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Fred a la cinquantaine et vit dans sa voiture sur un parking du bord de mer en Irlande. Après avoir travaillé en Angleterre, l'administration irlandaise ne lui accorde aucune indemnité ni aide sociale. Il rencontre Cathal un tout jeune garçon, drogué, rejeté par sa famille et tout aussi marginal que Fred. Malgré la grande différence d'âge les deux hommes vont s'épauler et affronter ensemble le quotidien
L'amitié, la solidarité, la dénonciation de cette nouvelle forme de pauvreté qui hante de plus en plus nos villes d'Europe, l'interprétation touchante et convaincante de Colm Meaney et du jeune et formidable Colin Morgan sont les atouts indéniables de ce premier film dont la sincérité saute aux yeux.
Hélas, passer après cet autre premier film qui parle du même sujet, qu'est "Louise Wimmer" de Cyril Mennegunavec l'extraordinaire, la géniale Corinne Masiero n'est pas simple car la comparaison s'impose qui n'est pas en faveur du film irlandais. Hélas, au lieu de se concentrer sur la recherche de solutions vraisemblables et l'amitié des deux hommes, le réalisateur parasite son propos avec une invraisemblable et inutile historiette d'amour à laquelle on ne croit pas. Est-ce qu'une très jolie veuve bourgeoise peut être soudainement attirée par un SDF à tête de Droopy ? Il n'est pas interdit de rêver, certes... Mais la toute dernière image d'un homme qui enfin se jette à l'eau. Désolée mais MDR. Et puis encore une fois et comme le disait si justement Corinne Masiero, pourquoi un SDF devrait-il absolument être gentil, serviable, généreux et compréhensif ? Quand on est dans une merde noire sans nom comme Louise ou Fred, ne pas être "aimable", souriant et altruiste peut aisément se comprendre !
En préambule à cette « leçon de cinéma », un film d’une quarantaine de minutes est proposé au public en présence de Bertrand Tavernier. En sortant du Théâtre, une fois encore comble, on a davantage le sentiment délicieux d’avoir participé à un voyage à travers la filmographie mais aussi la cinéphilie du plus boulimique cinéphile de nos réalisateurs français. Retrouver ou découvrir pour certains les extraits d’une quinzaine de films du réalisateur nous met face à une « œuvre » considérable qui permet de re-goûter à des répliques telles que « …le crétinisme galonné » ou encore « le rêve n’a pas de mappemonde », de re-découvrir le génie d’un acteur tel que Philippe Noiret… Mais il ne s’agit pas de brûler les étapes d’une après-midi qui s’est révélée passionnante car Bertrand Tavernier n’a pas son pareil pour transmettre sa fougue contagieuse à un public conquis et attentif.
L’ironie du sort le fit naître à Lyon en 1941 dans la ville où naquit le cinéma. Dès 7 ou 8 ans le petit Bertrand adore qu’on lui raconte des histoires sur un écran puis rêver aux films qu’il y a vus. Vers 13 ans, c’est sans appel, en voyant « La Charge Héroïque » de John Ford, il décide qu’il fera du cinéma. Il vend des « critiques » à des journaux, crée lui-même un journal à la Sorbonne et rencontre rapidement Jean-Pierre Melville avec qui il sera très lié et notamment en tant que premier assistant sur « Léon Morin prêtre ». L’expérience lui semble déplorable car Melville est tyrannique et impitoyable sur un plateau, humiliant ses collaborateurs en public. Paralysé devant Melville comme le petit garçon qui haïssait les cours de maths et de « gym » qu’on lui imposait, Bertrand Tavernier se promet de ne jamais se comporter ainsi avec qui que ce soit. Si Melville s’enfermait dans son monde, vivait dans un appartement sans fenêtre, était insomniaque, Tavernier entend offrir un « cinéma de partage », des choses qu’il a découvertes, qui l’ont fait rire ou ému.
