Philippe sort de prison. On ne saura pas pourquoi et d'ailleurs on l'oubliera vite. Pas Philippe (c'est l'iirésistible Jonathan Zaccaï les filles !), mais qu'il sort de prison. Il trouve ou possède déjà un petit appart pas loin de la gare du Nord qu'il loue à Geneviève ex beauté vieillissante et pianiste à ses heures, qui réclame parfois son loyer à corps et à cris. Mais surtout à corps... Sur le zinc d'un bistrot où il aime venir écluser des ballons de rouge, Philippe rencontre Avdal, kurde qui parcourt l'Europe à la recherche d'un criminel irakien. Entre ces deux solitudes avinées naît une amitié comme un coup de foudre. Philippe héberge Avdal sans logement. Ce dernier raconte son désir de s'installer en France où il attend d'ailleurs sa fiancée Siba restée provisoirement au pays. Les deux garçons s'entendent comme larrons en foire mais Avdal meurt brusquement d'une crise cardiaque et Philippe se retrouve seul au monde à ne savoir que faire du corps de son ami. En France vous avez 5 jours pour vous décider à vous occuper de votre défunt sinon les autorités compétentes se chargent de le jeter à la fosse commune. Et là, c'est Maurice Bénichou qui l'explique sans la moindre diplomatie, et c'est drôle. Malgré ses efforts pour tenter de joindre la famille d'Avdal et alors que Siba est en route pour la France, Philippe le fait incinérer. C'est compter sans les règles et traditions musulmanes qui ne brûlent pas ses morts.
Comment résister à ce "petit" film plein de charme, de drame mais d'un burlesque insensé qui parvient constamment à maintenir l'équilibre entre drame et joie ?
Peut-on rire de tout ? Oui. Surtout quand une urne, même funéraire passe de main en main autour d'une table, le père du défunt ne parvenant pas à supporter la vision de son fils en cendres, et finit par revenir à son point de départ. Oui lorsqu'une porte qui claque fait sursauter jusqu'au plafond Philippe qui accompagne son ami au crématorium. Oui lorsque Philippe transvase le contenu de l'urne dans un récipient plus petit et s'en éclabousse ! Oui lorsqu'encore Philippe ne sait où poser l'urne sans être hanté par des apparitions du mort. Et pourtant les larmes ne sont jamais loin car on a eu le temps de s'attacher à celui qui disparaît du film au bout d'un quart d'heure mais dont il ne cessera d'être question. Et puis, Philippe et plus tard Siba dévastée de chagrin doivent faire leur deuil de leur ami et fiancé et malgré cela le burlesque affleure constamment.
Pour trouver aide et soutien, Philippe et Siba se sont rapprochés de la communauté kurde de Paris. Là encore on tombe sur une bande de zozos pas catholiques et musulmans quand ça les arrange, menée par un Ozz Nüjen (Mihyedin) au poil dru, absolument tordant lorsqu'il dit à Philippe qui s'étonne de le voir pleurer alors qu'il lui raconte l'histoire d'Avdal qu'il n'a pas connu "dès qu'un kurde meurt, je pleure", associé au non moins hilarant Nazmi Kirik qui se définit comme "kurde démocrate optimiste". Les deux rivalisent d'absurde et de comique lorsqu'ils se mettent à draguer la sublime Siba qui ne laisse personne insensible, à la mode kurde, en lui offrant des fruits. "Je suis content que tu aies mangé ma mandarine" jubilera Mihyedin. D'autres répliques telles que "ta gueule, toi, tu as brûlé un kurde" m'ont fait hurler de rire... mais j'étais la seule dans la salle. Apparemment, on peut rire de tout mais pas avec tout le monde !
Le pittoresque prendra une tournure plus angoissante lorsque le père d'Avdal débarquera pour à la fois tenter de récupérer le corps de son fils et remettre Siba dans le droit chemin (la ramener au pays) mais qui malgré la mort de son fiancé décidera de rester en France. Le poids des traditions, de la religion, la soumission des femmes dans certaines cultures prendront du plomb dans l'aile grâce à Siba, jeune femme libre, moderne et cultivée !