Tulpan de Sergey Dvortsevoy*****
Alors qu’il rentre de son service militaire effectué dans la marine, Asa revient vivre avec sa sœur, son beau-frère et leurs enfants. Il rêve de se marier avec Tulpan qui ne veut pas de lui, prétextant qu’il a de trop grandes oreilles…
Cet argument est l’occasion pour le spectateur de découvrir un endroit du monde une planète inconnue, un lieu irréel qu’il est difficile d’imaginer même au plus profond de notre campagne la plus reculée : le Kazakhstan. Je n’irai pas jusqu’à dire que j’irais y passer mes prochaines vacances tant la dureté de la vie et du climat y est rude pour une petite nature délicate… mais le formidable savoir faire du réalisateur nous plonge, nous immerge dans la quatrième dimension, une région insensée au milieu de nulle part, balayée en permanence par le vent, les tornades, écrasée de soleil. Cela donne des images à couper le souffle, d’une beauté fabuleuse qui aimantent littéralement le regard et rendent ce film inoubliable.
Sergey Bvortsevoy ne se contente pas de filmer et de nous offrir des images comme on en voit rarement et qui font de ce film une rareté, il nous raconte une histoire : comment Asa va réussir à plaire à la mystérieuse Tulpan en faisant de ses oreilles décollées un atout princier ? La démonstration est d’ailleurs à mourir de rire. Et oui, on rit énormément car les kazakhs de cette histoire ne manquent pas d’humour, même s’il est parfois involontaire. Et si certains d’entre eux rêvent d’un ailleurs meilleur, le réalisateur n’en fait pas des victimes contraintes à une vie d’une dureté implacable. Ce sont des bergers qui aiment leur pays, se battent contre les éléments, les tempêtes, les épidémies qui ravagent sans réelle explication le bétail et placent les liens familiaux au-dessus de tout. Certaines scènes filmées en plans séquences assez époustouflants donnent une vision réaliste, quasi documentaire (notamment « l’accouchement » en temps réel d’une brebis) de cette vie, et l’on retient son souffle, happés par tant de beauté et de précision.
Le soir tout le monde se retrouve entassé sous la même yourte, et c’est l’amour, la tendresse, l’altruisme, la patience exemplaires de la jeune mère pour son mari, ses enfants et son frère qui illuminent le film tout entier, assurent la cohésion de cette famille cocasse (les enfants sont à mourir de rire parfois), attachante et infiniment touchante.
Quant aux tentatives d’Asa, le « héros » de l’histoire pour convaincre Tulpan de l’aimer, de l’épouser, elles ponctuent le film de saynètes tendres et burlesques. Le suspens que le réalisateur entretient dans l'attente de nous faire découvrir Tulpan est assez captivant. Mais on n’est pas déçus…
On comprend que ce film plein de vie et de joie ait reçu le prestigieux prix de la section « Un certain regard » à Cannes et qu’il fasse le bonheur des cinéphiles festivaliers (il a été projeté en clôture au dernier Festival d’Annonay… je ne sais plus si je vous ai parlé de ce festival !!!).
Faites lui un triomphe car il le mérite et je ne vois pas comment il pourrait décevoir ou même déplaire tant il est beau, ensorcelant, vraiment unique.
Lui, c'est le réalisateur ! Pourquoi mais pourquoi il était pas à Annonay ??? Je suis sûre que j'aurais aimé son intelligence !