentimentaux.

  • CAMILLE REDOUBLE de Noémie Lvosky ***

    Camille Redouble : photo India Hair, Judith Chemla, Julia Faure, Noémie LvovskyCamille Redouble : photo Michel Vuillermoz, Noémie Lvovsky, Yolande Moreau

    En ce soir de réveillon, Camille a bu plus que de raison. Plus que d'habitude encore. Depuis la mort de sa maman, il y a 25 ans, Camille a tendance à chatouiller la dive bouteille mais cette fois, Camille est triste, malheureuse, désespérée et a mis les bouchées doubles. Eric, l'amour de sa vie la quitte pour une fille plus jeune. Assommée d'alcool, Camille s'endort et se réveille 25 ans plus tôt à l'hôpital en semi coma éthylique. Ses parents, honteux mais vivants, viennent la chercher et la ramènent à la maison. Après un temps d'adaptation Camille est bien obligée de se rendre à l'évidence. Elle a fait un retour dans le passé et doit retourner à l'école. Elle a 16 ans, retrouve ses amies d'enfance, n'a pas encore rencontré celui qui allait devenir son mari, mais aussi elle profite des dernières journées avant la mort de sa maman.

    Camille redevient ado avec sa conscience et son vécu d'adulte. C'est prodigieux. Va t'elle pouvoir "empêcher" sa maman de mourir, même si elle n'oublie pas cette fois d'enregistrer sa douce voix sur une cassette ? Va t'elle réussir à ne pas succomber à Eric pour s'éviter de souffrir 25 ans plus tard ? Mais si elle n'épouse pas Eric, sa fille ne pourra pas naître, que faire ? Pourrait-on modifier le court du temps et des événements ? Noémie Lvosky empoigne son sujet et ne le lâche pas. Elle répond à toutes les questions sans les esquiver, sans se dérober sous des artifices et sans nous jouer l'entourloupe qu'on pouvait craindre du rêve et nous asséner à la fin un décevant "ça n'a pas existé". Elle laisse même des traces de son re-passage sur terre et à ce titre, sa rencontre avec son professeur interprété par Denis Podalydès charmant et embarrassé, offre des moments particulièrement surréalistes et émouvants.

    Le film est drôle et touchant. Tout est fin, intelligent et la réalisatrice réussit la prouesse de dépeindre une jeunesse adolescente loin des clichés habituels et pourtant parfaitement réaliste et crédible. Il faut bien une actrice folle et audacieuse comme Noémie Lvosky pour choisir et risquer d'interpréter elle-même à plus de 40 ans le rôle de Camille qui en a 16. Et le pari fonctionne magnifiquement. Dans ses habits trop petits, trop fluos, ses jupes courtes et ses pataugas, son total look vintage eighty, elle n'est jamais ridicule. Elle se fond dans la masse des ados. Il faut dire aussi qu'elle s'est entourée d'un trio d'actrices Judith Chemla, India Hair, Julia Faure époustouflant, preuve qu'il est possible de trouver des actrices jeunes et très jeunes qu'on n'a pas envie d'écharper dès qu'elles apparaissent. Loin s'en faut en ce qui les concerne. Avec trois personnalités bien affirmées et totalement différentes voire opposées, elles ont chacune quelques moments de bravoure impressionnants. Mention spéciale à Julia Faure lorsqu'elle annonce à ses amies qu'elle va devenir aveugle. Retenez votre souffle, elle est étonnante, bouleversante. Il aurait été par contre plus judicieux de confier le rôle d'Eric jeune à un autre acteur car Samir Guesmi, très bien en adulte, peine un peu à jouer l'ado. Cela n'enlève rien à la justesse du film qui relate une période de la vie que tout le monde traverse forcément et où chacun pourra s'y retrouver un peu, beaucoup... et surtout imaginer de pouvoir se blottir à nouveau dans les bras de ses parents !

    Noémie Lvosky aussi bonne actrice que réalisatrice joue sur la corde sensible une partition très émouvante surtout lorsqu'il s'agit d'évoquer sa maman (Yolande Moreau, magnifique et douce !) qu'elle voudrait empêcher de mourir. Tentez de retenir vos larmes lorsqu'elle chante la Petite Cantate tiens... Mais c'est aussi follement romantique, très très drôle, fantastique, plein de nostalgie. Une vraie douceur dans un monde de barbares.

