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Sur la Route du Cinéma - Page 297

  • KILL LIST de Ben Whistley ***

    Le quotidien de Jay n'est plus qu'une longue scène de ménage. Depuis 8 mois, après une mission foireuse à Kiev (dont nous ne saurons rien) il est sans travail et sa femme panique en regardant les comptes fondre à vue d'oeil. Bien sûr il lui dit bien qu'elle est à deux doigts de devenir une mégère mais lorsque son copain Gal lui propose une nouvelle mission, Jay accepte. Les deux amis rencontrent les commanditaires de leur nouveau travail (abattre trois hommes), qui ont des mines vraiment flippantes et des manières pas catholiques.

    J'avais vu (et beaucoup aimé) ce film au dernier Festival de Beaune où il avait d'ailleurs obtenu le Prix de la Critique. Le revoir confirme mon opinion et m'ont en plus permis d'apprécier à quel point il est impeccablement structuré et découvrir en outre qu'une scène du tout début où Jay s'amuse dans son jardin avec sa femme et son fils de 7 ans, n'était que le reflet ou la répétition de l'abominable scène finale.

    Le réalisateur est un petit malin et réussit comme personne à jouer avec nos nerfs en les mettant à rude épreuve. Par ailleurs, il inverse les rôles et nous convainct de ne pas nous fier aux apparences. Sous ses airs bonnasses de gros nounours affable Jay est un grand malade sadique bien dérangé du ciboulot. Alors que Gal et son apparence rustique de mauvais garçon conserve un semblant de jugeotte et de bon sens. Et enfin, non content de nous mettre les nerfs en pelote, le réalisateur nous laisse le loisir de faire travailler notre imagination. Lorsqu'un des deux personnages visionnent une vidéo atroce, il ne nous montre que les effets produits sur celui qui la regarde. Pourtant Jay et Gal ne sont pas des anges mais ce qu'ils voient est manifestement insoutenable !
    Pour démontrer les dégâts irréversibles que les guerres provoquent dans la tête de leurs vétérans, Ben Wheatley n'y va pas avec le dos du marteau... Et ce n'est pas rien de dire que ce film n'est pas à mettre devant tous les yeux et j'avoue que j'ai dû me les cacher à plusieurs reprises. La tension et l'atmosphère d'épouvante vont crescendo. Les scènes de crimes sont de plus en plus sadiques, jusqu'à un final insoutenable pas banal et pour le moins inattendu.

    Comment et pourquoi aimer un film aussi violent, non dénué cependant d'un humour très bienvenu ? Et bien quand le cinéma peut encore surprendre, on dit merci et on aime, voilà tout. D'autant que le film est par ailleurs d'une grande beauté !
    Et pour une fois que je suis d'accord avec l'avis et que je le comprends de mon ex collègue Joachim Lepastier, je vous le livre car il donne quelques précieuses indications sur le style unique et pourtant très référencé du film : "Un fond réaliste "à la Alan Clarke", de l'ésotérisme "à la Zodiac", du sarcasme "à la Tarantino", de l'hyper-violence "à la coréenne", de l'épouvante forestière "à la Blair Witch", de l'onirisme poisseux "à la Lynch"... Voilà la liste qui structure cet étrange film noir."

  • PIÉGÉE de Steven Soderberg °

    Rien à sauver de ce Soderbergh moins que mineur. Et ceux qui prétendent que Woody est en manque d'inspiration n'ont qu'à aller endurer ce Piégée pour se rendre compte de l'étendue du désastre. Sur un scénario prévisible et confondant de banalité, Soderbergh enquille les scènes paresseuses comme un automate. A mi-chemin entre un James Bond daté et un brouillon de Jason Bourne, une spécialiste des missions délicates à travers le monde se voit doubler par ses employeurs et contrainte pour son honneur et parce que c'est une teigne, de se venger de tous ces vilains garçons.

