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Si l'on vous demandait d'élire votre film d'aventures préféré, que répondriez-vous ? En ce qui me concerne, je citerais celui-ci que je compte parmi les plus grands films vus dans ma vie. Mon statut de cinéphile laisse songeur certains mais je m'en contrefiche j'assume. Quel bonheur ce fut donc qu'il soit programmé dans la section parallèle "A l'aventure" de cette année et de pouvoir le revoir sur grand écran. Ce fut un éblouissement car ce film, je ne crains pas de le dire, est parfait, indémodable, intemporel et ne vieillira jamais.
En 1805, la flotte britannique résiste à Napoléon, Maître de l'Europe. Jack Aubrey, dit Lucky Jack a pour mission de capturer le galion français "L'Acheron" qui répand la guerre à travers toutes les mers du globe. Le Capitaine de l'HMS Surprise fait l'admiration de ses hommes, officiers et matelots. Ils lui obéissent aveuglément tant ils le respectent. A bord du navire se trouve également un médecin naturaliste, le Docteur Stephen Maturin, meilleur ami de Jack. Ils partagent une passion commune pour la musique et s'y adonnent régulièrement, Jack au violon et Stephen au violoncelle. Les deux hommes s'aiment et s'admirent mais s'opposent régulièrement. Le Capitaine se montre souvent intraitable dans sa manière de conduire ses hommes au combat. Le médecin répugne à prendre les armes et préfère souvent la compagnie des animaux chez qui il ne trouve ni mépris ni humiliation. Leurs désaccords ne font néanmoins que renforcer leur solide amitié et finalement chacun veille sur l'autre.
Du Brésil aux mythiques îles Galapagos et au Cap Horn, affrontant des froids polaires et des chaleurs accablantes, les hommes de la Surprise suivent leur capitaine jusqu'au bout du monde. Et pourtant son ami lui fera le reproche de confondre devoir et vanité. Sa poursuite du navire français devient obsessionnelle au point de mettre parfois la vie de l'équipage en péril.
Film d'époque et de combats orchestrés selon les brillantes tactiques militaires du Capitaine, la réalisation de Peter Weir nous en met plein la vue au cours de combats spectaculaires. Mais ce film ne serait pas si grand s'il se contentait d'enchaîner les scènes d'action, aussi géniales soient-elles. La profondeur du propos, des rapports et des liens qui unissent les deux personnages principaux (mais pas seulement) en font aussi un film qui évoque les rapports humains, d'amitié, maître/élève, la superstition, le courage, la lâcheté. L'audace du réalisateur tient au fait d'avoir placé au coeur de son film la relation extraordinaire qui unit deux hommes. Mais aussi d'avoir choisi Russel Crowe massif, gladiateur, chef indiscutable et de le rendre d'une délicatesse inouïe dès qu'il prend son violon. Les scènes où Paul Bettany et lui jouent des morceaux baroques sur leurs instruments pendant que les hommes s'activent sur le pont sont d'une beauté incroyable. Inoubliable.
La scène dans laquelle le médecin dit au capitaine "Je ne pourrai jamais vous rembourser cette dette" est selon moi un summum d'émotion qui m'a une nouvelle fois touchée en plein coeur...
Russel Crowe et Paul Bettany sont ici dans leur meilleur et plus beau rôle, et la musique est extraordinaire.
Mikhi a d'étranges occupations. Chaque nuit il se rend à l'endroit où les flics brûlent les saisies de cannabis. Il consomme donc gratis et profite des effluves. Il est aussi l'ami, l'indic', le protégé du flic local autoproclamé "le pitbull du système". Enfin, il est amoureux d'une beauté, Rita, jeune fille pas bien finie dans sa tête et "protégée" par ses frères qui ne veulent pas qu'elle leur échappe. Rita et Mikhi rêvent de s'aimer, de faire des enfants, de vivre ensemble !