  • VOUS N'AVEZ ENCORE RIEN VU de Alain Resnais ***

    Vous n'avez encore rien vu : photo Alain ResnaisVous n'avez encore rien vu : photoVous n'avez encore rien vu : photo Alain Resnais

    Antoine d'Anthac, metteur en scène célèbre de théâtre vient de mourir. Son "majordome" annonce  la triste nouvelle par téléphone aux comédiens qui ont été ses amis. Antoine souhaite les rassembler dans son immense demeure/chateau afin que son testament leur soit révélé. En fait, il leur propose au travers d'une vidéo de visionner la captation d'une pièce jouée par une jeune troupe de théâtre "La compagnie de la Colombe". Il leur demande également de juger si cette pièce peut être adaptée par ces jeunes gens. Il s'agit en fait du montage de deux pièces de Anouilh en une : Eurydice et Cher Antoine ou l'amour raté. Tous les acteurs présents ont un jour ou l'autre interprété un rôle dans ces pièces. Ils commencent par regarder attentivement l'écran puis peu à peu se laissent prendre au "jeu", se souviennent de leur texte et se remettent à interpréter, ou se mettent à ré-interpréter leurs rôles de l'époque. Simultanément ou à tour de rôle.

    Et Alain Resnais n'en finit plus d'inventer ou de réinventer le cinéma. Un cinéma unique, insensé, original que personne n'a osé, auquel personne n'a pensé. En tout cas que personne n'a tenté. Et c'est tant mieux, pour nous. Car que voit-on à l'écran ? Pas uniquement une réalisation fluide et magistrale qui alterne cinéma et théâtre dans des décors somptueux qui s'adaptent, se transforment en fonction de la progression de l'intrigue. Mais aussi trois générations d'acteurs qui profèrent le même texte, les mêmes répliques selon leur propre vision ou interprétation des personnages. Et cela donne des variations saisissantes en fonction des personnalités des comédiens.

    Une seule réserve... non, deux, m'empêchent d'octroyer les **** que ce film a frôlées. D'abord, la longueur ! La pièce est sans doute présentée dans son intégralité et le troisième acte, souvent hystérique, offre à Sabine Azéma et Anne Consigny (grande pleureuse devant l'Eternel) l'occasion de se vautrer avec beaucoup d'abandon et de délices dans une agitation lacrymale qui finit par devenir horripilante. Il faut dire qu'Eurydice n'est pas une fille simple, en plus d'être bi-polaire. Quelle emmerdeuse !!! Ensuite, la première fin (oui, je suis championne pour déceler plusieurs fins aux films !) que j'ai trouvée aberrante voire ignoble... on ne fait pas "ça" à des amis. Mais la fin finale rattrape ce moment désagréable...

    Quant aux acteurs, moi qui aime les performances, c'est un festin. Contrairement à ce que j'ai lu, je n'ai pas trouvé la pièce excécrable, au contraire. Et surtout, le texte est sublime et restitué avec beaucoup d'intensité et de gourmandise par des acteurs qui n'ont plus l'âge des rôles. Mais la magie du scenario rend justement cet anachronisme crédible. Ils sont absolument tous formidables. Même ceux qui n'ont que quelques répliques comme Jean-Noël Brouté, incroyablement émouvant en amoureux inconsolable. Mes coups de coeur vont à Lambert Wilson vibrant comme jamais, Mathieu Amalric toujours impayable en Cassandre et Michel Piccoli, l'acteur de rêve ! 

