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cinéma - Page 284

  • Synecdoche, New York de Charlie Kaufman ****

    Synecdoche, New York - Philip Seymour HoffmanSynecdoche, New York - Philip Seymour Hoffman

    Caden Cotard est metteur en scène de théâtre. Dépressif et hypocondriaque, son état ne s’arrange pas lorsque sa femme le quitte en emmenant leur fille, vivre sa vie d’artiste chébran à Berlin. Parfois il est terrassé par des crises de panique qui le paralysent. Il décide de créer une œuvre théâtrale dans un entrepôt gigantesque où une ville est reconstituée et où il fait jouer et rejouer sa vie par des comédiens ou des personnages « réels » qui se retrouvent à jouer leur propre rôle... A moins qu’il ne l’invente cette vie, à moins qu’il ne la rêve ou la cauchemarde. Peu importe.

    Ce film est vertigineux, fabuleux, démesuré, incontrôlable. Evidemment on pourrait le qualifier de « film dépressif » ce qui n’est pas un genre en soi mais qui résume assez bien l’atmosphère parfois asphyxiante qui saisit ici. Ce n’est pas grave, Charlie Kauman, le scénariste le plus barré d’Hollywood nous a habitués à ce qu’on sorte de ses films le cœur serré mais aussi rempli d’amour. Car oui, c’est bien d’amour dont il nous parle encore et toujours, même s’il est perdu ou jamais trouvé. Le héros de son film ne cesse de se tromper, de courir après une femme, sa femme, alors qu’il en repousse systématiquement et consciencieusement une autre transie d’amour, véritable et seul soleil de toute son existence.

    Ce film, c’est la vie ou « comme » la vie, passionnant, trépidant, épuisant, des chagrins inconsolables (la perte de sa femme, la mort de sa fille) et des instants de bonheur (une seule journée pour Caden !). Il nous dit qu’on ne peut y être figurant et s’y débattre comme fait le personnage sans intervenir ou en intervenant trop. Où est la mesure, l’équilibre ? Chacun a le premier rôle de sa vie dans un monde parfois obscur qu’il ne comprend pas forcément. C’est tellement simple et tellement complexe à la fois, tellement fou, tellement génial, tellement riche !

    Quand je pense que j’ai failli passer à côté de ce film à cause de ce que j’en ai lu : « pudding pirandellien », « propos confus », « métaphysique embuée », « réalisation brouillonne », « surenchère vaine », « sommet de vacuité » et j’en passe… Prenez toutes ces ‘sentences’, transcrivez exactement le contraire et vous approcherez de la réalité. Evidemment, c’est un labyrinthe parfois tumultueux, mais la vie n’est-elle pas aussi parfois, souvent compliquée, hésitante, difficile, imparfaite ? N’est-ce pas aussi tout ce qui en fait son charme et sa valeur inappréciable ? Ce film est un vertige je vous dis. Il s’est emparé de moi dans un tourbillon d’émotions allant jusqu’au déséquilibre mais jamais au malaise. Il est vivifiant dans sa folie et réconfortant dans ses espoirs. C’est dans un murmure que Caden dit à la femme qu’il a toujours aimée sans le savoir lui-même : « je dis ton nom à chaque souffle »… C’est (aussi) pour entendre ce genre de réplique que je dévore de la pellicule figurez-vous !

    Les acteurs aussi se sont laissés happer en s’abandonnant totalement, généreusement à cette histoire et à son réalisateur extravagants. Le casting féminin est une apothéose de talents : Catherine Keener, Michelle Williams, Jennifer Jason Leigh, Emily Watson, Dianne West, Hope Davis. Mais c’est Samantha Morton (je suis fan définitivement) qui en donne son véritable éclat. D’une beauté, d’une énergie, d’une douceur et d’une fragilité ahurissantes, elle est comme éclairée de l’intérieur. Son personnage solaire vit dans une étrange maison en feu… Cette actrice, ce personnage sont une rareté.