Dire que ce film est un ovni n'est pas exagéré. Le noir et blanc est magnifique et les inventions visuelles abondent : écran large, multiples plans à la grue, à l'envers, au ralenti, volutes quasi permanentes... Les personnages très cinégéniques font très bien dans le décor, notamment la jolie Rita, sorte de poupée manga japonaise enchaînée qui déambule comme un automate. Mais cette surabondance d'effets finissent pas lasser et nuire au déroulement de l'histoire qui s'éternise parce que le réalisateur a tendance à se répéter.
Cela dit, mon voisin de gauche a eu un immense coup de coeur et souhaite pouvoir le revoir d'ici la fin du festival... Ce n'est donc QUE mon avis. Néanmoins, le dernier quart d'heure, plus tourné vers le polar trash avec vengeance du même métal m'a réveillée de cette contemplation nombriliste qui commençait à me paraître un peu vaine.
Et puis j'ai adoré l'explication marketing du graphisme du de Mac Donald's : "les hommes l'aiment car il ressemble à des fesses, et les marocains aiment le cul. Les enfants l'aiment parce qu'il ressemble aux seins de la mère nourricière".
Comme je vous l'explique dans une vidéo qui fera date... mon ordinateur portatif portable de poche a rendu l'âme tout à coup soudainement dans la nuit de jeudi à vendredi. Oui, je vais au cinéma le jour, j'écris la nuit. Je suis devenue une spice de zombie à qui il manque 192 heures de sommeil, mais ce n'est pas grave. Nous avons donc TOUT perdu, les photos, les vidéos... (sans compter le journal du Warrior qu'il avait écrit là où vous savez et d'autres choses encore...) bref tout ce que j'avais "chargé" depuis mon arrivée à Annonay. Passons...nous nous sommes rendus à Davézieux et avons acheté un nouvel ordinateur, plus grand, plus noir, TOUT NEUF ! Le monsieur du magasin fut très compréhensif et a pris sur son temps de déjeûner hier pour me paramatrer et me configurer un bel ordinateur en parfait état de fonctionnement. Je lui ai dit "c'est bien beau tout ça. Un petit régime ne te fera pas de mal mon Philou (il s'appelle Philippe), mais je fais comment avec toutes les photos et tout ça que j'ai perdus ?". Ce à quoi il m'a répondu que pour les miracles fallait s'adresser directement à qui vous savez !
Je vais essayer de prendre le temps de reprendre des photos pour vous montrer Annonay sous le soleil, par moins 10, by night etc, mais je promets rien. On est déjà dimanche et... bref ça commence à se terminer ! Je sais que vous appréciez par dessus le live, alors voilà... mais vous ne m'y reprendrez plus. Ensuite, votre Warrior vous présente "L'Etape", le lieu de convivialité avant le rush des festivaliers (c'était le matin). Il s'agit d'un endroit chaque année de plus en plus magique. Les vidéos ne lui rendent pas vraiment honneur car en vérité si je mens, c'est un endroit merveilleux. Je tâcherai de refaire une petite vidéo quand il y aura du monde et de la vie à l'intérieur.
Parfois l'amour est une évidence. Aimer l'autre, être avec lui, se réjouir de ses succès, le soutenir lors de ses échecs, le suivre sans hésitation pour redémarrer une autre vie ailleurs, encore meilleure, forcément, sont les seules réalités quotidiennes. Nul doute ne peut ternir le tableau idyllique et idéal. Erreur. Un mauvais jour, le destin, le sort ou la fatalité s'abat et c'est la stupeur, l'incrédulité. La personne à nos côtés depuis des années n'est pas celle que l'on croyait. En plus d'avoir à surmonter le désastre de perdre l'être qu'elle aimait le plus au monde, Martha se heurte à un mur d'incompréhension infranchissable et à une douleur inattendue. Sans explication Paul disparaît et tout ce qu'elle découvre peu à peu la force à admettre quel étranger mystérieux et incohérent il était. Un imposteur, un mythomane ?
Au lieu de sombrer dans un chagrin logique, voire commode pour l'entourage, Martha va étrangement, amoureusement réagir, à cause ou grâce à une mèche de cheveux... A la lisière de la folie et du fantastique, cette femme déconcertante mais irrésistible refuse de se laisser abattre.
