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cinéma - Page 243

  • AMORE de Luca Guadagnino **

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    C'est l'histoire d'une riche famille industrielle du Nord de l'Italie mais surtout d'Emma, mariée à Tancredi. Elle est mère de trois enfants et mène avec beaucoup de panache et de dévotion sa vie de femme du monde entre les luxueuses réceptions qu'elle donne dans sa maison-palais. Lors de l'anniversaire du patriarche, père de Tancredi, ce dernier lui transmet ainsi qu'à son fils l'entreprise familiale. Mais la passion qu'Emma va nourrir pour Antonio, un jeune cuisinier ami de son fils, va bouleverser et faire exploser les carcans qui l'écrasent. Un drame insurmontable va encore amplifier la révolution qui va déstabiliser les Recchi.

    C'est un film d'une ambition folle et démesurée qui par certains côtés, écrasé de ses références cinéphiles évidentes semble d'un autre âge. En effet, il m'apparaît complètement anachronique dans le cinéma d'aujourd'hui de s'intéresser à une grande famille capitaliste tant ses membres ont l'air déconnectés de la vie telle que le commun des mortels (dont je suis) la connaît. Je ne pense pas que ce qui m'a gênée soit la succession des styles, c'est même plutôt un bonheur de passer sans transition de Visconti à Hitchcock (même le chignon de Tilda Swinton IMPERIALE est Hitchcockien ainsi que cette « poursuite » dans San Remo copiée sur celle de « Vertigo ») mais la déception entre les sommets passionnants atteints et les profonds creux dans lesquels s'insinue un abyssal ennui. La très très longue scène d'introduction qui nous installe dans un dîner guindé où semble déjà planer le(s) futur(s) drame(s), nous promène dans cette maison musée pleine de marbre, d'escaliers, de pièces sombres, à la fois immense et étouffante... et malgré la longueur de cette scène, je n'ai pas réussi à comprendre parfaitement qui est qui (surtout les enfants, et certains invités...). Et je me suis plusieurs fois pendant la première heure, demandée quand l'histoire allait commencer.

    Par la suite, il y aura des coups d'accélérateur infernaux et vraiment saisissants qui m'ont clouée au fauteuil... puis de nouveau le calme, des plans fixes à la limite écœurant sur certains plats, une scène de sexe pas bien passionnante car pas bien passionnée. Et il faut reconnaître que le jeune partenaire de Tilda Swinton n'est pas, mais vraiment pas à la hauteur... Et pourtant j'ai vraiment l'impression qu'on était pas loin de tenir un chef d'oeuvre ! A quoi ça tient ?

     

    Par contre, Tilda Swinton magnifique, énigmatique, forte et fragile, parfois perdue, d'autres fois rassurante, mère, amante est le point positif irréprochable de ce film étrange. Cette actrice est immense et son investissement dans ce beau rôle est remarquable. Mais...

  • SIMON WERNER A DISPARU de Fabrice Gobert **

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    Pour ses 18 ans, les parents de Jérémie lui laissent la maison afin qu'il puisse fêter dignement l'événement... comprendre : avec l'ampli poussé à 24, de l'alcool à tous les étages et des préservatifs dans les poches, on sait jamais, ça peut servir. Laetitia et Frédéric s'éloignent un peu de la fête et découvre un cadavre dans la forêt qui borde le quartier. S'agit-il de Simon Werner qui a disparu du lycée il y a une dizaine de jours ? Une autre élève disparaît à son tour, puis un troisième...

    La belle idée de ce film est son savant montage qui à trois reprises va revenir en arrière en nous donnant la vision des choses et des événements selon trois points de vue différents. Suivant ce que chaque personnage objet chacun d'un chapitre, a vécu, on appréhendera les tenants et aboutissants sous plusieurs angles et aspects. Cette façon de chahuter la perception que l'on se fait de ce que l'on voit est toujours passionnante car on peut vérifier à quel point il est facile d'interpréter et évidemment de porter un jugement hâtif donc imparfait qui se révèlera forcément faux ou pas.