  • Si

    mon nouvel emploi du temps me le permet, vous aurez des nouvelles de :

    CAMILLE REDOUBLE de Noémie Llvosky ***

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    QUELQUES JOURS DE PRINTEMPS de Stéphane Brizé ***

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    ALYAH de Elie Wajeman **

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    FOR ELLEN de So Yong Kim **

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    LES SAVEURS DU PALAIS de Christian Vincent **

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  • DES HOMMES SANS LOI de John Hillcoat ***

     Des hommes sans loi : photo Tom HardyDes hommes sans loi : photo John Hillcoat, Mia Wasikowska	, Shia LaBeoufDes hommes sans loi : photo Jessica Chastain, John Hillcoat, Tom HardyDes hommes sans loi : photo Gary Oldman 

    Les frères Bondurant, Forrest, Howard et Jack sont les rois du pétrole, plus exactement de la contrebande d'alcool fort puisque la Prohibition sévit en ces années difficiles. Leurs alambics planqués dans la forêt ils profitent du commerce juteux de leur production. Cela se passe en 1931 dans le Comté de Franklin en Virginie et les frères Bondurant ont réellement existé. Mais peu importe, ce qui compte ici est davantage la façon dont l'histoire est racontée, l'atmosphère que l'histoire elle-même et plus encore la personnalité des trois frères, soudés et seuls au monde face aux bandes rivales et à la police qui traque les trafiquants de façon très laxiste. Jusqu'au jour où débarque directement de la ville un agent très spécial et très déterminé qui entend bien kärchériser la région de ces hors la loi avec des méthodes pas très catholiques ! La guerre est déclarée.

    Dans la même période, arrive de Chicago, Maggie, une rouquine flamboyante qui va mettre le coeur de cette brute de Forrest en vrac, tandis que Jack le plus jeune va perdre le sens commun pour les beaux yeux de la jolie Bertha, coincée entre son éducation mormonne et un père plus rigoriste qu'un ayatollah. Quant à Howard, le pittbul de la famille, il est violent, irresponsable et épri de son flacon d'alcool qui ne le quitte jamais.

    Ce film est vraiment ce qu'on peut appeler de la très très belle ouvrage. Visuellement une splendeur. Ce qui n'est évidemment pas suffisant pour faire un grand film. Mais justement le réalisateur ne se contente pas de faire joli. Dans des paysages d'une beauté à couper le souffle, on oscille sans cesse et avec bonheur entre le western et le film de gangsters faisant de ces Hommes sans loi ce qui pourrait devenir un classique du genre.

    Des célébrités telles que Al Capone sont évoquées, mais on ne quitte jamais la campagne de ce Comté de Franklin et cela rend ce déchaînement de violence encore plus absurde tant il semble se concentrer dans un espace très limité entre voisins qui se connaissent. Il y a une progression, une succession de faits, d'événements et d'erreurs dont on sent qu'ils vont aboutir à une explosion inéluctable de la violence. Et pourtant quelques embellies, quelques moments de douce sérénité dus aux deux beaux personnages féminins, vont un temps adoucir les ardeurs belliqueuses masculines. Provisoirement. L'amour ne peut décidément rien face à la bêtise des garçons.

    Le moment fatidique est arrivé ! Il faut que je vous parle du casting ***** de folie de ce film. D'abord le tout jeune Dane DeHaan très prometteur dans Chronicle tient ses promesses. Un peu comme les filles de l'histoire, il n'est que douceur et pureté. L'étonnant Guy Pearce s'est fait une tête de nazi absolument grotesque. Cheveux gominés, raie au milieu, sourcils rasés on sentirait presque l'odeur du parfum écoeurant dont il s'asperge. Vraisemblablement homosexuel refoulé, il est d'un sadisme et d'une sauvagerie dont il jouit manifestement. Il est à l'origine des scènes les plus violentes et barbares du film. Gary Oldman ne fait que quelques apparitions infiniment sexys qui valent forcément le déplacement. Sa cruauté, il la cache, au contraire de Pearce, sous des dehors très chics et élégants. Les filles Jessica Chastain (sublime) et Mia Wasikowska (craquante) malgré la minceur de leurs rôles, quoique leurs personnages soient essentiels, parviennent à exister devant ces hordes de garçons souvent déchaînés.