Sandra Hüller, actrice absolument fascinante au visage multiple est capable dans un même plan d'exprimer tous les sentiments ou sensations que traverse son personnage, le bonheur, la colère ,la force et la vulnérabilité.
L’ouverture de « Avant l’aube » évoque « Shinning » ? Raphaël Jacoulot confirme : « il n’y a aucun hasard dans un scenario ».
Belle entrée en matière de la part de celui qui endosse cette année le rôle de Président du Jury. Selon la tradition le jeudi à 18 H 30 est présenté au cinéma les Nacelles un film du Président. Nous pouvons donc découvrir ou revoir puisque ce film est sorti en 2011 « Avant l’aube » de Raphaël Jacoulot.
A la fois humble et ambitieux différent et palpitant, le film de Raphaël Jacoulot impose d’emblée une ambiance propice au polar qu’il est : le froid et la neige. La subtilité de la réalisation et de l'interprétation le rendent différent et palpitant. L'introverti Frédéric (l'intense et fiévreux Vincent Rottiers toujours au bord de l'implosion) va peu à peu relever la tête et sans doute croire en l'avenir grâce à son patron sincèrement touché par sa loyauté, désintéressée ou pas. Tendresse et fascination vont réunir les deux hommes, le patron et l'employé jusqu'à ce que l'enquête policière avance. Mais la France d'en bas ne peut côtoyer celle d'en haut sans dommages et Raphaël Jacoulot le démontre de façon implacable et avec maestria. Et c'est sinistre, cynique et répugnant cette bourgeoisie compatissante, faussement charitable, toujours encline à ces petites bassesses et mesquineries ordinaires et qui verse des larmes de crocodile sur son propre malheur. Il est difficile de ne pas penser à Chabrol pour la peinture au vitriol de ces petits bourgeois imbus d'eux-mêmes et condescendants. Mais le réalisateur se démarque néanmoins du maître en osant des hors champs et des ellipses où d'autres se seraient sans doute montrés trop explicites. Ce ne sont pas les grands discours ni même l'action qui rendent ce film encore plus intense, mais bien ses silences, les regards des uns et des autres, la façon dont tous s'observent de loin avec hypocrisie ou violence.
Si la confrontation patron/prolo des rôles de Bacri, tendu, hésitant et Rottiers avec sa gueule de coupable idéal chemine vers un échec, on ne peut en dire de même de la rencontre des deux acteurs qui impriment au film leur forte personnalité tout en profondeur et subtilité.
A l’issue de la projection, nous pouvons faire plus ample connaissance avec le réalisateur et échanger avec lui à propos du film et de sa carrière. Ses influences se sont construites au fil des années. Il a grandi en découvrant des cinéastes qui l’impressionnent et le nourrissent. Son premier film « Barrage » passé hélas inaperçu auscultait les rapports mère/fils et rôdait à la lisière du fantastique. « Avant l’aube » est un polar qui se concentre sur les rapports père/fils. « Ce genre m’intéresse particulièrement nous précise Raphaël Jacoulot, car il me permet d’étudier les personnages et leur complexité, les placer dans des situations d’urgence et observer leurs réactions. Comment un personnage parvient-il à s’immiscer au centre d’un conflit ? » Ici, le personnage de Vincent Rottiers tente de « s’élever » et d’échapper à son milieu. Mais l’idéal dont il a rêvé va se révéler nocif et l’hôtel où tout se joue est un piège qui va se refermer sur lui. Tout le film est construit sur des rapports de classes sociales et les tentatives de rapprochement des différents milieux représentés. Au-delà de ce contexte, le rapport entre le père et le fils est tellement abîmé qu’en situation de crise, leurs réactions ne seront jamais les bonnes.