Il accomplit son premier vrai « travail » de cinéma en réalisant la bande-annonce de « La 317ème section » de Pierre Schoendoerffer. Mais il est convaincu qu’il n’a pu réellement commencer à exercer son métier qu’après avoir découvert la vie : se marier, avoir des enfants. Et c’est par l’adaptation d’un roman de Simenon « L’horloger de Saint Paul » qu’il a transposé à Lyon (l’intrigue se déroulait aux Etats-Unis) pour l’enraciner dans du concret, retrouver les décors de son enfance qu’il démarre sa carrière. Aidé en cela par Philippe Noiret qui n’a jamais abandonné le projet contre l’avis même de son agent et les refus des producteurs et distributeurs.
Evoquer la mémoire de Philippe Noiret : « Je lui dois tout » dit Tavernier, son ami de toute une vie, est une douleur qui le mène jusqu’aux larmes et fait passer un courant d’une tristesse insondable dans toute la salle. Avoir côtoyé cet homme, il l’affirme, a éclairé sa vie et fut un honneur.
Engager Galabru « je ne voulais pas d’autre acteur que lui », qu’il a sublimé dans « Le juge et l’assassin » fut une autre rencontre géniale. Malgré quelques craintes face à la carrière chaotique et les films « débiles » de Galabru à qui certains réalisateurs donnaient pour seule consigne « tâche d’être très con ». Galabru aurait d’ailleurs demandé à Noiret : « Comment fait-on pour jouer dans un bon film ? » qui aurait répondu « Tu verras Michel, c’est très facile ! »
Tavernier a la passion de découvrir des acteurs ; certains qui n’ont jamais joué tels Louis Ducreux, Dexter Gordon, ou des plus jeunes comme ceux de la troupe du Splendid, Nicole Garcia qui étaient tous dans « Que la fête commence » ou encore Marie Gillain. Il repère Philippe Torreton dans « Le malade imaginaire », admire l’improvisation et la grâce d’Isabelle Carré et Jacques Gamblin, est impressionné par ce que Mélanie Thierry propose dans son interprétation de « La Princesse de Montpensier ». Ses acteurs sont ses héros et sa façon de les diriger c’est aussi s’adapter à ce qu’isl proposent et pas seulement leur imposer sa vision.
Sa prédilection pour les plans séquences vient du fait qu’il entend privilégier des scènes sans artifices, sans donner l’impression de manipuler l’émotion. La découverte du bébé qu’Isabelle Carré et Jacques Gamblin adoptent dans « Holly Lola » par exemple, s’est faite en un seul plan. La durée d’une scène n’est pas une « religion », elle fait partie de la dramaturgie et s’impose parfois pendant le tournage. La lenteur peut être belle. Il faut savoir affronter l’impatience du spectateur au lieu de l’anticiper en multipliant les plans fragmentés comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui. Evidemment le rythme est rapide mais cela rend le film impersonnel. Cela dit ne faire que des plans séquences serait aussi abstrait que d’écrire un roman sans ponctuation ! Le cinéma nous affirme encore Tavernier est comme la musique. Il y a des andante, puis on diminue le tempo.
Lorsqu’on lui demande qu’elle est l’influence du cinéma américain sur son travail à lui qui a écrit « 50 ans de cinéma américain », il dit que ce cinéma a atteint l’over dose d’individualisme, qu’il est souvent le chantre du « chacun pour soi ». Un homme est souvent seul contre tous et peut changer le cours des choses voire les institutions. Il prend le contre-pied de ce fonctionnement et privilégie les combats collectifs, propose une fin ouverte dans ses films où peu de choses sont résolues. Les flics de « L627 », l’instit’ de « ça commence aujourd’hui » continuent leur chemin au-delà du film. On n’est pas obligés d’être en accord avec les personnages des films. En cela aussi Bertrand Tavernier veut se différencier de ce principe d’identification cher au cinéma américain qu’il admire tout en s’en démarquant.
Cet amoureux du cinéma rêve de tourner sa « Lettre d’amour au cinéma français » comme Scorsese l’a fait pour le cinéma américain. Il l’affirme « ce sera partial, partiel et me permettrait de continuer à m’interroger sur le fait que celui que je considère comme un génie a pu écrire des lettres infâmantes concernant les juifs pendant la guerre ». Jean Gabin aurait dit de Jean Renoir « il m’a tout appris. Mais comme metteur c’était un génie, comme homme, une pute » ajoutant encore « quand on est le fils d’Auguste Renoir, on ne se fait pas naturaliser américain ».