    Mais ce sont les deux frangins Jack et Forrest, Shia* Labeouf et Tom Hardy qui réussissent à distancer tout le monde par leur prestation exceptionnelle. La transformation, l'évolution progressive de Jack/Shia, de jeune homme plutôt craintif et lâche à jeune caïd sûr de lui mais inconscient est remarquable. Sa présence est souvent irradiante et à l'image de la jolie Bertha/Mia, il est difficile de lui résister. Quant à Tom Hardy... que dire ? Massif, robuste et vigoureux, son personnage fait l'objet d'une véritable légende selon laquelle il serait invincible pour avoir survécu à plusieurs catastrophes ou épidémies. Il profite de ce mythe jusqu'à s'être convaincu lui-même de son immortalité. Cette légende et sa force herculéenne font qu'il s'oppose  et affronte tout le monde avec un aplomb insensé. C'est plus un homme d'action que de discours et il a évidemment un mal fou à exprimer le moindre sentiment. Lorsqu'enfin, empoté qu'il est, il se laisse approcher par  sa protégée, la somptueuse Maggie (Jessica Chastain, divine), elle lui souffle : "et bien toi, on peut dire que tu sais faire attendre une femme !"

    Forrest/Tom grogne, bougonne et marmonne plus qu'il ne parle. Bizarremment ça le rend irrésistible. Chacun de ses grognements, chacun de ses regards implacables transpercent l'écran. Même de dos il impose sa présence. Depuis Bronson, je n'en ai jamais douté, cet acteur est GRAND ! Ici il est magistral.

     

     

    *j'ai appris à Venise qu'il faut prononcer Shaï !

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  • JASON BOURNE : L'HÉRITAGE de Tony Gilroy °°

    Jason Bourne : l'héritage : photo Edward Norton, Jeremy Renner

    J'interromps brièvement et provisoirement le rythme que je m'étais imposée avec mon cahier de textes pour vous enjoindre à fuir ce film urgemment, c'est une arnaque. Il est mauvais, abscons et ridicule.

    Jason Bourne et surtout Matt Damon peuvent continuer à dormir sur leurs quatre'z'oreilles, cet héritage ne leur arrive pas au talon d'Achille. D'ailleurs, puisqu'il semblerait que la mort de Jason Bourne ne soit pas avérée (comme ils disent dans le poste), il n'est pas impossible que Matt/Jason refasse surface dans le prochain épisode. Va savoir Charles. Non mais parce que Jeremy Renner, à la base, j'ai juste envie de dire un truc :

    AU S'COURS !!!

    Il est bien gentil le garçon, et bravo d'avoir poussé de la fonte pour renforcer les pectos, les deltos et surtout les grands obliques qui rendent les filles choses... mais non, définitivement non, ça le fait pas. Il exprime rien le garçon... Et en plus il a abusé de l'auto-bronzant, ça le rend orange. Bon, c'est pas le tout de savoir piquer un cent mètres, il faut aussi avoir un truc dans l'oeil, dans le regard ou dans le sourire... quelque chose quoi, qui fait que ! Et là, non, rien, que dalle, nada, nikto !

    Bon alors le truc c'est que Aaron Cross (Jerem' donc) est tout seul en Alaska avec son barda et il se fait subir des épreuves tout seul. Il franchit les collines d'un bon, il affronte des loups, il saute dans les arbres, il se fait cuire un oeuf, tout ça dans le vent et la froidure neigeuse. Régulièrement, il prend ses comprimés, un vert pour la forme, un bleu pour l'intellect (lol). Sauf que bon... il perd sa boîte à pilules : le drame ! De l'autre côté des glaciers, vers les Etats-Unis d'Amérique, un complot est ourdi par un journaleux qui veut révéler au monde des trucs qu'il faut pas. Pas grave, il est dégommé. Mais bon, on sait jamais, le gouvernement décide d'éliminer tous les gus génétiquement modifiés dans le genre d'Aaron. Sauf que sans le savoir, il rate Aaron, il zigouille un loup. Mais personne le sait. Alors vlà notre Aaron qui trouve un avion (la facilité de ce mec à trouver des véhicules est juste h.a.l.l.u.c.i.n.a.n.t.e) et s'en revient aux states avec un objectif ! Se venger ??? Macache ! Il veut ses comprimés. Il faut dire qu'il a un peu chaud aux fesses car figurez-vous qu'avant d'être Numéro 5 (je vous passe les détails) Aaron était un pauvre gars à qui il manquait 12 points de QI pour être trouffion dis donc. Faut le faire (et là, j'avoue j'ai ri !) ! Mais un sergent chef-oui-chef a bidouillé les tests et notre Aaron qui en fait s'appelait Ken ou Frank (j'ai oublié) intègre l'armée. Mais il était tellement con que même tirer avec une kalach, il savait pas faire. Alors il est revenu d'Irak en pièces détachées et c'est là qu'il a pris son abonnement au Waouh Fitness Club pour faire du muscle avec la barbaque.