    Le réalisateur semble se moquer et détourner les codes du "teen movie", genre que je ne goûte pas particulièrement n'est-ce pas Gaël ? dès lors qu'il s'agit d'endurer les jérémiades soupirantes de pieuvres ou les questionnements existentiello-bourgeois lolesques kikoo lol MDR... mais que je ne connais pas trop finalement. L'intrigue se situe dans une banlieue indéterminée et plus particulièrement dans une cité proprette où chaque petite maison "ça m'suffit" avec garage deux voitures et jardinet ressemble à la suivante comme à la précédente. Et à la sortie de cette cité, une forêt va offrir toutes les possibilités pour laisser galoper l'imagination. Plutôt que de jouer aux apprentis Sherlock Holmes, les lycéens intrigués par ces disparitions vont gamberger et envisager toutes les explications possibles et imaginables, donnant à chaque protagoniste (profs, entraîneur de foot, élèves...) des intentions, un mystère ou des arrière-pensées qu'il n'a pas forcément.

    La résolution peut-être un peu décevante n'empêche pas ce film de jouer délicieusement avec nos nerfs. En outre, le fait que l'histoire se déroule en 1992 permet d'éviter l'utilisation abondante des portables et autres ordinateurs miraculeusement absents. Et puis surtout on peut découvrir de jeunes acteurs impressionnants (exploit : jamais agaçants !), très à l'aise et qui n'ont pas l'air de réciter des tirades qui ne leur conviennent pas mais dont les conversations naturelles semblent absolument prises sur le vif. Ana Girardot fille (et portrait craché) d'Hyppolite est délicieuse et charmante en belle du lycée convoitée par tous les garçons. Et Jules Pélissier, d'un naturel impressionnant sont les deux excellentes surprises de ce joli film, un peu hypnotique bercé par la musique de Sonic Youth (plus grand groupe mondial, il paraît...).

  • MANGE, PRIE, AIME de Ryan Murphy °°

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    Une new-yorkaise neurasthénique divorce. On comprend un peu, le mari c'est Billy Crudup aussi insipide que quand il était bleu. De mélancolique elle devient dépressive mais pas tant que ça puisque, pleine aux as, elle peut prendre une année sabbatique (de toute façon, elle ne semblait pas accablée de boulot) et décide de partir à la conquête du monde "chercher son mot"* en pasant par l'Italie (Rome, Naples) où elle mangera, l'Inde où elle priera et Bali où elle aimera (d'où le titre, MDR non ?).

    Fuyez pauvres fous, ne commettez pas ma boulette, refusez de voir le navet des navets de l'année. Sans Gérard Butler, ça paraît inconcevable et pourtant croyez moi sur parole. Film plus con, depuis les spartiaaaaaaaaaaaates, j'avais pas vu... et puis, eux au moins, avaient l'avantage de me faire rire dès qu'ils postillonnaient. Faire un film à la gloire et à la beauté d'une actrice, why not... encore faut-il tenter de la diriger un chouya et ne pas la laisser prendre les commandes. Julia, insupportable comme je ne me souviens pas qu'elle l'ait été est une péronnelle exaspérante qui plisse ses grands yeux orange de chat, balade son sourire mielleux ou angélique à 48 dents et ses torrents de larmes à travers la planète sans oublier de déverser sa bonté, sa générosité, sa gentillesse, sa douceur, sa mansuétude, n'en jetez plus la cour est pleine, sur tout ce qui remue à proximité de sa seigneurie. A peine débarque t'elle dans un pays dont elle ne connaît pas la langue, seule comme une chienne, elle se fait des amis à la vie à la mort qui lui confient leur vie, leur âme et leurs économies.

    La vie est tellement simple quand on a sourire plein de dents !

