LA PERMISSION DE MINUIT de Delphine Gleize **
Depuis sa naissance Romain est atteint d'une maladie rare : le XP (xeroderma pigmentosum). On parle aussi des "enfants de la lune" car si j'ai bien compris, les enfants qui en sont victimes atteignent rarement leur vingtième année. Les enfants (1 sur 1 million) touchés par cette maladie ont la peau d'une sensibilité extrême à la lumière. Condamnés à ne vivre que sous une lumière artificielle, à ne sortir que la nuit ou protégés d'un scaphandre, ils développent néanmoins et irréversiblement des lésions cutanées de plus en plus graves qui se transforment en tumeurs multiples. C'est David chirurgien et dermatologue qui soigne Romain depuis ces longues années. Une relation de confiance et d'intimité lie le docteur à son patient. Jusqu'au jour où David obtient enfin le poste dont il rêvait depuis une dizaine d'années. L'accepter c'est partir loin de Romain. Mais il repousse chaque jour le moment de lui annoncer la nouvelle !
La réalisatrice se concentre davantage sur la relation qui lie Romain à son médecin, et plus encore à l'échéance de la séparation que sur la maladie du garçon. On découvre que ce jeune garçon en sursis élevé dans un bunker, surprotégé (même si le père a fui, effrayé par la maladie), isolé du monde, a développé une lucidité et une maturité hors normes pour un enfant de son âge. On sent toute la rage contenue à l'idée de savoir qu'il ne connaîtra jamais des tas de choses essentielles et vitales tel que l'amour par exemple. On comprend le sentiment d'abandon inconsolable lorsqu'il découvre brutalement que son docteur, en qui il a placé toute sa confiance va s'éloigner. On apprécie que malgré la mort qui plane imminente et inéluctable il n'y ait aucun excès de pathos. Mais justement, on aimerait pleurer un peu car le thème est fort et que les enfants condamnés à mort, c'est une injustice à hurler. Mais à force de pudeur, d'ellipses et de non dits, Delphine Gleize livre un film plutôt froid où les sentiments ne s'expriment jamais ni en gestes ni en paroles. Evidemment il y a les actes du médecin mais sans doute accomplirait-il les mêmes pour un patient qu'il n'aurait pas pris en affection. Toujours tenu à distance, le pauvre spectateur regarde une relation se déliter alors même qu'il n'a pas eu la moindre possibilité de constater qu'elle était hors du commun.
Alors évidemment il y a Emmanuelle Devos belle, puissante, humaine. Elle est celle qui remplacera David à son poste et prendra désormais soin de Romain. Mais quelle idée saugrenue d'avoir suggéré l'amorce d'une histoire qui fera long feu entre les deux collègues, totalement hors sujet, reléguant la pauvre Emmanuelle au rang de faire-valoir séductrice.
Et puis il y a Vincent Lindon en mode supra sensible. Le film n'est pas à la hauteur des sommets d'émotion et d'intensité qu'il dégage dès qu'il est à l'écran.