    Quant au personnage masculin qui embarque et enflamme toutes ces femmes c’est Philip Seymour Hoffman dont je ne cesse de me demander dans quels abîmes il va chercher, pour chaque rôle la profondeur de ses interprétations. Il est ici la solitude et la douleur incarnées. Le regarder errer, se perdre, pleurer, marcher, boiter, douter, aimer est un spectacle à lui seul. Lorsqu’il est au chevet de sa fille qui refuse de lui pardonner des erreurs qu’il n’a pas commises (oui, il faut suivre attentivement !), j’ai retrouvé le personnage bouleversant de « Magnolia ». Le seul acteur capable de nous faire comprendre et admettre pourquoi on pleure.

    Fascinant ! avez-vous compris ce que je veux dire ?

    Rob l’explique aussi.

  • FROST-NIXON de Ron Howard ***

    Frost / Nixon, l'heure de vérité - Frank Langella et Michael SheenFrost / Nixon, l'heure de vérité - Frank Langella et Kevin BaconFrost / Nixon, l'heure de vérité - Rebecca Hall et Frank Langella

    Comment un « évènement » de 1977 passé totalement sous silence de ce côté de l’Atlantique pourrait-il intéresser les spectateurs français ? Allez voir ce film passionnant ! Il retrace l’interview télévisée qui opposa Richard Nixon, premier président des Etats-Unis à avoir dû démissionner avant la fin de son mandat (suite au scandale du Watergate) et David Frost, journaliste britannique reconverti dans l’émission de variété qui cherche à redorer son blason en amenant Nixon à la confession ! Un peu comme si, toutes proportions gardées, Christophe Dechavanne interviewait Jacques Chirac pour l’amener là où il devrait être… Passons !

    Ron Howard qu’on a connu plus emphatique (souvenez-nous du cultissime « Huston, on a un problème », j’en ai encore les larmes aux yeux !), malgré ou grâce à une reconstitution top niveau des années 70 (moumoutes comprises) reste d’une sobriété exemplaire. Il faut dire que pour traiter son sujet, il ne se contente pas de filmer le huis-clos du face à face, d’abord complètement inégal car Nixon orateur/manipulateur égocentrique monopolise la parole, élude les questions, les détourne pour donner de lui l’image d’un homme bon père, bon frère, bon fils et patriote. Le réalisateur propose aussi de nous montrer les coulisses de la rencontre, comment Nixon est convaincu d’avoir le dessus sur son « adversaire » et de revenir sur le devant de la scène grâce à cette émission et comment David Frost se retrouve contraint d’engager son propre argent, aucun producteur n’acceptant de le suivre dans cette folie.

    Le résultat est vraiment palpitant et enthousiasmant. Au départ, Nixon déconcerte et déstabilise Frost. Mais il lui lance quand même cette réplique cinglante : « tous les coups sont permis ». Sur les 4 émissions (qui rassemblèrent 45 millions de téléspectateurs ce qui reste un record inégalé à ce jour) les 3 premières sont à l’avantage de Nixon qui s’accapare littéralement le débat malgré les tentatives de son interlocuteur et parvient encore à séduire. Il faut voir comment, lors de la dernière interview, Frost toujours correct et respectueux renverse la vapeur, met son adversaire à genoux et l’amène à avouer et à demander pardon ! Magnifique.

    Pas étonnant que cette émission ait (paraît-il) révolutionné l’interview politique !

    Le casting et l’interprétation sont un régal de tous les instants. Michaël Sheen avec ses dents et son sourire lumineux, ses costumes et sa vie de noceur, semble une proie facile pour Franck Langella qui donne à son Nixon un côté grand fauve blessé mais encore debout. Tous les deux sont magistraux. Leur entourage est au niveau : Kevin Bacon est impressionnant en conseiller fou d’amour jusqu’au ridicule de son président/patron, Sam Rockwell est excellent comme toujours, Rebecca Hall mille fois meilleure, plus troublante et bonne actrice que dans le dernier Woody…

    A voir absolument.