    A Rome nous aurons l'honneur de contempler son Altesse déguster des spaghetti bolognèses sur la Piazza Navona en souriant plus bêtement que ça tu meurs. A Naples, une pizza fera le bonheur de son Excellence. Grassouillettes du monde entier, soyons rassurées, Mama Julia est là et nous donne une leçon de "accepte toi avec ton gras sur le bide, moi-même qui te parle j'ai acheté un jean une taille au-dessus et j'ai trouvé le bonheur". Hi hi hi hi hi fait la bécasse.

    Répandre la bonne parole en Italie ne l'empêchera pas de poursuivre son périple jusqu'en Inde dans un Ashram (my ass) qui ressemble plus à un palace 5 étoiles qu'a un ermitage. Passons. Là, elle se liera à la vie à la mort à un gus Hare Krishna (Richard Jenkins, mauvais comme un cochon, faut le faire !), le genre cynique qui se croit drôle et sait tout sur tout, qui la surnommera "Casse-croute" hihihihi fait l'andouille, mais qui cache un accablant secret larmoyant et tarabiscoté bien comme il faut. Elle fera copine aussi avec une petite minette de 17 ans qu'on marie de force à un type moche qu'elle n'aime pas. Mais Julia posera son regard humide sur elle le jour des noces et ainsi l'union sera bénie. Halleluyah. Elle priera beaucoup beaucoup et finira par comprendre que Dieu est partout dans ton toi qui est toi, ou un truc comme ça. Elle peut donc aller, sourire et larmes en bandoulière, à Bali séjourner dans une prestigieuse et luxueuse villa à 3 000 €uros la nuit, mais comme c'est hors saison on lui fera un prix. De temps en temps elle va voir un vieil édenté assis en tailleur qui parle comme Yoda et qui révèlera la clé du secret de la béatitude à Julia : "ris avec ton foie !". Que je sois changée en Gérard Butler si je vous mens !!!

    Et là,

    sonnez hautbois, résonnez musettes, jouez violons, sonnez crécelles,

     

    miracle en Alabama, bonheur et plénitude, jouissance, délice, douceur et félicité. Hosannah au plus haut des cieux... Pour nous remercier d'avoir résisté deux heures (la totalité dure 2 h 1/2... un supplice, même Jésus sur la croix n'a pas eu à regarder ce film !), le réalisateur nous envoie un sauveur, un bienfaiteur, un rédempteur, LE MESSIE, et il s'appelle Felipe... ou plus exactement Javier Bardem (scuze Péné, tu peux nous le prêter cinq minutes, on te l'abîmera pas).

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    Et bien croyez moi pas si vous voulez mais dans cette soupe visqueuse, dégoulinante de sirop gluant, de guimauve collante, de clichés stupides, où tous les acteurs sont plus mauvais, exécrables et agaçants les uns que les autres tellement ils font ou disent de choses idiotes, LUI, le beau, le grand, l'incroyable Javier ne sombre pas dans le mélo romantico bébête pour midinettes. Il réussit même à élever chaque moment où il apparaît, à être émouvant dans une scène pas évidente avec son grand fils de 19 ans, à garder son calme, son charme et sa crédibilité alors que la furie névrosée fait ses crises de nerfs existentielles, à être touchant, fragile, bref complètement craquant. Dans un tel rutabaga**, c'est un exploit ! Grâce à lui, ce film anémique et con comme la lune ne remporte que °° au lieu de °°°

     

    *oui, nous avons tous un mot qui nous représente, nous identifie, nous... et puis merde, cherchez pas à comprendre !

    **Le Rutabaga (brassica napobrassica) encore appelé chou-navet, choux de Siam, choux suédois est un légume racine appartenant à la famille des brassicacées comme le navet. 

    C'est pour ça.

  • HORS LA LOI de Rachid Bouchareb ***

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    Chassée de ses terres par des colons français, une famille algérienne (3 garçons, 2 filles et les parents) s'installe à Sétif. Le 8 mai 1945, la population fête la fin de la guerre et profite de ce rassemblement pour revendiquer l'indépendance de l'Algérie. La manifestation se transforme en massacre lorsqu'un policier tire sur un jeune homme. Le père et les deux filles sont tués lors des émeutes. Abdelkader est emprisonné en France comme opposant politique et s'engagera dans le Front de Libération Nationale (FLN) à sa sortie de prison, l'aîné Messaoud le rejoindra de retour d'Indochine, tandis que le plus jeune Saïd s'installera avec sa mère dans un bidonville de Nanterre (saisissante reconstitution) avant de devenir proxénète à Pigalle puis associé dans une boîte de nuit avant de faire fortune dans les combats de boxe.