En ce qui concerne les acteurs, le réalisateur précise qu’il a écrit le rôle pour Vincent Rottiers chez qui il trouve une véritable force d’incarnation. Pour le rôle du patron de l’hôtel, son choix s’est révélé en cours d’écriture. Raphaël Jacoulot rêvait d’un acteur comme Jean Yanne et c’est Jean-Pierre Bacri qui s’est naturellement imposé « comme une évidence à cause de l’image qu’il véhicule ». On retrouve au début le Bacri qu’on connaît et qu’on aime, bougon, autoritaire et sanguin. Mais le réalisateur a réussi à jouer avec cette image, à amener l’acteur vers autre chose. « Il s’humanise et réalise un travail d’orfèvre dans l’ambiguïté ».
Pour finir, Raphaël Jacoulot insiste : « plus que la résolution de l’intrigue du polar, il est intéressant de construire le rapprochement possible même s’il va jusqu’à l’échec de la relation entre Frédéric et Jacques. Ces deux là auraient dû être père et fils mais on aboutit finalement à l’éloignement, à l’arrachement des deux personnages »
Devant la qualité de cette trop brève rencontre, on ne doute pas un instant que les membres du jury ont cette année la chance d’avoir un Président enthousiaste, cinéphile, attentif. Les débats risquent d’être passionnants.
Deux frères russes, Feodor et Mijail s’élèvent tout seuls en bord de mer. Leurs parents sont morts après avoir reçu un arbre sur la tête. Normal c’est fréquent. Les deux enfants devenus adultes ne brillent pas particulièrement par leur intelligence. Ils sont parfaitement déconnectés du monde qui les entoure mais ont développé un sens de la débrouille hors normes et un art de récupérer les objets que la mer crache sur le rivage pour en confectionner d’autres encore plus zarbis.
L'histoire ? Comment vous la raconter sans vous donner la migraine ? Nous sommes vraisemblablement dans les années 40 puisque sur la plage Mijail et Feodor découvrent un pilote nazi mort. Mais il y a aussi une vache qui répond au doux nom de Mushka et qui marche pour rejoindre ses propriétaires morts. Un des frères la prend pour modèle pour une sculpture. Il y a un gardien de phare, des pigeons voyageurs, des américains dans un sous-marins qui veulent débarquer, des Allemands qui cherchent le pilote disparu, une chanteuse, Loli Marlen... et si j'en oublie pardonnez-moi. Toute cette humanité se mélange joyeusement. Kusturica n'est pas bien loin mais tout ce grand bazar burlesque m'a semblé un peu vain !
Je vous disais déjà ici tout le bien que je pensais de ce film qui fait partie des plus beaux et des plus forts que j'ai vus en 2011. J'ai pu le revoir aujourd'hui et il n'a rien perdu de sa force tragique et éprouvante. Cependant j'avais oublié la splendeur des images pour ne conserver en mémoire que l'histoire de ce petit garçon perdu au milieu de nulle part, près de chiens errants, rendus sauvages et affamés.
Je vous en parle à nouveau parce qu'il n'a malheureusement connu qu'une sortie confidentielle en France. Si jamais un festival près de chez vous lui fait l'honneur d'une programmation, ne le ratez sous aucun prétexte.
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A L'AVENTURE
GERRY de Gus Van Sant
Comme chaque année depuis quatre ans, le Festival nous permet d'assister à un "Ciné-concert". Cette fois pour illustrer en sons et en musique le poème cinématographique, sensoriel et contemplatif de Gus Van Sant, le Festival nous fait découvrir "Radiomentale", duo de dj's (présent à 50 %) qui ajoute mystère et angoisse au film qui en était déjà considérablement imprégné.
Pour mémoire, je vous rappelle qu'il s'agissait du périple de deux amis Gerry et Gerry qui s'aventurent dans la Vallée de la Mort sans boisson ni nourriture et sans avoir prévenu quiconque de leur destination. Rapidement, ils se perdent, s'enfoncent dans le désert et au lieu de se soutenir, s'éloignent de plus en plus l'un de l'autre.
Hypnotique et envoûtant, la lenteur des plans séquences interminables font de ce beau film expérimental une expérience sensitive, une aventure qui colle parfaitement au thème du Festival.