On reste bouche bée à écouter Bertrand Tavernier parler de cinéma. Intarissable, multipliant les anecdotes à propos des uns et des autres, son enthousiasme communicatif, son humour, son amour démesuré pour le cinéma ont fait de ses heures à l’écouter un des moments forts du festival. Evoquer Gabin qu’il aurait aimé « affronter » dans un film, mais aussi les « dialogues miraculeux » de Michel Audiard qu’il cite avec gourmandise : « sans l’invention des sulfamites elle aurait vérolé toute la Charente », « on faisait chambre commune et rêves à part ». Il donnerait tout pour que celui qu’il aurait envie « de serrer dans ses bras » pour avoir écrit de telles répliques : « Quand on a épousé une banque on ferme sa gueule », « Je suis pour l’Europe des travailleurs contre l’Europe des actionnaires »…
Bertrand Tavernier dit qu’il fait chaque film comme s’il s’agissait du premier. Que son bonheur est de continuer à rencontrer des gens. Que son enthousiasme est intact. Que chaque rencontre lui donne le sentiment d’être plus intelligent, qu’il en est chaque fois un peu plus ouvert. Qu’il apprend.
Pour nous, chanceux qui avons rencontré Bertrand Tavernier, avons eu le bonheur de chanter du Bobby Lapointe au restaurant le midi, et partager quelques heures à l’écouter parler de notre passion commune, nous avons la certitude grâce à lui d’aimer encore un peu plus le cinéma aujourd’hui et de savoir pourquoi.
Arturo Conti revient en France, dans la salle d'embarquement au Canada, il s'est fait voler son sac, ses papiers et ses chaussures. A la douane de l'aéroport de Roissy, ne pouvant prouver son identité, il est contraint de rester en zone de transit. Il va rencontrer des personnes étonnantes qui sont dans la même situation que lui depuis plusieurs mois voire plusieurs années. Un petit garçon guinéen, un français, une sud américaine et un africain à la nationalité indéterminée. Dans cet endroit nommé "sous douane" on est nulle part, on est personne, on n'existe pas.
Bertrand Tavernier a choisi ce film, le premier de Philippe Lioret car il propose selon lui un cinéma qui donne à voir une humanité dont on parle peu. C'est un film qui parle de solitude avec infiniment de douceur et de bienveillance.
En ce qui me concerne je trouve que si le film permet de voir une fois de plus un Jean Rochefort prodigieux, aristocrate parmi les clandestins, il a rarement la force de son propos. J'ai trouvé le traitement "gentillet" et pas suffisamment militant. Néanmoins, le charme, le ton toujours décalé de Jean Rochefort, la présence de Ticky Holgado complètement naïf, la complicité qui s'installe avec le petit garçon en font un spectacle recommandable.
Toujours prompt à narrer des anecdotes, Bertrand Tavernier nous parle de Philippe Lioret qui fut ingénieur du son avant de devenir réalisateur. Et le cauchemar de tout ingénieur du son est : L'AEROPORT. Tavernier pense que Lioret doit être masochiste de s'être imposé un tel défi pour son premier film, de tourner dans un aéroport.
Il considère en outre qu'il y a une unité indéniable et une cohérence dans la filmographie de Philippe Lioret et qu'il s'agit d'une oeuvre "amicale".
LE SAUVAGE de Jean-Paul Rappeneau
A L'AVENTURE
Terminer la journée par ce film trépidant permet de ne pas céder à la fatigue qui commence à se faire largement sentir. Retrouver Nelly, emmerdeuse volcanique qui vient pourrir l'île et la vie de Martin qui s'est retiré du monde, est un pur moment de bonheur. La version restaurée en numérique est éclatante, Catherine Deneuve est sublime de beauté, de dynamisme et drôlerie, une véritable reine de comédie, et Yves Montand d'une séduction insensée, forcément irrésistible dans le rôle du mufle qui cherche à se débarrasser de l'envahissante tornade.