    Donc, il revient, mais au début personne sait qu'il revient puisque tout le monde croit qu'il est mort alors que c'est le loup. Pendant ce temps dans le labo où travaille Rachel Weisz qui a son diplôme en bio-chimie moléculaire génétique des pilules vertes et bleues, un type qui a le badge rouge (celui qui te fait entrer dans la salle où y'a que ceux qui ont les badges rouges qui peuvent entrer) a respiré trop fort les vapeurs de ses fioles à pilules et du coup, il prend un flingue et déboulonne tous ses collèges. Sauf Rachel Weisz, la tronche en pilules. Trauma pour la Rachel qui rentre chez elle. Et là, alors que le gouvernement qui n'en est pas à un meurtre près s'apprête à la désouder, Aaron déboule, la sauve et lui dit "t'as pris ta pilule ?".  On se dit : chouette, va y avoir du sexe, sortez les moutards. Sauf que non, il veut SES pilules à lui cet égoïste, la verte ET la bleue. Et la Rachel lui dit :

    "c'que tu peux être couille mon Aaron, tu savais pas que t'étais sevré de la bleue ???"

    "Gné, je suis sevré de la bleue" qu'il dit ? "Et tu pourrais pas me sevrer de la verte aussi" ? qu'il demande. 

    "Oui, qu'elle répond, mais, c'est rapport à ton QI, ça craint, j'ai peur que tu redeviennes un légume tu comprends... et moi ce que j'aime, ce sont les pilons de poulet".

    "Bon alors, tant pis, c'est pas grave qu'il dit, et si on allait en vacances à Manille ?"

    Fin.

  • KILLER JOE de William Friedkin ***

    Killer Joe : photo Matthew McConaugheyKiller Joe : photo Emile Hirsch, Matthew McConaughey

    Dans la famille Smith, on ne fait pas d'étincelles avec le cerveau. De ce côté de l'Atlantique nous dirions que ce sont des beaufs. Mais des bien gratinés aux petits oignons. Les Groseille au moins ne s'entre zigouillaient pas ! Il y a Chris 22 ans qui a un don inné pour se mettre dans de sales draps de combines foireuses. Le père, pas bien futé, pochtron et remarié à une poupée vulgaire et peu farouche. Et la petite soeur Dottie, Lolita vierge un peu hallucinée, somnambule à ses heures, molle et alanguie sur son lit. On est au Texas dans une banlieue pas reluisante de Dallas et cette bande de déficients mentaux va se mettre dans une situation de plus en plus inextricable "grâce" à Chris qui doit rapidement rembourser une dette de 6 000 dollars. L'idée lumineuse d'assassiner sa mère et d'empocher le montant de l'assurance-vie dont Dottie est la bénéficiaire, germe dans son cerveau débile. Pour se charger du sale boulot, il s'adresse à Joe, shérif réputé pour arrondir ses fins de mois difficiles de fonctionnaire en accomplissant ce genre de basses besognes. Toute la famille approuve le deal. Mais Killer Joe aime se faire payer d'avance ce qui est impossible en l'occurrence. Qu'à cela ne tienne, la jeune Dottie lui a tapé dans l'oeil, elle lui est donc offerte en guise de caution. Mais Joe, en plus d'être très sentimental (il tombe amoureux de Dottie) est du genre qui finit tout travail commencé. Donc, lorsque Chris, sans doute aussi vaguement amoureux de sa soeur... décide de faire marche arrière, il est déjà trop tard !