    Tout cela est très ennuyeux. Barcelone est filmée comme la RDA et quand on est au soleil du Nouveau-Mexique un beau filtre jaunâtre nous signifie qu'il fait chaud. Les dialogues indigents sont à la hauteur de l'intrigue.

    Alors si ça vous chante d'aller voir une actrice sexy et expressive comme un parpaing se tatanner avec un casting quatre étoiles au minimun syndical mais aux coupes de cheveux à se tordre de rire (Michaël Fassbender, Channing Tatum, Antonio Banderas, Michaël Douglas, Ewan McGregor, Matthieu Kassovitz, Bill Paxton), à vous de décider.

  • INSIDE de Andrès Baiz **

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    Adrian est nommé à Bogota à la tête de l'Orchestre Philarmonique. A sa demande son amie Belèn quitte l'Espagne pour s'installer avec lui en Colombie. Ils emménagent dans une splendide demeure où pourraient tenir 10 pianos à queue et le Philamornique au complet...

    Mais le jeune homme est volage et s'approche d'un peu près d'une accorte violoniste qui n'est pas insensible non plus. Belèn jalouse disparaît. Adrian noie sont chagrin dans des whisky et se console très rapidement entre les bras de Fabiana, superbe serveuse de bar très compatissante, qui n'aime pas voir les garçons pleurer. Mais des bruits suspects se font entendre dans les tuyauteries, les plombs sautent un peu trop régulièrement et la jeune femme n'est plus très rassurée.

    N'étant pas adepte des films-qui-font-peur et encore moins de ceux dont le seul ressort dramatique consiste à faire sursauter le spectateur à coups de cymbales et de portes qui claquent, je suis allée voir cet Inside avec une légère appréhension. Les maisons envoûtées où sur lesquelles pèsent une malédiction, très peu pour moi. Heureusement, je n'avais rien lu (ou à peine) car j'ai découvert après vision que les critiques encartés spoilent éhontément ce qui constitue une des premières surprises du film. En ce qui me concerne, pendant la première demi-heure, je me suis surprise à penser "qu'est-ce que c'est que ce roman photo pour magazine ?". Je craignais également qu'un galimatias ésotérique finisse par prendre le dessus. Que des esprits frappeurs ou vengeurs investissent la robinetterie et que Fabiana, qui prend énormément de bains, s'en vienne à dire "je vois des gens morts". Et puis non, pas du tout. C'est un peu, beaucoup, plus prosaïque que cela, mais j'ai néanmoins été cueillie dès le premier rebondissement. Et peu à peu, les flash-backs, certains plans étranges voire complètement cons, les scènes revues sous un autre angle et du point de vue d'un autre personnage... tout prend forme, tout s'explique et j'ai réellement et sans doute naïvement été bluffée.

    Et n'ai même pas eu peur !

    En outre, la beauté folle des trois jeunes personnages principaux rend le tout très plaisant à l'oeil.

     
  • TO ROME WITH LOVE de Woody Allen ***

    Woody, MON Woody, oui lui là, l'olibrius avec les drôles de grandes lunettes ! et bien il revient avec son nouveau film, celui de 2012. Alors bien sûr celui-ci n'est pas de l'espèce brillantissime d'un opus tel que Midnight in Paris qui vous emportait plus loin que l'écran, par delà les rêves, les espoirs et l'imagination. Mais c'est un Woody, DU Woody et donc forcément meilleur que la moyenne ambiante. C'est ainsi, et que personne ne s'avise de prétendre le contraindre.