Être ou de pas être… belge ! La « belgitude » est une identité nationale unique au monde ! Ce que le réalisateur du film « Le Grand’Tour » Jérôme Le Maire qui a rencontré le public à l’issue de la projection nous confirme. Il faut en effet avoir un grain de folie profondément enraciné en soi pour décider un jour de larguer les amarres, tout quitter et s’en aller sur les chemins à travers bois, vêtus de rouge de la tête aux pieds équipés d’instruments de musique de fanfare. C’est ce que décide un jour une bande de dix gamins tous plus barrés les uns que les autres de 35 à 45 ans qui à l’initiative de Vincent quittent leur village ardennais pour se rendre au « carnaval du monde » de Stavelot. Le voyage qui ne devait durer que quatre jours s’est finalement prolongé sur plusieurs mois. L’aventure festive très singulière s’est transformée en une histoire humaine unique, d’amitié, d’amour, d’intenses et profondes réflexions sur soi et sa place dans le monde. Le délire initial se charge peu à peu de mélancolie voire de métaphysique. Commencé dans le bruit et la fureur des instruments à percussion, copieusement arrosé de bière dès le réveil, rehaussé de toutes sortes de substances qui se fument et se sniffent, la folle équipée un peu sauvage évolue vers une forme de quête du silence. Le film qui offre mille occasions d’hurler de rire avance peu à peu vers une mélancolie inattendue et finit par serrer le cœur. Jérôme Le Maire évoque ce tournage épopée de quatre années et ses 28 semaines de montage. Le but initial était d’aller de village en village ardennais et de participer à des fêtes avec cette fausse fanfare qui ne compte aucun musicien mais de joyeux lascars rarement à jeûn qui font du bruit avec des instruments. Le film se construisait peu à peu et les péripéties intervenaient au fur et à mesure du « voyage » passant imperceptiblement de l’univers potache, d’un grand « porte nawak » à la mélancolie. Le réalisateur avait en tête de faire un film sur la fête et la fin de la fête. Pourquoi fait-on la fête et jusqu’où aller ? Prendre son temps fut un luxe qui permit en outre de laisser libre court à la spontanéité et à l’improvisation. Et si aucun protagoniste du film n’était acteur au départ, certains le sont devenus en court de route. Néanmoins ce que préfère Jérôme Le Maire, ce sont justement les comédiens amateurs, dont on ne sent pas le « jeu » (« je » ?). C’est ce qui donne au film cette singularité qui semble surfer entre la réalité et la fiction sans qu’on en trouve souvent la frontière. Le réalisateur insiste enfin sur le bonheur d’avoir des producteurs « barjots » qui ont permis au film d’engager une « tournée » comme un groupe de rock. L’équipe a donc circulé et redécouvert le pays en organisant des projections très particulières où les spectateurs participaient allègrement à la fête ! Jérôme Le Maire a depuis initié un nouveau projet et tourné un documentaire au Maroc, pays qu’il connaît bien. Il retrace l’arrivée de l’électricité dans un village marocain, l’attente et l’appréhension des villageois. Convaincus que nous sommes à présent de l’originalité et du non-conformisme du réalisateur, nous avons hâte de découvrir la façon dont il a traité cette nouvelle aventure humaine !
Je vais tenter de vous résumer ces deux premiers jours de folie.
Mais à cette heure, grave ! Je suis inconsolable ! Denis Menochet n'a pas pris son train. Le billet qui a été remis à son attention n'a pas été retiré et son portable reste désespérément silencieux. Toutes les filles ont pris le voile, et les garçons aussi !
MISSING
Néanmoins, que s'est-il passé en si peu de temps ? Plein de choses justement car ici, comme chaque année, le temps n'a plus la même fonction, le même rythme. Et puis, l'amnésie salutaire, bienfaisante et providentielle est de retour. Finis les emmerdes, les soucis, tous les bernies et autres petites contrariétés qui pourrissent le temps de vie disponible. Bref, ici, TOUT VA BIEN !