  • Prédictions d’Alex Proyas **

    PrédictionsPrédictions - Nicolas Cage

    En 1959, les enfants d’une classe d’école primaire de Boston-States-Unis mettent des messages dans une « capsule temporelle » qui sera ouverte lors d’une cérémonie par les élèves de la même école 50 ans plus tard. En 2009 donc. C’est le petit Caleb, orphelin de mère et fils d’un père statisticien (ça tombe hyper bien) qui hérite du message chiffré de Melinda, petite fille pâlotte et perturbée qui avait une étrange façon de se faire une manucure !

    John le père va rapidement découvrir que ces séries de chiffres sont en fait des dates, avec latitude/longitude et nombre de victimes de toutes les catastrophes des 50 dernières années (11 septembre 2001 compris)… et que les trois dernières séquences annoncent des pépins à venir. Comment faire pour éviter le bordel terminal alors que d'étranges bonshommes viennent murmurer à l'oreille de votre rejeton un peu dur d'oreille, that are the fucking questions ?

    Le premier et le dernier quarts d’heure sont à extraire de ce film catastrophe patapouf où même les scènes de traumas familial ne nous sont par épargnées : la mère/épouse morte, le père qui arrive systématiquement en retard pour aller chercher le moutard à l’école, le même qui, coupable, regarde sa montre en se tapant le front : « merde, j’ai oublié la fête de Caleb !!! », la mésentente père/fils, le copain qui ne croit pas les histoires abracadabrantesques etc…

    Même si les effets spéciaux des catastrophes en cascades sont nickel chrome (pour comprendre le nouveau procédé utilisé, renseignez-vous !), tout est prévisible et vu archi vu et Nicolas Cage fait son job en réfléchissant et en courant beaucoup.

    Et pourtant, j’ai comme l’impression qu’Alex Proyas est passé pas loin de réussir un beau grand film. La scène d’ouverture située en 1959 est intrigante à souhait et rappelle davantage l’univers thriller horrifique style Guillermo del Toro (toutes proportions gardées évidemment, pas la peine de me tomber dessus à cinéphilie raccourcie !) qu’un blockbuster. Quant au dernier quart d’heure ésotérico biblique et totalement improbable sans doute, il m’a néanmoins laissée complètement baba, jusqu’à quel sacrifice est-on capable d’aller pour tenter de sauver son enfant ? En tout cas, pour une fois qu’un réalisateur va au bout de son hypothèse de départ, c’est dommage de bouder son plaisir… même si, je le répète, entre le quart d’heure initial et le quart terminal, il est difficile de ne pas un peu gigoter sur son siège !

  • La première étoile de Lucien Jean Baptiste *

    La Première étoile - Firmine Richard

    Jean-Gabriel est « paresseux comme un mâle antillais », comme c’est un antillais acteur/réalisateur qui le dit, on ne risque rien. Bien qu’au chômage, il passe son temps à dépenser le peu d’argent qu’il a au PMU avec ses copains au lieu de chercher du boulot. Pourtant Jean-Gabriel est marié à la très blanche et très triste Anne Consigny, oups pardon, Suzy qui se crève dans un boulot pas terrible. Ils vivent à « Créteil Soleil » avec leurs trois enfants métis. Bien que cette famille qui s’aime malgré la galère soit dans une belle dèche, Jean-Gabriel promet de les emmener en vacances à la montagne. Pour une fois, il tient sa promesse mais Suzy refuse de servir de bonniche et c’est donc la grand-mère qui va partir et accompagner le père et les trois enfants.

    Je veux bien ne pas dire de mal d’un film très gentil mais c’est vrai que ce film est vraiment très très gentil… et qu’il n’y a pas grand chose à en dire, sinon qu’il est bourré de bonnes intentions, de bons sentiments et que plein de gentillesse déborde et dégouline partout...

    Ah si, quand même je dois dire que Firmine Richard est épatante et les enfants formidables.

     

  • Duplicity de Tony Gilroy **

    Duplicity - Paul Giamatti et Tom WilkinsonDuplicity - Julia Roberts et Clive OwenDuplicity - Clive Owen

    Claire est agent de la CIA (prononcez « si aie hé », ça le fait) et Ray, agent du MI6 (dites « aime aïe sixe », that will do). Ils se rencontrent à Dubaï lors d’une mission chabadabadaboum et avant qu’il n’ait le temps de lui prouver son amour, Ray finit saucissonné (drogué) par la belle qui lui vole les secrets cachés dans sa chaussette. MDR.