    Cette fois, Woody nous emmène pour une balade à travers les rues et les sites incontournables de Rome. Il se moque amoureusement des clichés, car comment être à Rome et éviter la Fontaine de Trevi, la Piazza di Spagna, le Colisée ou le Vatican. Il y déroule la carte du Tendre de quelques personnages choisis au hasard. Une histoire chorale où les protagonistes ne se rencontreront pas forcément mais donneront néanmoins un aperçu de quelques romances mêlant quiproquos, malentendus, adultères... Mais pas seulement, la célébrité sera au centre de certaines intrigues. Certains pourraient être célèbres mais ne le sont pas car ils ignorent jusqu'à l'existence de leur don. D'autres le deviennent sans raison ni talent et Woody s'amuse ici de ces énergumènes pathétiques dont la popularité soudaine est pour le moins déconcertante. Pour l'intéressé (ici Roberto Benigni tel qu'en lui-même et toujours drôle) en priorité, qui risque de s'effondrer lorsque, sans plus de raison qu'elles s'étaient tournées vers lui, les caméras s'en désintéressent tout à coup.

    Nous trouvons donc également un couple de tourtereaux bien ordinaires venus en voyage de noces à la Capitale où Monsieur doit trouver un boulot. Mais alors que Madame se perd dans les rues romaines pour trouver un coiffeur, elle tombe sur le tournage d'un film et plus précisément nez à nez avec l'acteur le plus sexy (sic) d'Italie, son idole. Et ce n'est pas Riccardo Sciarmacio... à moins que ! Pendant ce temps Monsieur croise la route d'une affolante prostituée (Penelope Cruz).

    Un couple de bobos new-yorkais, étudiants à Rome hébergent la meilleure amie de Monsieur et c'est l'éléphant dans le magazin de porcelaine qui vient anéantir l'ordonnancement de la petite vie toute tracée. Riche idée de choisir Jesse Eisenberg qui semble plus Allenien que Woody lui-même, tant il est indécis, versatile et confus. Prêt à succomber à la première babillarde pseudo intello et hyper sexuée. Et ce, malgré les mises en garde d'un ange gardien encombrant (Alec Baldwin, sensass !) qui ne cesse de l'avertir du danger imminent.

    Et puis Woody lui-même débarque à Rome avec sa femme (psychiatre évidemment). Après une séance traumatisante d'atterrissage (du grand Woody) il doit rencontrer la future belle-famille de sa fifille chérie qui a choisi de se marier à un avocat gauchiste. Bien sûr, le courant ne passe guère entre la famille italienne et les névrosés new-yorkais. Jusqu'à ce que Woody entende le futur beau-père (croque-mort de son état, car Woody a de plus en plus peur de mourir et ne cesse de nous le répéter) chanter sous la douche, et c'est la révélation. Hélas, le bougre ne réussit à pousser son organe que lorsqu'il fait ses ablutions. Qu'à cela ne tienne...

    Voilà donc, le dernier film de Woody Allen est une sucrerie fondante dont on sort avec un sourire banane accroché à la face. Ceux qui préfèrent faire la fine bouche, jouer les pisse-vinaigre et prétendre à un manque d'inspiration n'ont qu'à aller voir l'Hômmâge au cinéma attendre le prochain ou revoir les anciens. Ce Woody est une récréation intelligemment écrite où il nous dit également à quel point le temps passe et qu'il ne veut pas s'arrêter, incapable de s'imaginer tremblotant dans une maison de retraite. Woody a 77 ans, il crève de trouille mais il est contre la retraite

  • REGARDEZ-LES DANS LES YEUX

    et dites-moi qui ils sont.

    UNE SEULE RÉPONSE À LA FOIS PAR PERSONNE.

    ON NE REJOUE QUE LORSQUE J'AI VALIDÉ LA RÉPONSE.

    GAME OVER. Merci.