D'abord il y a eu la soirée d'ouverture avec la projection du film de Cyril Mennegun "Louise Wimmer" dans le beau théâtre qui affichait complet.
Et ce n'est pas l'image insolite et sans doute peu rassurante d'un vaisseau pirate planté dans sa façade qui a arrêté les festivaliers.
Si vous n'avez pas encore vu ce film sorti le 4 janvier, précipitez-vous en salle, sinon c'est inutile de continuer à me parler. La soirée en compagnie de l'actrice Masiero fut à la hauteur de mes espérances. Cette grande fille folle et libre, est belle, gentille, drôle, intéressante. Elle vous regarde droit dans les yeux quand elle vous parle, elle vous appelle "min tiot" et elle écoute. C'est, avec Café de Flore, mon premier coup de coeur de 2012.
Samedi matin, projection du très beau film de Jean-Pierre Améris "La joie de vivre" tiré d'un roman étonnant d'Emile Zola en présence de l'actrice principale Anaïs Demoustier. Une jeune femme très simple, très belle et passionnée. Je reparlerai du film, magnifique dès que possible.
L'après midi, qui vous savez a voulu voir ce film qu'il avait raté et dont le titre l'interpelle, en présence de l'acteur énergique voire explosif Pierre Niney. Cette rencontre en plus de faire la connaissance d'un acteur charmant à tout point de vue permet d'éclairer le spectateur sur le job étrange que fait Primo (son personnage dans le film).
Il faudra également que je vous parle de cette exposition de motos mythiques du cinéma mondial qui ont été refaites à l'identique par un passionné italien de motos et de cinéma Costantino Frontalini.
Dans le cadre d'un partenariat entre L'ACID (Association du cinéma indépendant pour sa diffusion) et le dispositif « Passeurs d’images » à vocation culturelle et sociale, le festival des jeunes issus de toute la Région Rhône Alpes. Le film « Rue des Cités » leur est projeté, suivi d’une rencontre avec les réalisateurs Carine May et Hakim Zouhani et d’un des acteurs Tarek Aggoun.
Sur une trame minimaliste : une journée ordinaire dans une ville de banlieue, les réalisateurs suivent Adilse, jeune homme de 20 ans glandeur professionnel et tchatcheur incorrigible. Ils évoquent ses relations avec sa famille, son meilleur ami et quelques difficultés auxquelles il aura à faire face en ce jour précis. Dans un noir et blanc soigné qui donne à la ville et à ses immeubles déshumanisés un aspect irréel, les rendant intemporels, les réalisateurs établissent des passerelles entre les générations et insèrent des morceaux d’interviews des habitants d’Aubervilliers de tous âges qui éclairent le spectateur sur la façon dont chacun vie sa ville. La « langue » des banlieues est un personnage à part entière. C’est elle qui donne au film son rythme, son humour et son charme irrésistible. La scène où un copain d’Adilse lui explique qu’il s’est rendu sur la tombe de Jacques Mesrine avec un bouquet de fleurs après avoir vu le film à la télé est absolument hilarante. Elle le serait sans doute moins si elle n’était racontée dans ce jargon à l’accent si particulier très caractéristique et fleuri que les jeunes emploient aujourd’hui. Si les garçons semblent relativement démunis face à un avenir incertain, les filles au contraire sont particulièrement positives et prennent leur destin en mains avec une grande détermination.
Les réalisateurs et l’acteur, tous trois d’Aubervilliers, posent un regard bienveillant sur leur ville, sans indulgence ni misérabilisme. En effet, Carine May est toujours institutrice en maternelle rue des Cités précisément. Le réalisateur Hakim Zouani a été quant à lui animateur socio-culturel dans la cité où il a rencontré Tarek Aggoun qu’ils ont choisi comme acteur principal. Il continue aujourd’hui à s’occuper de la formation des jeunes à l’audio-visuel. Ils tiennent à montrer la vie et les projets qui bouillonnent même en banlieue, loin des clichés axés sur la délinquance. Concernés et impliqués, ils nous offrent un film humain et généreux d’une honnêteté indiscutable. Le tournage d’un court et d’un long métrages de fiction du désormais indissociable duo nous assure que nous allons pouvoir continuer à suivre le travail prometteur de Carine et Haki, et souhaiter que Tarek trouve des réalisateurs qui l'engagent.