Fred a la cinquantaine et vit dans sa voiture sur un parking du bord de mer en Irlande. Après avoir travaillé en Angleterre, l'administration irlandaise ne lui accorde aucune indemnité ni aide sociale. Il rencontre Cathal un tout jeune garçon, drogué, rejeté par sa famille et tout aussi marginal que Fred. Malgré la grande différence d'âge les deux hommes vont s'épauler et affronter ensemble le quotidien
L'amitié, la solidarité, la dénonciation de cette nouvelle forme de pauvreté qui hante de plus en plus nos villes d'Europe, l'interprétation touchante et convaincante de Colm Meaney et du jeune et formidable Colin Morgan sont les atouts indéniables de ce premier film dont la sincérité saute aux yeux.
Hélas, passer après cet autre premier film qui parle du même sujet, qu'est "Louise Wimmer" de Cyril Mennegunavec l'extraordinaire, la géniale Corinne Masiero n'est pas simple car la comparaison s'impose qui n'est pas en faveur du film irlandais. Hélas, au lieu de se concentrer sur la recherche de solutions vraisemblables et l'amitié des deux hommes, le réalisateur parasite son propos avec une invraisemblable et inutile historiette d'amour à laquelle on ne croit pas. Est-ce qu'une très jolie veuve bourgeoise peut être soudainement attirée par un SDF à tête de Droopy ? Il n'est pas interdit de rêver, certes... Mais la toute dernière image d'un homme qui enfin se jette à l'eau. Désolée mais MDR. Et puis encore une fois et comme le disait si justement Corinne Masiero, pourquoi un SDF devrait-il absolument être gentil, serviable, généreux et compréhensif ? Quand on est dans une merde noire sans nom comme Louise ou Fred, ne pas être "aimable", souriant et altruiste peut aisément se comprendre !
En préambule à cette « leçon de cinéma », un film d’une quarantaine de minutes est proposé au public en présence de Bertrand Tavernier. En sortant du Théâtre, une fois encore comble, on a davantage le sentiment délicieux d’avoir participé à un voyage à travers la filmographie mais aussi la cinéphilie du plus boulimique cinéphile de nos réalisateurs français. Retrouver ou découvrir pour certains les extraits d’une quinzaine de films du réalisateur nous met face à une « œuvre » considérable qui permet de re-goûter à des répliques telles que « …le crétinisme galonné » ou encore « le rêve n’a pas de mappemonde », de re-découvrir le génie d’un acteur tel que Philippe Noiret… Mais il ne s’agit pas de brûler les étapes d’une après-midi qui s’est révélée passionnante car Bertrand Tavernier n’a pas son pareil pour transmettre sa fougue contagieuse à un public conquis et attentif.
L’ironie du sort le fit naître à Lyon en 1941 dans la ville où naquit le cinéma. Dès 7 ou 8 ans le petit Bertrand adore qu’on lui raconte des histoires sur un écran puis rêver aux films qu’il y a vus. Vers 13 ans, c’est sans appel, en voyant « La Charge Héroïque » de John Ford, il décide qu’il fera du cinéma. Il vend des « critiques » à des journaux, crée lui-même un journal à la Sorbonne et rencontre rapidement Jean-Pierre Melville avec qui il sera très lié et notamment en tant que premier assistant sur « Léon Morin prêtre ». L’expérience lui semble déplorable car Melville est tyrannique et impitoyable sur un plateau, humiliant ses collaborateurs en public. Paralysé devant Melville comme le petit garçon qui haïssait les cours de maths et de « gym » qu’on lui imposait, Bertrand Tavernier se promet de ne jamais se comporter ainsi avec qui que ce soit. Si Melville s’enfermait dans son monde, vivait dans un appartement sans fenêtre, était insomniaque, Tavernier entend offrir un « cinéma de partage », des choses qu’il a découvertes, qui l’ont fait rire ou ému.