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  • SUMMERTIME de Matthew Gordon ***

    Summertime : photo

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    Surpris en train de voler par le Principal du collège dans le casier d'un élève, Robbie 14 ans ne sera pas dénoncé à condition qu'il remette, à la rentrée, une dissertation dans laquelle il évoquera ses vacances d'été. Robbie n'écrira pas une ligne mais exprimera sa rage en voix off. Il faut dire que Robbie a peu de temps et d'occasion pour écrire. Il vit seul avec sa grand-mère, une très vieille femme réduite à l'état de légume et son tout jeune demi-frère Fess qu'il protège et dont il s'occupe avec tendresse et beaucoup d'attention. Son père, il ne le connaît pas et sa mère est partie soigner son spleen en Californie. Elle envoie des cartes postales dans lesquelles elle promet de revenir. Et ne revient pas. C'est cependant le seul rêve de Robbie, celui d'une vie "normale", en famille. Le frère aîné Lucas, un parasite sans envergure, vient parfois squatter la maison délabrée sans pour autant y amener l'espoir.
    L'été est accablant et poisseux dans le Mississippi qui est paraît-il la région la plus pauvre des Etats-Unis. Le rêve américain semble en effet avoir désherté l'endroit, sauf le coeur et la tête de Robbie, solide gaillard de 14 ans toujours à la lisière de la délinquance. Mais il résiste tant bien que mal, parfois aidé à son insu ou à sa surprise par des adultes qui, sans réellement lui venir en aide, ne l'accablent pas ! Tels le Principal du collège, l'obèse shérif qui semble comprendre le désarroi du garçon ou encore les parents d'une copine qui ne porteront pas plainte bien que Robbie lui ait dérobé tout l'argent reçu à son anniversaire. Pour son propre anniversaire Robbie aimerait simplement pouvoir emmener sa grand-mère et son petit frère adorés au restaurant.
    Lorsque Lucas le grand frère refait surface, une nouvelle conquête pendue à son bras chaque jour, Robbie croit en une embellie possible. Mais Lucas, branleur patenté annoncera la couleur à son frère : "Il faut que je retrouve mes esprits. Et si tu trouvais un job d'été pendant que je réfléchis ?" Une fois encore, c'est Robbie qui va assurer le quotidien en faisant office d'esclave dans une station-service paumée au milieu de nulle part. Pendant ce temps, Lucas passe ses journées affalé sur le canapé du salon à cuver, et ses nuits à sortir et détrousser de charmantes jeunes femmes pas farouches. Cette situation inadmissible et la façon dont Lucas, erreur suprême, va rejeter Fess leur demi-frère, vont contraindre Robbie à commettre un acte pour le moins surprenant de la part de ce garçon qui semblait jusque là prêt à tout endurer. Et alors que Lucas était jusque là le connard tête à baffes irrécupérable, sa révélation (très belle scène cruelle) d'un déterminisme implacable et inéluctable s'abat comme une nouvelle injustice.
    Premier film âpre, tendre et parfois angoissant sur une enfance sacrifiée, ce Summertime est aussi une chronique à la fois douce, triste et amère d'un été après lequel plus rien ne sera comme avant. Et ce malgré les efforts insensés de ce gamin buté (formidable William Ruffin dont c'est le premier rôle), solide et finalement désarmé face au cours inexorable des choses !

  • AFTER.LIFE de Agnieszka Wojtowicz-Vosloo °

    After.Life : photo

    After.Life : photo

    After.Life : photo Christina Ricci

    Anna n'est pas à la fête dans sa vie. Elle boude au lit parce son chéri l'écrabouille, elle boude sous la douche parce qu'elle saigne du nez, elle boude à l'école parce qu'elle est enseignante... Quand on lui demande "qu'est-ce qu'il y a qui ne va pas ?". Elle répond "Rien" en penchant la tête, genre "je vais écrire un poème" !

    Alors que son fiancé s'apprête à dégaîner l'arme fatale (une bague de fiançaille), elle croit qu'il veut la plaquer. La nuance est de taille mais Anna est ainsi faite, insatisfaite et complètement à côté de ses louboutin. Elle plante chéri en plein milieu du restau, devant tout le monde, même pas honte, elle monte dans sa grosse auto et s'en va sous la pluie pleurnichante, bouder ailleurs.

    Normalement une fille ne devrait jamais prendre le volant par temps de pluie.

    Donc, paf...Anna ! Putain d'camion !

