Khamsa de Karim Dridi ***
Marco, jeune gitan de 11 ans (malgré la main de Fatma qu'il porte en pendentif et l'expose à se faire insulter de "sale bicot"), s’échappe du foyer où il a été placé pour avoir mis le feu à une caravane mettant en danger la vie de sa belle-mère et de son petit frère. Il veut revoir sa grand-mère mourante et retrouve le camp où il vivait. Seul son cousin, le nain Tony, accepte de l’héberger et tente mollement de l’empêcher de faire des bêtises. Mais Marco rejoint ses amis d’enfance et avec eux vole des sacs, des scooters, cambriole des villas et entre dans la spirale infernale de la débrouille et du danger.
L’itinéraire de cet enfant pas gâté du tout nous projette sans fiotures dans un monde aux portes d’une grande ville : Marseille. Un monde dont on ne parle pas, qu’on ne connaît pas, avec des gens oubliés qui vivent dans des conditions inimaginables entre l’autoroute et les usines. Les enfants, livrés à eux-mêmes, à qui on donne une bière à boire vers 4/5 ans pour avoir la paix, en dehors de leurs jeux stupides (plonger dans la mer du haut d’une grue…) n’ont d’autre horizon que la délinquance.
Karim Dridi nous balance cet uppercut en pleine figure sans jamais sombrer dans le misérabilisme ou l’angélisme. Ni vraiment sympathiques, ni tout à fait antipathiques ces jeunes sans loi mais avec un peu de foi nous sont montrés bruts de décoffrage, toujours prêts à la bagarre ou à défier la peur, l’insulte au bord des lèvres avec parfois de rares moments de tendresse, de partage et d’humanité. C’est sidérant. L’enjeu de ces enfants n’est pas de s’en sortir mais de survivre dans une société qui les abandonne en partie parce qu’ils leur font peur. Les services sociaux font bien quelques tentatives mais renoncent car leurs démarches les mettent en danger. En effet, la solidarité se met rapidement en place dans le camp dès qu’interviennent des « étrangers ».
Marco a bien quelques velléités de s’en sortir, de partir en Espagne, de devenir boulanger mais il est vite rattrapé par un destin tout tracé. Son père (Simon Abkarian, formidable) séducteur violent et sans cœur l’abandonne, alors Marco (le jeune Marco Cortes, magnifique, enragé) fonce vers son sort, tête baissée.
Ce film intelligent, impressionnant et pourtant jamais spectaculaire, est un coup de poing.