Il accomplit son premier vrai « travail » de cinéma en réalisant la bande-annonce de « La 317ème section » de Pierre Schoendoerffer. Mais il est convaincu qu’il n’a pu réellement commencer à exercer son métier qu’après avoir découvert la vie : se marier, avoir des enfants. Et c’est par l’adaptation d’un roman de Simenon « L’horloger de Saint Paul » qu’il a transposé à Lyon (l’intrigue se déroulait aux Etats-Unis) pour l’enraciner dans du concret, retrouver les décors de son enfance qu’il démarre sa carrière. Aidé en cela par Philippe Noiret qui n’a jamais abandonné le projet contre l’avis même de son agent et les refus des producteurs et distributeurs.
Evoquer la mémoire de Philippe Noiret : « Je lui dois tout » dit Tavernier, son ami de toute une vie, est une douleur qui le mène jusqu’aux larmes et fait passer un courant d’une tristesse insondable dans toute la salle. Avoir côtoyé cet homme, il l’affirme, a éclairé sa vie et fut un honneur.
Engager Galabru « je ne voulais pas d’autre acteur que lui », qu’il a sublimé dans « Le juge et l’assassin » fut une autre rencontre géniale. Malgré quelques craintes face à la carrière chaotique et les films « débiles » de Galabru à qui certains réalisateurs donnaient pour seule consigne « tâche d’être très con ». Galabru aurait d’ailleurs demandé à Noiret : « Comment fait-on pour jouer dans un bon film ? » qui aurait répondu « Tu verras Michel, c’est très facile ! »
Tavernier a la passion de découvrir des acteurs ; certains qui n’ont jamais joué tels Louis Ducreux, Dexter Gordon, ou des plus jeunes comme ceux de la troupe du Splendid, Nicole Garcia qui étaient tous dans « Que la fête commence » ou encore Marie Gillain. Il repère Philippe Torreton dans « Le malade imaginaire », admire l’improvisation et la grâce d’Isabelle Carré et Jacques Gamblin, est impressionné par ce que Mélanie Thierry propose dans son interprétation de « La Princesse de Montpensier ». Ses acteurs sont ses héros et sa façon de les diriger c’est aussi s’adapter à ce qu’isl proposent et pas seulement leur imposer sa vision.
Sa prédilection pour les plans séquences vient du fait qu’il entend privilégier des scènes sans artifices, sans donner l’impression de manipuler l’émotion. La découverte du bébé qu’Isabelle Carré et Jacques Gamblin adoptent dans « Holly Lola » par exemple, s’est faite en un seul plan. La durée d’une scène n’est pas une « religion », elle fait partie de la dramaturgie et s’impose parfois pendant le tournage. La lenteur peut être belle. Il faut savoir affronter l’impatience du spectateur au lieu de l’anticiper en multipliant les plans fragmentés comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui. Evidemment le rythme est rapide mais cela rend le film impersonnel. Cela dit ne faire que des plans séquences serait aussi abstrait que d’écrire un roman sans ponctuation ! Le cinéma nous affirme encore Tavernier est comme la musique. Il y a des andante, puis on diminue le tempo.
Lorsqu’on lui demande qu’elle est l’influence du cinéma américain sur son travail à lui qui a écrit « 50 ans de cinéma américain », il dit que ce cinéma a atteint l’over dose d’individualisme, qu’il est souvent le chantre du « chacun pour soi ». Un homme est souvent seul contre tous et peut changer le cours des choses voire les institutions. Il prend le contre-pied de ce fonctionnement et privilégie les combats collectifs, propose une fin ouverte dans ses films où peu de choses sont résolues. Les flics de « L627 », l’instit’ de « ça commence aujourd’hui » continuent leur chemin au-delà du film. On n’est pas obligés d’être en accord avec les personnages des films. En cela aussi Bertrand Tavernier veut se différencier de ce principe d’identification cher au cinéma américain qu’il admire tout en s’en démarquant.
Cet amoureux du cinéma rêve de tourner sa « Lettre d’amour au cinéma français » comme Scorsese l’a fait pour le cinéma américain. Il l’affirme « ce sera partial, partiel et me permettrait de continuer à m’interroger sur le fait que celui que je considère comme un génie a pu écrire des lettres infâmantes concernant les juifs pendant la guerre ». Jean Gabin aurait dit de Jean Renoir « il m’a tout appris. Mais comme metteur c’était un génie, comme homme, une pute » ajoutant encore « quand on est le fils d’Auguste Renoir, on ne se fait pas naturaliser américain ».