    Les deux tourtereaux se retrouvent, (hasard ou coïncidence ?) se font des yeux de crapauds morts d’amour en se balançant des vacheries, Claire ôte son string, Ray sa chemise, craque boum hue , ils démissionnent et montent un coup qui devraient les mettre à l’abri du besoin pour le reste de leurs jours et leur permettre de se compter fleurette les pieds dans l’eau !

    L’arnaque, on s’en bat l’œil, il s’agit de piquer la formule d’un produit pharmatico capillaire révolutionnaire et ainsi prendre de vitesse deux maousses multinationales costaudes qui se tirent la bourre sans concession. Mais ce qui compte vraiment c’est le duo de charme qui sévit à l’écran et dégaine ses répliques cousues bouches plus vite qu’ils n’enlèvent le bas et grâce à leurs mines d’innocents, on ne sait jamais qui dit vrai et qui ment ! C’est un régal pour l’oreille mais aussi pour les yeux. Julia Roberts très en formes (y’a une justice, je vous le dis, Julia Roberts a des bourrelets… et le cheum qui m’accompagnait a dit élégamment « elle n’a jamais si bien porté son nom… ») mais en petite forme (voyez ce que je veux dire !) est associé à Clive Owen qui alterne les mines déconfites, réjouies… tout frais, un peu idiot parfois, un petit air « canaille » craquantissime et fou d’amour comme jamais est sexissime même quand il a sa chemise.

    Ça va vite, on voyage beaucoup, il y a du soleil (et peu de nanas)… la scène d’ouverture avec Tom Wilkinson et Paul Giamatti (les deux patrons) est le top model des scènes de cinéma au ralenti : HILARANTE et la fin que l’on sent arriver comme un gros patapouf est déconcertamment bien envoyée…

    Vite vu, vite oublié mais réjouissant !

  • Une famille brésilienne de Walter Salles et Daniela Thomas °

    Une famille brésilienne - Vinicius de Oliveira, José Geraldo Rodrigues, Kaique Jesus Santos et João BaldasseriniUne famille brésilienne - Sandra Corveloni

    Dans cette famille brésilienne très très pauvre, il y a :

    - la mère (Sandra Corveloni, Prix d’Interprétation à Cannes 2009, excusez du peu… mais il faudrait qu’on m’explique pourquoi !) enceinte de son cinquième enfant qu’elle a tous eus de pères différents. « Pourvu que ce soit une fille !!! » se désole t’elle ! ça la changerait effectivement de ses quatre autres branleurs plus antipathiques les uns que les autres,

    et les quatre fils donc :

    - Dinho, le seul qui travaille (dans une station-service) et qui, pendant ses crises mystiques fréquente une église où un prédicateur cinglé demande aux infirmes de se lever de leur fauteuil roulant bon dieu !

    - Dénis qui travaille un peu, mais beaucoup moins, baise tout ce qui remue, essaime au passage (il a déjà un enfant) mais est très tenté par l’argent facile (vol à la tire). Basculera t’il dans la délinquance ?

    - Dario qui rêve d’être footballeur mais à 18 ans est déjà pratiquement atteint par la limite d’âge et ravagé par un acné purulent du plus bel effet. On peut, lors des nombreux gros plans sur son visage grêlé s’occuper à compter les boutons.

    - Reginaldo, le plus jeune, beaucoup plus noir que les autres (sosie de Michaël période Jackson Five) recherche son père en faisant des doigts d’honneur à tout bout de champ.

    Et aussi le chien de la voisine, un rotweiller prêt à tuer et qui s'appelle "Gandhi". ah ah ah ! c'est marrant !

