Rumba de Fiona Gordon, Dominique Abel, Bruno Romy ***
Fiona grande gigue rousse toute en jambes et Dom échalas squelettique sont profs, elle d’anglais, lui d’éducation physique, ils s’aiment à la folie, vivent ensemble et gagnent des concours régionaux de danse latino, leur passion commune. Un suicidaire malchanceux va venir semer la panique dans ce quotidien radieux où l’imprévu n’avait pas sa place. Les catastrophes vont s’enchaîner : après un accident de voiture, Fiona perd une jambe, Dom est amnésique et oublie ce qu’il a fait ou vu la minute précédente, ils perdent leur travail, leur logement flambe et, pis que tout, Fiona et Dom se perdent…
Dit comme cela ça paraît complètement loufoque. Et ça l’est et même bien plus que ça. Mais que peut-on attendre d’un ovni quasi muet franco-belge dont la boîte de production porte le doux nom de « Courage mon amour » ? La réponse est dans ce film qui pousse l’absurde au-delà de ses limites. Les influences et références sont tellement évidentes que je n’en parlerai même pas tant les trouvailles qui pleuvent en abondance rendent ce film complètement novateur.
Fiona et Dom ne sont pas très beaux, leurs visages mobiles se transforment au gré d'expressions « cartoonesques » mais dès que leurs corps caoutchouc s’animent au rythme de trépidantes ou langoureuses rumbas, c’est un enchantement. Les chorégraphies totalement inédites sont un véritable ravissement et il est difficile de quitter Fiona des yeux tant elle invente à chaque pas, à chaque son. Entre les quelques scènes de danse, on assiste à l’effondrement de la vie de ces deux tourtereaux. C’est un drame incontestable mais traité sur le ton de la farce espiègle, alors on rit. On rit beaucoup aux calamités qui s’abattent sur ce couple lunaire, poétique et amoureux. Chaque gag est étiré à l’infini, essoré, rincé jusqu’à ce qu’on ne puisse plus rien en extraire (ce qui ne manquera pas d’agacer les grincheux). La moindre situation donne lieu à des péripéties ubuesques qui déclenchent le sourire, le rire ou l’hilarité. Profs qui me lisez, courez voir ces doux dingues et peut-être l’un d’entre vous pourra lutter pour que soit institutionalisée la sortie des professeurs de l’école de Fiona et Dom, c’est à mourir de rire !
L’émotion n’est évidemment pas absente puisqu’on se met à trembler aussi et à se demander si les deux amants vont finir par se retrouver. Mais le moment le plus magique, poétique, miraculeux et prodigieux survient quand on s’y attend le moins. Alors que Fiona et Dom, obstinément optimistes malgré l’accumulation de malheurs qui les accablent, finissent par véritablement se décourager, effondrés, lui par terre, elle dans sa chaise roulante… ce sont leurs ombres qui se mettent à danser sur le mur.
Je crois qu’on peut appeler ça un instant de grâce.