On reste bouche bée à écouter Bertrand Tavernier parler de cinéma. Intarissable, multipliant les anecdotes à propos des uns et des autres, son enthousiasme communicatif, son humour, son amour démesuré pour le cinéma ont fait de ses heures à l’écouter un des moments forts du festival. Evoquer Gabin qu’il aurait aimé « affronter » dans un film, mais aussi les « dialogues miraculeux » de Michel Audiard qu’il cite avec gourmandise : « sans l’invention des sulfamites elle aurait vérolé toute la Charente », « on faisait chambre commune et rêves à part ». Il donnerait tout pour que celui qu’il aurait envie « de serrer dans ses bras » pour avoir écrit de telles répliques : « Quand on a épousé une banque on ferme sa gueule », « Je suis pour l’Europe des travailleurs contre l’Europe des actionnaires »…
Bertrand Tavernier dit qu’il fait chaque film comme s’il s’agissait du premier. Que son bonheur est de continuer à rencontrer des gens. Que son enthousiasme est intact. Que chaque rencontre lui donne le sentiment d’être plus intelligent, qu’il en est chaque fois un peu plus ouvert. Qu’il apprend.
Pour nous, chanceux qui avons rencontré Bertrand Tavernier, avons eu le bonheur de chanter du Bobby Lapointe au restaurant le midi, et partager quelques heures à l’écouter parler de notre passion commune, nous avons la certitude grâce à lui d’aimer encore un peu plus le cinéma aujourd’hui et de savoir pourquoi.
Arturo Conti revient en France, dans la salle d'embarquement au Canada, il s'est fait voler son sac, ses papiers et ses chaussures. A la douane de l'aéroport de Roissy, ne pouvant prouver son identité, il est contraint de rester en zone de transit. Il va rencontrer des personnes étonnantes qui sont dans la même situation que lui depuis plusieurs mois voire plusieurs années. Un petit garçon guinéen, un français, une sud américaine et un africain à la nationalité indéterminée. Dans cet endroit nommé "sous douane" on est nulle part, on est personne, on n'existe pas.
Bertrand Tavernier a choisi ce film, le premier de Philippe Lioret car il propose selon lui un cinéma qui donne à voir une humanité dont on parle peu. C'est un film qui parle de solitude avec infiniment de douceur et de bienveillance.
En ce qui me concerne je trouve que si le film permet de voir une fois de plus un Jean Rochefort prodigieux, aristocrate parmi les clandestins, il a rarement la force de son propos. J'ai trouvé le traitement "gentillet" et pas suffisamment militant. Néanmoins, le charme, le ton toujours décalé de Jean Rochefort, la présence de Ticky Holgado complètement naïf, la complicité qui s'installe avec le petit garçon en font un spectacle recommandable.
Toujours prompt à narrer des anecdotes, Bertrand Tavernier nous parle de Philippe Lioret qui fut ingénieur du son avant de devenir réalisateur. Et le cauchemar de tout ingénieur du son est : L'AEROPORT. Tavernier pense que Lioret doit être masochiste de s'être imposé un tel défi pour son premier film, de tourner dans un aéroport.
Il considère en outre qu'il y a une unité indéniable et une cohérence dans la filmographie de Philippe Lioret et qu'il s'agit d'une oeuvre "amicale".
LE SAUVAGE de Jean-Paul Rappeneau
A L'AVENTURE
Terminer la journée par ce film trépidant permet de ne pas céder à la fatigue qui commence à se faire largement sentir. Retrouver Nelly, emmerdeuse volcanique qui vient pourrir l'île et la vie de Martin qui s'est retiré du monde, est un pur moment de bonheur. La version restaurée en numérique est éclatante, Catherine Deneuve est sublime de beauté, de dynamisme et drôlerie, une véritable reine de comédie, et Yves Montand d'une séduction insensée, forcément irrésistible dans le rôle du mufle qui cherche à se débarrasser de l'envahissante tornade.