    Il y a des films dont on a presque honte de ne pas les avoir aimés tant ils semblent dépeindre une réalité dont on doit se faire un devoir d’y compatir… La phrase est lourdingue mais le film aussi, alors, camembert ! Mais il y a tellement longtemps que je ne me suis pas autant ennuyée dans une salle que je ne peux passer cet ennui sous silence !

    On ne peut certes faire le reproche aux réalisateurs (se mettre à deux parfois ça peut être utile !!!) de nous offrir un dépliant touristique de leur pays. Ici pas de Corcovado qui domine la baie ou de plages de rêve. Les pauvres sont très très pauvres, les riches très très riches. Sao Paulo est une ville grouillante, très embouteillée et très moche. Et à l’image de la ville contrastée, cette famille cohabite en s’ignorant. Les quatre garçons se croisent parfois en se traitant de « fils de pute » (leur mère donc !), en se chamaillant la place très enviée du canapé face à la télé et en se fichant éperdument de ce que les uns et les autres font ou deviennent. Moi aussi, je m’en suis complètement fichue.

    On passe continuellement d’un personnage à l’autre et comme chacun a une particularité (le foot, la religion, le foot, la recherche du père, le foot, gagner de l’argent, le foot), chaque scène revient à peu près une cinquante de fois. L’ennui est pesant, la lassitude envahissante et cette heure quarante dénuée de la moindre émotion m’a paru interminable… d’autant plus qu’au final j’ai eu l’impression d’assister à un match de foot sans fin !

  • The Chaser de Na Hong-Jin ***

    The ChaserThe Chaser

    Jung-Ho est un ancien flic devenu proxénète à Séoul. Lorsque « ses » filles disparaissent les unes après les autres, il croit d’abord qu’elles se font la malle en empochant « son » argent. Très vite il se rend compte grâce à un numéro de portable qui revient régulièrement dans le registre d’appels des clients, qu’elles ont toutes eu affaire au même homme. Au cours d'une nuit cauchemardesque qui le mènera au bout de l’enfer, Jung-Ho va reprendre du service pour tenter de coincer le coupable et surtout de sauver Mi-Jin qui avait rendez-vous avec l’homme en question.

    L’une des grandes originalités de ce film trépidant, fou furieux, violent mais non dénué d’un humour noir noir noir est que dans la première demi-heure le spectateur connaît le coupable. Un tueur psychopathe digne de « Seven » qui la joue bien moyen âgeuse au marteau et au burin (âmes sensibles, rassurez-vous (relativement), on ne voit que le résultat des coups portés…). Le malade, un jeune homme plutôt joli à regarder, est arrêté, il avoue tous ses crimes mais envoie les flics (des balourds pas bien malins) sur de fausses pistes. Seul le spectateur (encore une fois, car lui non plus n’est pas épargné…) sait où est ligotée la dernière victime encore en vie mais dans un sale état.

    On a du mal à croire que ce film est un premier film tant il allie maîtrise totale à tous points de vue, scénario haletant, réalisation époustouflante, suspens insoutenable, interprétation géniale…

    On ne cesse de tourner en courant autour du quartier et de la maison où la fille croupit, baignant dans son sang, ce qui rend l’angoisse encore plus suffocante. Tout se passe en une seule nuit, c’est magnifique, mené tambour battant. Le héros, d’abord pas très sympathique gagne peu à peu en intensité et en charisme. Il est rare et vraiment enthousiasmant de voir un acteur et surtout un personnage autant changer, évoluer au cours d’une histoire.

    Le malaise va crescendo, car faute de preuves, le tueur est relâché et le réalisateur n’hésite pas, contre toute attente (la spectatrice que je suis est encore naïve !), à aller au bout de l’horreur…

    Allez, un seul petit reproche pour la route : le film aurait dû s’achever cinq minutes avant la fin et on aurait vraiment pu parler de coup de maître dans l’audace. Néanmoins, ce thriller survolté, chasse à l'homme éreintante est plus que recommandable.