    Sans transition et sous vos applaudissements, on la retrouve à la morgue couchée sur une table et Liam Neeson s'approche dans son grand tablier et avec sa grosse aiguille à matelas lui recoud le bobo qu'elle a à l'arcade ! Anna est morte mais croit qu'elle ne l'est pas. Elle dit : "mais je ne suis pas morte, laissez moi partir, au secours !" Mais elle ne peut pas bouger. C'est parce qu'elle est vraiment morte je crois !

    Liam soupire : "ralalala ! tous les mêmes ! Vous me faites tous le coup... mais si, ma belle, tu es morte".

    "Noooooooooooooooooooooooooooon !!!" qu'elle dit.

    "Si" qu'il répond. Et ça dure 109 minutes.

    Et pendant cette heure et trente neuf minutes, Liam Neeson va s'employer à expliquer à la belle qu'elle doit faire le deuil des vivants. Ah c'est fin ! Parfois il aura l'air tout gentil, genre "je vous comprends les morts, c'est pas fastoche de passer de vie à trépas, mais je suis là pour vous aider". D'autres fois il aura ses nerfs et l'air inquiétant et fera une piquouze direct dans la jugulaire à Anna. "Pourquoi" elle dira. "Pour pas que tu te raidifis trop vite" qu'il répondra, vu que l'enterrement est dans trois jours. Et nous on pensera qu'en fait elle n'est pas vraiment morte et qu'il veut se la faire. Parce qu'Anna c'est Christina Ricci qui a donc l'occasion en la circonstance de passer tout le film à oilpé ou en nuisette. La demoiselle est fort appétissante malgré sa nuisette très très moche et son maquillage famille Adams. Et Liam a beau être croque-mort, avoir été un Juste, il n'en est pas moins homme.

    Il y aura plein de rebondissements incroyables. La mère d'Anna viendra lui rendre visite. Anna dira "elle a pleuré ?". Liam répondra "non". Et c'est vrai, la mère est une vilaine qui ne pense qu'à sa pomme. Mais elle est dans une chaise roulante. On sent qu'elle est aigrie à cause de ça et elle reproche à Anna de l'abandonner. Comme si elle avait fait exprès de mourir.

    Le fiancé voudra rendre visite à Anna mais comme il n'avait pas encore offert la bague à Anna... Liam dit qu'il est pas vraiment de la famille et il lui refuse l'entrée. Anna lui demande si son Jules a pleuré quand il est venu. Et Liam répond "non," et là il ment. C'est moche. Donc, on se dit que Liam en pince pour Anna, il veut se la garder pour lui tout seul et il va se la faire. Sauf que non.

    Il y aura d'autres macchabées qui viendront tenir compagnie à Anna. Mais elle ne sympathisera avec aucun. Un flic rendra une ultime visite à son frère mais quand il verra Anna allongée nue sur le lit à côté, ça va le chatouiller. On se dit qu'il va se la faire, et non !

    Des portes claqueront, des cymbales percuteront alors qu'à l'écran rien ne se passe, des maccab' surgiront de nulle part juste comme ça pour le fun ! Et même pas je sursauterai !

    La grande question demeure : pourquoi ce film de 2009 n'est-il pas resté dans un tiroir alors que, comme nous en discutions encore récemment avec une voisine de palier, de véritables chef-d'oeuvre restent dans les placards ?

    Et comme en ce moment, les critiques des autres m'agréent (c'est l'été j'ai chaud !), je vous livre celle de Noémie Luciani (du Monde) : "Perdus dans les limbes scénaristiques, deux acteurs tentent vainement de rendre le n'importe quoi crédible, et l'actrice principale fait autre chose".

    Il est vrai que Christina Ricci n'a absolument pas l'air de comprendre ce qu'elle a à faire là !

