Eldorado de Bouli Lanners ***
Alors qu’il rentre chez lui, Yvan surprend un jeune cambrioleur, Elie, en train de lui ravager sa maison. Après quelques pourparlers, Yvan est touché par ce jeune homme complètement perdu et lui propose de le ramener chez ses parents. Yvan étant vendeur de voitures vintage, le voyage s’effectue à bord d’une immense Chevrolet. D’emblée on est hors du temps et heureusement Yvan ne prend jamais l’autoroute ce qui permet un voyage à travers la campagne belge parfaitement exotique.
Est-ce le fait d’avoir vécu plusieurs décennies un pied en France l’autre en Belgique (tu parles si c’est commode !) qui fait que je me sens toujours attirée par tout ce qui touche de près ou de loin à la belgitude et à l’accent irrésistible de ces « indigènes », le plus doux qui soit à mon oreille ? Peut-être, ou pas. En tout cas, il est sûr qu’un homme qui se fait cambrioler uniquement parce qu’il est le seul à ne pas avoir un molosse qui garde sa maison ne peut qu’attirer ma sympathie et ma curiosité. Ce nouveau film route, un peu drôle, un peu triste, pétri d’humanité qui ne sait comment s’exprimer mais qui se prouve est un nouvel ovni. Les deux personnages, parfois taiseux, parfois bavards se prennent parfois à philosopher sur la vie, le monde, les êtres. Ils avancent, font d’improbables rencontres : un collectionneur de voitures (Philippe Nahon, toujours bien barré) sur lesquelles se sont écrasés des suicidés, un naturiste prêt à rendre service, des motards qui ne veulent pas d’ennuis, un chien mourant… On rit, on s’apitoie, on s’émeut et aussi, et surtout, on contemple car Bouli Lanners (acteur et réalisateur du film) est également peintre à ses heures paraît-il et il le prouve car chaque plan semble pouvoir être figé en tableau. Entre Edward Hopper pour les bistrots, les stations services perdus au milieu de nulle part et Turner pour les cieux tourmentés, on navigue sur une palette de couleurs et de mouvements étourdissants et on se laisse capturer par un film rare, grave, drôle et fraternel.