    Ce n'est pas une leçon d'histoire que nous donne Rachid Bouchareb mais à travers les difficultés d'une famille marquée et secouée par les événements qui ont jalonné l'histoire de l'Algérie, mais surtout celle des algériens de France, il retrace le destin de trois frères qui avaient comme point d'ancrage l'amour indéfectible de leur mère. Des français de France nous ne verrons que les policiers. C'est donc bien du seul point de vue des algériens que le film se situe. Et c'est passionnant parce que le réalisateur nous détaille trois perspectives, trois façons de choisir ou pas de s'en sortir, trois manières différentes de vivre un engagement ou de décider qu'il faut s'en sortir coûte que coûte.

    Ce cinéma a belle allure, c'est un cinéma ample, lyrique et passionné, ponctué de scènes d'action efficaces et puissantes, d'autres plus intimistes. Rachid Bouchareb est à l'aise dans ces deux extrêmes. Film de gangsters, chronique politique, saga familiale, petite histoire des "petites" gens intégrée dans la Grande, "Hors la loi" est tout ça, c'est-à-dire éminemment populaire au très bon sens du terme, jamais prétentieux ou péremptoire mais toujours sincère et romanesque, donc accessible et captivant.

    Incontestable directeur d'acteurs accompli, Rachid Bouchareb réunit pour la deuxième fois son prestigieux casting quatre étoiles (sauf Samy Nacéri, hélas) d'"Indigènes", qui accomplit cette fois encore des prouesses et des miracles. Il faut dire qu'avec ces quatre là, il joue sur du velours. Sami Bouajila s'est emparé du rôle d'Abdelkader l'activiste forcené prêt à tout sacrifier au FLN même ses frères avec une telle détermination qu'il en fait presque peur. Son investissement est tellement radical qu'il en perd parfois toute humanité. Il ne s'accorde aucun répit dans sa lutte mais c'est pourtant à son grand frère Messaoud qu'il laisse le soin d'accomplir toutes les sales besognes. On ne sait jamais tout à fait si c'est à la cause ou à son frère que ce dernier est le plus dévoué. En tout cas, Roschdy Zem, constamment en lutte contre ses états d'âme et sa mauvaise conscience est un colosse aux pieds d'argile absolument fascinant. Jamel Debouze, toujours meilleur, toujours différent, est Saïd, le petit caïd de Pigalle qui refuse de "faire l'esclave chez Renault" et trouve les combines pour s'en sortir confortablement.

    Evidemment je n'oublie pas Bernard Blancan, ici colonel Faivre de la DST, ancien résistant qui continue après la fin de la guerre à faire son boulot "pour la France". Inflexible mais sûr de son engagement patriotique, il est ce flic appliqué néanmoins capable de respecter et d'admirer son adversaire au point de lui dire qu'ils auraient pu faire partie du même réseau de résistance. A ce titre Sami Bouajila et lui ont l'avantage de partager l'une des plus belles et plus fortes scènes du film. C'est aussi à Bernard que revient la très belle réplique finale au double sens et l'on décèle sous l'apparence imperturbable, l'humanité et la désillusion.

     

    NB : si vous ne l'aviez pas regardée en mai, je vous invite à (re)voir la vidéo de l'interview que Sandra M. avait faite de Bernard Blancan à Cannes, mais surtout à aller voir le film évidemment.