Ils sont par ailleurs tous les trois vraiment sympathiques !
Luce est frappée par la grâce divine dès sa plus tendre enfance ! Toute petite en 1916, elle collectionne les images pieuses et serre le curé du village sur son coeur dès qu'il apparaît. Elle lève les yeux vers le ciel. C'est beau le ciel, y'a Dieu dedans. Nous retrouvons Luce qui est devenue sans surprise Soeur Luce en 1943 infirmière et religieuse à Périgueux. Elle soigne indifféremment allemands et résistants jusqu'à ce qu'elle croise la route d'un aumônier maquisard blessé, Martial. La guerre et la cruauté des hommes ont eu raison de la foi de Martial et Luce jusque là envahie de l'amour de Dieu se sent de plus en plus irrésistiblement attirée par Martial. Mais Dieu lâche la main de Luce qui s'offre à Martial qui la viole avec son consentement... Et Martial abandonne Luce avec quelques remords mais pas trop. Alors Luce devient folle et se venge !
Bon, je n'ai pas aimé. Je n'ai pas été touchée par ce film froid qui parle de passion pourtant sans jamais en être animé. Mais mon voisin de gauche m'a suppliée de mettre une * et je ne peux rien lui refuser. J'aurais mis une ° si je n'étais si faible tant l'ennui s'est emparé de moi assez rapidement. L'interprétation catastrophique des maquisards figés comme des statues, la mollesse et le manque total de charisme d'Eric Caravaca, acteur voûté souffreteux, les séances de diapos sur le Périgord en automne n'arrangent rien. J'ai l'impression que le réalisateur a confondu austérité et froideur car son film glacial et sans âme (un comble !) a finalement suscité chez moi plus de gêne que de compréhension et d'empathie.
C'est d'autant plus regrettable que les sujets : la perte de la foi, la folie, l'absence de pardon, la vengeance, la justice des hommes laissaient entrevoir de belles espérances. Encore plus déplorable même que deux acteurs dominent et s'extraient totalement de la fadeur ambiante. Jacques Spiesser en évêque qui place très haut les responsabilités de sa charge. Et surtout Céline Sallette, la pauvre ! tellement possédée par son bouleversant personnage qu'on regrette vraiment que le film ne soit pas à la hauteur de son interprétation fébrile et de son beau visage fatigué.
Au fait, ce film est tiré d'une histoire vraie. Si ça peut vous inciter !
Petit rappel du propos pour ceux qui n'auraient ni lu les pavés de Stieg Larson (c'est mon cas, mais cette fois j'ai envie !) ni vu la précédente version suédoise d'un réalisateur qui n'a pas imprimé la pellicule (pardon à la famille) : Mikael Blomkvist journaliste star de la revue "Millenium" perd un procès en diffamation contre un industriel. Henrik Vanger, grand magnat suédois lui aussi, profite de cet échec et de la mise à l'écart de Mikael et lui propose d'enquêter sur le meurtre de sa jeune nièce Harriet 40 ans plus tôt. Le coupable n'a jamais été retrouvé mais il s'emploie depuis 40 ans à envoyer un cadeau très personnalisé au vieil homme convaincu que c'est un membre de son abominable famille qui en est responsable. Mikael accepte et se voit imposer la présence comme co-enquêtrice de Lisbeth Salander, hackeuse informaticienne exceptionnelle mais jeune femme étrange, solitaire au passé et aux comportements troubles et troublants. La complémentarité des deux va faire des miracles et mener rapidement sur la piste d'un serial killer d'une cruauté sans nom et à percer les secrets pas reluisants d'une famille détestable.