    On pourrait, pour faire genre court, évoquer les Coen voire Tarantino mais finalement ce film a sa dimension propre et le vétéran William Friedkin démontre à nouveau qu'il n'a pas son pareil pour mettre le spectateur mal à l'aise. Evidemment ce Killer Joe ne filera pas des semaines de cauchemars comme l'Exorciste en son temps, mais l'absence totale de morale de tous les personnages, leur bêtise crasse, l'outrance des situations, la violence latente qui finit toujours par se déchaîner  en font un divertissement à la fois malsain mais finalement réjouissant. Car Friedkin ne se refuse aucun excès et la sacro-sainte famille (américaine) est présentée comme l'endroit et l'entité les plus nocifs, insalubres et pernicieux qui soient. On se dit que non, le père et son fils ne vont pas offrir Dottie à ce psychopathe ! Tout comme on supposait un peu plus tôt que ce petit ange de Dottie s'opposerait à ce qu'on zigouille sa mère ! Mais non, le réalisateur y va à fond les manettes dans l'horreur. C'est tout juste s'il ne nous dit pas que cette mère (qu'on entr'apercevra à peine...) ivrogne, qui a voulu étouffer sa fille non désirée quand elle était bébé, qui se fait sans doute tabasser par son idiot de fils, ne mérite pas ce qui va lui arriver.

    Pourquoi, au lieu de crier au scandale, peut-on se réjouir du spectacle des agissements de cette famille de déséquilibrés ? Parce que c'est tellement bien fait, excessif que ça en devient tordant, que l'énergie jubilatoire qui parcourt le film est contagieuse et aussi, et surtout, que les acteurs sont entrés sans condition dans cet univers délétère. Emile Hirsch encaisse les coups avec beaucoup d'humilité et de courage, et s'emploie avec maladresse à rectifier le tir de ses erreurs. Juno Temple, ambiguë à souhait, allie la provocation involontaire d'une Lolita trash à l'innocence d'une ado vierge qui ignorerait tout de son pouvoir de séduction. Gina Gershon incarne à la perfection la femme plus tout à fait jeune, lasse et vulgaire. Elle a néanmoins l'honneur et le privilège d'être la seule à sembler posséder un cerveau en état de marche. Thomas Hayden Church incarne le père et c'est avec une virtuosité certaine qu'il a l'air parfaitement abruti qui convient.

    Mais le tueur sans émotion, froid comme un reptile, l'ange exterminateur au "regard qui blesse" qui glace le sang dès qu'il apparaît, qui ôte ses gants mieux que Rita Hayworth dans Gilda, qui aime le pilon de poulet... c'est Matthew McConaughey. Enfin, grâce à ce film (et aussi à sa prestation hilarante dans le récent Magic Mike) il semble être reconnu et non plus moqué comme le piège à minettes qu'il a été. Bien sûr, il a souvent sombré dans des rôles faciles et des bluettes sentimentales oubliables. En ce qui me concerne, évoquer Matthew McConaughey et c'est Lone Star qui me vient en tête, film qui commence certes à prendre de la bouteille mais sans rien perdre de sa perfection. Je suis donc d'autant plus ravie de constater que Matthew soit reconnu et fêté. Que fait-il ici ? Il se prend très au sérieux. Il le fait avec tellement de génie que ce rôle sera sans doute LE ou un des grands rôles de sa carrière. Qu'il ôte ses gants, qu'il fasse cliqueter son zippo, qu'il retire son chapeau pour se lisser les cheveux... chacun de ses mouvements semble être la démonstration du second degré. Mais pas seulement, la scène où il raconte, comme s'il s'agissait d'un conte de Noël, à une Juno Temple fascinée ou effrayée que pour se punir de l'adultère de sa femme un type s'est brûlé les couilles est stupéfiante et du même tonneau que celle où Christopher Walken expliquait le trajet de la montre de son père dans Pulp Fiction. Et ce texan pure jus, bon père, bon mari, qui ne parle que famille, enfants et ranch dans ses interviews devra renoncer éternellement à montrer ce film à ses enfants. La scène du pilon de poulet... flippante, hilarante, absolument inconcevable sera sans doute un des grands moments de sa carrière (et de celle de la pauvre actrice...).

    Dottie/Juno Temple prévient dans le film sans qu'on y prenne garde "je vais bien si on ne m'énerve pas". Et vers la fin Dottie le prouve : "je commence à m'énerver là"... Friedkin déchaîne les enfers et nous cloue au fauteuil.

    Merci.

    Oui, j'aimerais être clouée à un fauteuil de cinéma.