  • BENDA BILILI de Renaud Barret, Florent de La Tullaye ****

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    "On" m'a conseillé à plusieurs reprises d'aller voir ce film, en me le vantant ainsi : "il donne une pêche d'enfer !". Et puis bon, voir des handicapés taper sur des boîtes en ferraille j'avais moyen envie, d'autant que j'avais entendu un extrait et que la musique m'avait semblé plus qu'approximative (alors qu'il n'en est rien). Et puis l'autre jour, j'ai entendu dans mon France Inter, Renaud Barret (l'un des deux réalisateurs) parler, non seulement du film, mais aussi du pays où il a été tourné le Congo et des membres du "Staff Benda Bilili" (qui signifie "au-delà des apparences"), ce groupe improbable de 5 handicapés et 3 valides qui fait de la musique comme on respire, pour vivre, mais aussi pour survivre. Avec des instruments pourris ou bricolés, mais des voix en or, ils composent leurs chansons qui parlent de la difficulté de vivre (handicapés ou non) dans un pays et dans une ville Kinshasa, la capitale pourtant (on n'ose imaginer dans quel état est le reste du pays !) dont j'apprends que 95 % vit dans une pauvreté totale..., mais sur des rythmes de folie (bossa, blues...) qui donnent envie de sauter partout. C'est Ricky qui a réuni tous les membres du groupe et qui rêve de devenir le meilleur orchestre du Congo.

    Alors je dirai que non, ce film ne m'a pas donné une pêche d'enfer, il m'a bouleversée mais révoltéé aussi, émue, amusée, emportée. J'espère qu'il passe encore près de chez vous et que vous allez y courir et que comme moi, vous achèterez le disque en sortant car l'histoire de ce groupe est absolument incroyable et extraordinaire, belle, cruelle et brutale.

    Armés d'une patience, d'une énergie et d'une volonté que rien n'entame les Benda Bilili vont mettre à peu près 5 ans avant de pouvoir enregistrer leur disque grâce à la rencontre un peu miraculeuse avec les réalisateurs. Le groupe sera même obligé de se séparer pendant une année au terme de laquelle Ricky part à la recherche de tous ses musiciens qui recommencent l'aventure avec le même entêtement. Ce qui rend ce film si fort et attachant c'est que les réalisateurs ne se concentrent pas uniquement sur les étapes de cette success story qui mènent le Staff au triomphe lors des Eurockéennes de Belfort mais aussi aux conditions de vie de tous ces membres et de la population en général. Ils dorment dans la rue sur des "toncars" comme ils le chantent. Ils avaient la possibilité d'être hébergés dans un Centre qui accueille les handicapés mais il a intégralement brûlé lors d'un incendie... Hommes, femmes et enfants se sont retrouvés à la rue sans que personne ne s'en émeuve. Alors qu'ils ont absolument tout perdu du peu qu'ils avaient, Ricky dira face caméra : "c'est la vie, ce sont des choses qui arrivent". Bon.

    On surprend une conversation dans laquelle deux ados s'interrogent et s'étonnent du fait que leurs aînés veulent absolument se rendre en Europe. "Qu'est-ce que c'est l'Europe ?" dit l'un d'eux. "Ben, c'est un pays où tout le monde ne peut pas entrer et qui a été créé pour que les habitants puissent se comparer à nous !". On sourit devant le sérieux naïf de la conversation et on est écoeuré de constater encore et encore que quasiment tout un continent est dans cet état d'ignorance et de pauvreté extrêmes.

    D'autres répliques font sourire car l'humour fait partie de leur kit de survie. En se rendant à Belfort en bus depuis Orly, voici ce qu'on entend :

    - En tout cas c'est une jolie ville BeDfort.

    - Oh oui, et qu'est-ce qu'ils sont gros leurs poulets !

    - Ben oui, les maigres ils nous les vendent.

    - Oui mais ils nous les vendent pas cher."

    Et tous éclatent de rire !