Difficile d'éviter la comparaison avec la précédente adaptation qui n'est vraiment pas à l'avantage de la version suédoise même si sa médiocrité donnait néanmoins l'envie irrépressible d'en savoir plus et surtout de connaître le sort de Lisbeth Salander. Difficile aussi d'éviter les superlatifs tant cet opus "fincherien" place haut ce thriller horrifique dans la catégorie des grands épisodes du genre. Et pourtant, s'il n'y avait la présence de Daniel Craig (parfait, plus que parfait, j'y reviendrai) je ne me serais sans doute pas précipitée pour voir un film dont je connais déjà parfaitement le dénouement. Malgré cela, le réalisateur triomphe de cette histoire connue par sa façon unique, judicieuse et efficace de démêler l'écheveau qui trace la piste du criminel. Il nous plonge au coeur de l'enquête, minitieusement décryptée par ses deux limiers de choc, un peu comme dans son inoubliable "Se7en", modèle inégalé du genre. Alors qu'est-ce qui fait la différence avec la tentative suédoise ? Fincher approfondit tout, ne laisse rien en suspens et décortique l'intrigue et les personnages en les rognant jusqu'à la substantifique moëlle ! Evidemment, il se concentre plus intensément sur Lisbeth et Mikael dont la personnalité et le charisme font merveille mais aussi sur leur relation plus plausible voire attendrissante ici. Si Noomi Rapace était absolument seule à soutenir sur ses frêles épaules éprouvées le personnage monstrueux de Lisbeth et le film tout entier, ils sont deux ici et les personnages secondaires ne sont pas pour autant négligés. Bien sûr la famille offre à voir une belle collection de pourris certes assez monolythiques mais en une seule réplique le réalisateur règle son compte à la prétendue neutralité suédoise lors de la seconde guerre mondiale grâce au personnage du vieux Vanger qui croupit dans ses souvenirs nazis. Tous les membres de cette famille désunie qui continue néanmoins de vivre sur le même îlot, loin des regards du monde s'observent les uns les autres, ne se parlent plus depuis de nombreuses années. Tous cachent des secrets qu'ils éludent et sont plutôt enclins à accabler les autres. Il faut dire qu'ils n'ont jamais rien fait d'autre que vivre bercés par la haine, la barbarie, les scandales...
Au milieu de ce panier de crabes nauséabond s'installent donc Lisbeth et Mikaël à qui l'on met à disposition une petite maison sur l'île pour les besoins de l'enquête. Ils sont au centre de l'histoire, au coeur du film et on se désintéresse presque de l'enquête pour les suivre eux, pas à pas ! Ils lui donnent son âme. La première apparition de Daniel Craig en Mikael Blomkvist est rassurante et formidable. On oublie immédiatement James Bond. Séduisant, élégant, déterminé, il est ce journaliste opiniâtre, intellectuel mais le côté sportif inébranlable rompu à toutes les situations est gommé. C'est d'ailleurs la frêle Lisbeth qui le sauvera d'une bien fâcheuse posture. La fragilité nouvelle de Daniel Craig qui résiste (très peu) à Lisbeth en lui disant "je suis trop vieux pour toi" est touchante et absolument crédible. C'est lui qui aura un haut le coeur devant le cadavre d'un chat, pas elle. C'est lui qu'elle recoudra avec du fil dentaire lorsqu'il sera blessé... L'humour de leur improbable couple pourtant évident (oui je sais c'est contradictoire !) fait mouche à plusieurs reprises.