  • La journée de la jupe de Jean-Paul Lilienfeld ***

    La Journée de la jupe - Isabelle AdjaniLa Journée de la jupeLa Journée de la jupe

    Sonia, prof de français dans un collège « sensible » a bien du mal à se frayer un chemin parmi ses élèves. Exceptionnellement, le cours doit avoir lieu dans un « théâtre » aménagé dans l’enceinte de l’établissement où elle doit présenter Molière à ces jeunes qui n’en ont absolument rien à faire. Il lui faut pas moins de 20 minutes pour parvenir à entrer dans la salle au milieu d’un chahut indescriptible et d’une cacophonie d’insultes et de blagues à deux balles où la prof est obligée de hurler pour se faire entendre, séparer des élèves constamment au bord de l’explosion. Avant de pénétrer enfin, plaquée contre le mur dans la bousculade elle avale un anxiolytique. Ce geste et toute son attitude en général prouvent déjà à quel point elle est au bout du rouleau. La tentative de cours commence à peine qu’une altercation éclate entre deux élèves. Sonia est obligée d’intervenir pour les séparer. Une arme tombe d’un sac, la prof s’en saisit et, incapable de ramener l’ordre et le calme, le braque sur ses élèves. La prise d’otages totalement improvisée qui s’ensuit est une alternance de tension et de malaise qui atteindra parfois des sommets d’inquiétude, de trouble et d’agitation stupéfiants et inattendus.

    Le réalisateur filme un huis clos asphyxiant et anxiogène qui ne « s’aère » que moyennement lorsqu’on sort de la salle pour voir que le GIGN, une ministre sont prêts à intervenir alors qu’un « négociateur » tente d’apaiser tout le monde pour éviter le drame.

    On se demande à tout instant jusqu’où ira le réalisateur, et l’on est soulagé de constater qu’il n’édulcore rien et aborde des thèmes très actuels avec un pessimisme qui semble sans solution : racisme, religion, mixité entre autres. Comment faire comprendre à ces jeunes pour la plupart « issus de l’immigration » qui n’ont à la bouche que des mots qu’ils brandissent constamment comme des menaces : racisme, respect (pour leurs mères, pour leurs sœurs alors qu’ils peuvent violer leurs camarades de classes), religion et ponctuent souvent leurs propos par « Inch’Allah » (alors qu’ils ne connaissent manifestement rien au Coran ou à la Bible ou la Torah), que leur « salut » est dans l’éducation ? Comment entrer en communication avec eux alors qu’ils se sentent victimes d’un système et d’une société toute entière ? Le réalisateur ne fait pas dans la démagogie et on ne peut que l’admirer pour ça. Ainsi que tous les jeunes élèves/acteurs.

    Ce film c’est la version « trash » d’  « Entre les murs », un constat effrayant voire angoissant où les filles sont les plus sacrifiées.

    Adjani, bouffie, mal coiffée, mal habillée est ici FOR.MI.DA.BLE et plus Yasmine qu’Isabelle. Capable de filer un coup de boule au plus récalcitrant de ses élèves et de se relever en sautant et criant « Zidane il a marqué, Zidane il a marqué », de se faire traiter de « vieille grosse », elle est impressionnante et fabuleuse. Et c’est encore elle qui pose le mieux les questions de ce film qui ne donne pas de réponses… :

    "Au-delà du personnage de cette prof qui pète les plombs, j'ai surtout été frappée par la justesse du constat social.

    Qu'est-ce que l'éducation aujourd'hui ?

    Comment en est-on arrivé à cette impasse ?

     C'est quand même une des dernières institutions d'intégration, comment se fait-il qu'elle soit dans cet état-là ?

    Comment se fait-il que le système soit en pareil disfonctionnement et qu'on soit dans un tel malentendu ?

    Qu'est-ce qu'on a fait à ces élèves ?

    Qu'est-ce qu'on a fait à ces professeurs ?

    Pourquoi et comment a-t-on abdiqué devant les exigences de l'enseignement ?

    J'ai vraiment apprécié que le film ne cherche pas à moraliser socialement, civiquement, qu'il ne cherche pas à donner des leçons, ni à apporter des solutions mais juste ? si on peut dire ! - à poser toutes les questions, à mettre les spectateurs en face d'une dure réalité..."

    Chapeau.