    Et dans ce film, il y a une star. C'est Roger qui avait 13 ans au début de l'histoire et qui souhaitait plus que tout rejoindre les stars du ghetto. Il a créé un instrument le "satongé", qu'il appelle pompeusement guitare monocorde et qui est constituée d'un arc de bois planté dans une boîte de conserve reliés par un fil de fer. Il en sort des sons absolument inédits, inouïs et stupéfiants. Bien qu'il ne soit jamais allé à l'école, il n'a jamais sombré dans la délinquance grâce à cette passion. Mais en le voyant sur la scène des Eurockéennes mettre le feu à la foule en délire, on ne doute pas que ce petit gars va s'en sortir et qu'il va pouvoir être enfin la fierté de sa maman.

    Le voici avec son drôle d'instrument dans les mains : 

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  • THE TOWN de Ben Affleck ***

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    Doug et sa bande braquent des banques dissimulés sous des masques de carnaval très choupis qui les rendent évidemment méconnaisables. Lorsque Claire, directrice de banque, rencontre et tombe sous le charme de l'adorable Doug, elle ne se doute pas que c'est lui et ses acolytes qui l'ont récemment prise en otage puis relachée. Très perturbée par cette expérience traumatisante Claire va se confier mais faire également l'objet d'une surveillance rapprochée de la part du FBI qui ne tarde pas à la croire complice du gang. Quant à Doug, il cherche à raccrocher mais est, comme souvent dans le monde des truands, rattrapé par le fameux "dernier coup" qui le mettrait à l'abri du besoin mais ne va pas se passer idéalement comme prévu.

    Je n'ai jamais bien compris l'acharnement contre Ben Affleck, acteur éminemment sympathique je trouve (alors que certains GB ou SW sévissent impunément...), en tout cas, mine de rien, il est en train de se créer une belle réputation en tant que réalisateur, et c'est tant mieux. Après un Gone, Baby gone déjà formidable en 2007, il confirme qu'il aime filmer Boston, la ville où il a grandi, et qu'elle se prête merveilleusement bien à sa romance sur fond d'histoire de voyous. Le quartier de Charlestown où l'action se situe détient paraît-il le record mondial des braquages de banques et attaques de fourgons blindés au km2.

    Si Ben Affleck ne renouvelle pas le film de gangsters et qu'il emprunte même pour certaines séquences à de illustres aînés il n'en demeure pas moins un divertissement solide et efficace qui délivre une bonne dose d'adrénaline notamment dans les scènes d'action, mais pas uniquement. Comme dans tout bon film de gangsters on se prend vraiment de sympathie pour le héros truand qui cherche à décrocher alors que les événements ne vont cesser de contrarier cette volonté.

    Le réalisateur (je lui pardonne de ne pas avoir trouvé de rôle pour son frangin MON Casey) s'appuie également sur un casting solide et bien dirigé. Il incarne d'ailleurs avec beaucoup de justesse ce Doug pris entre romantisme et violence. Les filles sont formidables, la délicieuse Rebecca Hall d'abord qui se frotte à ce monde de malfrats en toute innocence, l'étoile montante Blake Lively ensuite, championne du monde des rôles à transformation, ici vulgaire et touchante en amoureuse sacrifiée. Quant aux garçons, j'ai remarqué John Hamm, absolument parfait dans le rôle de l'agent du FBI teigneux, implacable et obstiné. Le grand Chris Cooper emporte le morceau en une belle scène de parloir. Pete Postlethwaite est effrayant en fleuriste impitoyable à l'apparence inoffensive. Quant à Jeremy Renner, il nous rejoue à l'identique et sans nuances, la seule partition qu'il connaisse, celle du chien fou imprévisible. Bof pour lui.

    Pour le reste c'est un sans faute, et j'attends avec impatience le prochain Ben Affleck (avec Casey s'il te plaît Benichou...) !

  • THE RUNAWAYS de Floria Sigismondi **

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    En 1975, deux petites poulettes de 16 ans mal aimées et totalement paumées, mais musiciennes et très préoccupées par leur look croisent la route d'un type complètement barge mais qui a du flair et décide d'en faire des stars à la hauteur des Beatles. Cet allumé est impresario et sent bien tout ce qu'il peut tirer en faisant de ces filles différentes un "produit". Sexe, drogue et rock and roll sont au rendez-vous et auront raison du groupe qui sera formé et ne (sur)vivra que 3 années. Il paraît que ces nanas sont les précurseurs du mouvement punk et qu'elles ont changé la musique pour toujours... ben dis donc.