Le film, d'une efficacité remarquable est donc encore enrichi par l'interprétation subtile et magistrale de Daniel Craig et Rooney Mara. Venons en à Rooney Mara. On l'a échappé belle, je viens juste de lire que Léa Seydoux a passé des essais... Le cas Lisbeth Salander donc, héroïne invraisemblable au look agressif et pourtant qu'on a envie d'aimer, de protéger, de sauver. On s'y attache. Noomi Rapace était déjà responsable du seul intérêt, pardon d'y revenir encore, du film suédois. Elle était fabuleuse, extraordinaire, inoubliable. Tant et si bien qu'imaginer une autre actrice pour l'interpréter relevait pour moi de la haute trahison. Evidemment, avoir échappé à Léa Seydoux est rassurant. Mais il se trouve que Rooney Mara s'empare du personnage de Lisbeth et nous la rend indispensable. On s'attache très fort à cette fille à l'enfance et à la vie totalement brisées. Sa démarche rapide et un peu voûtée, sa façon de longer les murs tête baissée pour tenter de passer inaperçue, son regard fuyant, méfiant, inquiet... tout dans ses attitudes contraste avec son look voyant, provoc' et agressif. C'est comme si elle cherchait à disparaître tout en étant très voyante. La noirceur de ses cheveux, ses sourcils blonds, ses piercings, ses multiples tatouages, ses coiffures, son apparence très travaillée ajoutent encore à l'étrangeté du personnage. Et son travestissement vers la fin de l'épisode révèle une fille d'une beauté et d'une élégance époustouflantes. Cette Lisbeth au passé catastrophique et perturbant n'en finit pas d'endurer des épisodes traumatisants. Les scènes avec son nouveau tuteur (elle est pupille de la nation déclarée irresponsable et placée sous tutelle) sont d'une rage et d'une cruauté comme on n'en voit peu. Elle aurait pu développer une haine farouche et tenace de l'humanité mais elle est encore capable d'éprouver des sentiments envers son ancien tuteur hélas victime d'un AVC et il semble évident que son attirance pour Mikael se transforme en un attachement qui la surprend elle-même. Mais cette nunuche de Mikael paraît aveugle malgré ses lunettes d'intello... Et la dernière scène est un crève-coeur !
Lisbeth Salander est irrésistible, Rooney Mara est exceptionnelle.
3 hommes et 2 femmes sont amis depuis des années, des décennies même. Leur particularité est d'avoir entre 70 et 80 ans environ. Mais leur amitié n'a jamais été entamée, ni par les années qui s'accumulent ni par les quelques coups de canif dans certains contrats comme nous l'apprendrons au cours de l'histoire. Suite à un ennui cardiaque Claude est "placé" dans une maison de retraite par son grand fils de 50 ans qui s'inquiète. En lui rendant visite, ses amis réalisent qu'il est dans un mouroir et refusent de l'y laisser. Ils décident donc, pour prendre soin des uns et des autres, de s'installer tous ensemble dans la grande maison de Jean et Annie avec Jeanne et Albert qui lui, commence à perdre un peu la carte...
Ce film serait presque une bouffée d'air pur s'il ne fichait autant le cafard et après avoir vu l'horreur qui parle des 30/40 ans récemment, loin de moi l'idée de faire du "vieillisme" pour contrer le jeunisme ambiant ! Il n'en demeure pas moins que le film précédent m'a semblé interminable alors que j'ai passé 1 h 36 formidable en compagnie de ces vieux. Car ici, même si la réalisation n'a rien de révolutionnaire, les thèmes abordés sont pour le moins largement tabous au cinéma et on ne prend pas de gants mapa (ceux qui ont vu l'horreur comprendront !!!) pour appeler un vieux un vieux ! Car c'est ce qu'ils sont ces 5 là, vieux, voire très et pas bien en forme pour certains. Alors évidemment cette chronique manque de rythme mais le tempo est largement compensé par l'énergie du casting quatre étoiles réjouissant qui n'éprouve aucun embarras à parler parfois crûment de la sexualité de leur troisième quatrième âge, de la mort, de leur "avenir" à très court terme... Cela brise le coeur parfois car il me semble difficile de ne pas s'identifier ou identifier une situation que chacun peut connaître et que la société et la famille ne résolvent pas.
Néanmoins, cela fait un bien fou de retrouver Claude Rich en vieux bourreau des coeurs qui s'interroge encore sur son pouvoir de séduction, le lunaire Pierre Richard tout perdu et aux prises avec une mémoire qui décline de jour en jour, Guy Bedos qui n'a rien perdu de sa colère militante, Géraldine Chaplin adorable vieille dame qui emploie encore les artifices d'une jeûnette pour calmer son colérique époux, et puis Jane Fonda si belle, si positive qui envisage la mort en souriant, mais dans un joli cercueil rose.