    Je me souviens parfaitement du toujours électrisant "I love rock and roll" mais j'aurais été bien incapable d'en citer l'interprète. Il s'agit de Joan Jett qui sera en fait la seule à poursuivre une carrière solo après que le groupe soit mort de sa belle mort, les autres et notamment Cheri Currie, la poupée Barbie trash du groupe, ayant laissé pas mal de plumes dans la consommation à hautes doses de toute sorte de substances.

    Le film n'est pas calqué sur le biopic ordinaire qui enchaîne en général l'enfance traumatique, la gloire puis la déchéance. Il semble qu'il y ait une véritable histoire d'amour inaboutie entre Joan et Cheri. La réalisatrice insiste sur l'auto destruction de petites pin up talentueuses qui gobent des cachetons et sniffent des trucs par poignées jusqu'à en tomber. J'aurais aimé qu'elle s'attarde plus sur certains aspects à peine survolés. D'abord, on a un peu de mal à se rendre compte que Joan Jett est une guitariste surdouée. A peine gratouille t'elle quelques morceaux sur sa guitare. Ensuite, le côté féministe des demoiselles me semblent assez primordial et complètement éludé ici. Il en fallait une sacrée paire pour oser les premières et si jeunes se frotter à un milieu exclusivement macho-masculin qui leur fait bien sentir qu'elles ne sont pas les bienvenues. Enfin, la gloire mal assumée, mal vécue parce qu'elles sont mal accompagnées, de ces filles à peine sorties de l'enfance aurait également mérité un traitement plus approfondi.
    Quant au bruit et à l'énergie dégagés sur scène, on ne peut pas dire qu'ils m'aient transportée.

    Que reste t'il ? Deux actrices et un acteur. Kristen Stewart et Dakota Fanning sont méconnaissables et prouvent qu'elles peuvent se sortir des rôles où l'on rêve sans doute de les enfermer. La première, toute menue, sombre et solitaire, émeut grandement dans son rôle de grande fille qui semble entre autre ne pas assumer son homosexualité. J'entends encore les hurlements de Dakota Fanning lorsque son papa de cinéma, Tom Cruise, tentait de la sortir des griffes de vilains extra-terrestres. Elle a bien grandi, bien changé et son auto destruction est un vrai crève coeur. Quant à Michael Shannon, comme toujours, il est parfait en Frankenstein taré. Je me demande si ce type vit dans un hôpital psychiatrique et qu'on ne le sort que pour interpréter ces rôles de déglingos. 

  • CES AMOURS LÀ de Claude Lelouch **

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    Je sais que ça ne se fait pas trop, mais je ne peux pas m'en empêcher, j'aime Claude Lelouch, enfin, son cinéma (car je ne suis pas partageuse...), depuis toujours. Bien sûr, depuis quelques années et quelques films, il m'avait un peu déçue mais je restais fidèle en souvenir du bon vieux temps. Cela dit, il avait nettement repris du service avec "Roman de gare" en 2007, sorte de thriller littéraire, qui réussissait entre autre exploit de faire de Dominique Pinon un séducteur.

    Cette fois, c'est très très étrange ce qui se passe... Claude Lelouch refait quasiment à l'identique "Les uns et les autres" qui date de... je n'en reviens pas, 1981. Evidemment il y a quelques nuances et différences mais en gros, c'est la même chose. Sa caméra, étrangement peu virevoltante balaye la première partie du XXème siècle avec ses événements marquants (deux guerres mondiales, les camps de concentration, la libération, le débarquement...) et au centre, une héroïne qui tourbillonne d'amour en amour, d'homme en homme, échappe au sort réservé aux filles qui ont couché avec un allemand, traverse l'atlantique puis revient en France. C'est aussi grâce à une histoire toute en flash-backs que l'on va découvrir pourquoi Ilva dont la vie nous est contée, se retrouve au début du film dans un tribunal, accusée de meurtre.

    Voici donc une fille qui ne sait pas dire non, ou plutôt qui ne sait pas dire merci, ou plutôt qui ne connaît qu'une façon de dire merci : elle couche, elle tombe amoureuse, éventuellement elle épouse ! Une drôle de fille toute simple qui chamboule tous les garçons qu'elle croise, français, allemand, américain !

    Comme le dit Lelouch : "bien sûr qu'on peut aimer plusieurs fois, à condition que ce soit chaque fois un peu plus". Pourtant son Ilva, il la fait revenir à son premier amour, mais pas vraiment. Enfin bon, je ne vous raconte rien. Un film de Lelouch, c'est comme un livre, on tourne les pages, on déroule de la bobine. On se laisse emporter dès la première scène, lyrique XXL, ou on reste en dehors... et là, mieux vaut s'échapper si on n'adhère pas instantanément ! Moi, je me suis véritablement lovée dans mon fauteuil et pendant deux heures, je me suis laissée balader dans quelques décennies de cinéphilie que les films de Lelouch et les acteurs des films de Lelouch ont toujours accompagnée. Car oui, les péripéties d'Ilva finalement, on s'en cogne un peu. Ce qui compte ici c'est Lelouch, son regard, son enthousiasme, sa sincérité, son amour démesuré et communicatif du cinéma et des acteurs, la musique symphonique omniprésente, sa fidélité à certains acteurs, son don pour en découvrir d'autres auxquels on n'aurait pas pensé (Raphaël a l'air d'un ange et semble particulièrement à l'aise). Tous les excès et toute la passion de Lelouch sont dans ce film qui ressemble à un bilan. Alors bien sûr, il y a un chouya de mégalomanie (plusieurs extraits de son film Les Uns et les Autres), les scènes de camps de concentration sont ratées, voire gênantes, Liane Foly est exaspérante... mais il y a tout le reste. D'abord son incomparable direction d'acteurs, mais aussi sa façon unique de faire que la grande histoire du monde et la petite histoire des anonymes toujours se rejoignent logiquement avec tous ces hasards et ces coïncidences qu'il nous fait avaler comme des couleuvres. Mais ici, il crée un personnage qui n'est autre que lui-même, un petit garçon juif que sa maman a caché dans un cinéma à partir de 1942 pour lui éviter d'être découvert par la Gestapo. C'est ainsi que naît une passion... quand on s'intéresse de très près à ce qui se passe derrière l'écran ou dans la cabine de projection ! Et c'est émouvant de découvrir à quoi ça tient ce qu'on devient !

    Des extraits de films de l'époque où se situe la plus grande partie de l'action de "Ces amours là" sont inclus dans le film car le cinéma y tient une place déterminante. Ainsi peut-on revoir des passages de "Remorques", "Le jour se lève", "Hôtel du Nord" et "Autant en emporte le vent" et avoir le plaisir de retrouver Jean Gabin, Michelle Morgan, Arletty, Louis Jouvet, Clark Gable et... Scarlett. Et lorsqu'au générique défile les dizaines et les dizaines d'acteurs qui ont fréquenté les films de Lelouch on constate qu'il ne doit manquer aucun acteur français et ça donne une sacrée fringale de cinéma.

  • ALAIN CORNEAU

     7 août 1943 - 29 août 2010

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    Je regarde son étonnante filmographie et je m'aperçois qu'à part le premier, j'ai vu tous ses films et même si ceux de 2005 et (hélas !) 2010 ont été pour moi les moins réussis, il aura été l'un de ceux qui marquent à jamais une vie de cinéphile.

    Et s'il fallait n'en choisir et n'en retenir qu'un, ce serait, sans aucune hésitation celui-ci, pour son sujet audacieux, sa musique éblouissante, sa réalisation étourdissante et Guillaume... pour toujours.