  • HOLY MOTORS de Leos Carax °

    Holy Motors : photoHoly Motors : photoHoly Motors : photo
    Leos Carax lui-même en personne s'éveille, allume une clope, traverse le mur de sa chambre et se retrouve dans une salle de cinéma où un film est projeté.Tous les spectateurs y sont endormis, ou morts. Allez savoir. Un chien ou plutôt un molosse suit un bébé dans l'allée centrale...
    Au petit jour, Monsieur Oscar quitte son domicile bunker et rejoint sa limousine blanche. Au volant, Céline, une belle dame âgée, la gracieuse, gracile et énigmatique Edith Scob et son chignon hitchcockien ! Elle va trimballer Monsieur Oscar à travers Paris jusqu'à l'aube suivante. Entre temps, son passager aura changé une bonne dizaine de fois d'identité, vécu un épisode de la vie de chacun des personnages, succombé plusieurs fois à l'âge, la maladie ou à un coup de surin mais se sera relevé autant de fois. C'est ça la magie du cinéma. Les morts se relèvent à la fin de chaque scène. Heureusement que Leos Carax vient nous le rappeler.
    Je me suis lovée dans mon fauteuil bien décidée à vivre une expérience inédite, une rencontre du quatrième type, tous sens en éveil et prête à chavirer d'émotion... Sauf que, non, rien. Encéphalogramme plat. Je n'ai été ni éblouie, ni impressionnée et encore moins émue. Si ce film m'est resté totalement hermétique et que je n'ai pu décoder une seule des énigmes qu'il est censé contenir, au moins comprends-je mieux aujourd'hui les propos rassurants du réalisateur qui lui non plus ne sait pas à quoi sert son film. Il laisse le soin à ceux qui aiment se faire des noeuds au cerveau de le lui expliquer : "A chaque sortie de film, j'ai cette pensée obsédante qu'il existe quelqu'un qui le verra bientôt et ensuite en éclairera pour moi magiquement la raison d'être. Je cherche toujours son ombre". Cherche gamin, cherche... Je l'espère satisfait car ce garçon semble toujours très accablé par le monde et l'injustice qui y règne. En tout cas, s'il ne l'est pas (satisfait) c'est qu'il fait preuve de mauvaise volonté car les interprétations de sa promenade en limousine foisonnent. J'ai  par contre beaucoup plus de mal à comprendre cette affirmation : "On fait les films pour des morts, ils sont vus par des vivants". Y voir un mépris certain pour le pauvre spectateur bas de plafond (que je suis) serait sans doute désobligeant de ma part. Ou bien suis-je trop vivante pour comprendre Leos Carax !
    Je ne peux bien sûr nier la performance multiple parfaite de Denis Lavant, muse consentante et abandonnée aux mains de son créateur. Indépendamment de son talent de transformiste, l'acteur met toute son énergie, sa fièvre et sa souplesse au service de personnages contrastés. D'abord banquier qui parle CAC, il brosse consciencieusement une perruque et se transforme en vieille mendiante étrangère que tout le monde ignore sur un pont de Paris. A l'issue de chaque scène ? sketche ? épisode ? Monsieur Oscar remonte dans la limo se démaquille et se métamorphose à nouveau devant son miroir de loge de théâtre. Il sera successivement un père de famille déçu par sa fille menteuse, un acteur en motion-capture (prétexte ridicule au tournage d'une scène porno), la créature monstrueuse de Tokyo, Monsieur Merde (mon personnage préféré mais prétexte à une scène grotesque dans les égoûts avec Eva Mendès), un tueur chargé d'abattre son double (la scène la plus réussie), un oncle mourant qui se confie à sa nièce, un amoureux qui revoit son ex (prétexte à laisser Kylie Minogue pousser la chansonnette pour nous expliquer pourquoi elle est si triste : attention, trauma) et j'en oublie sans doute. Voir Céline/Edith Scob remettre deux billets de 20 €uros à Monsieur Oscar qui rentre finalement chez lui et retrouve sa chérie et ses deux filles qui sont trois chimpanzés est la cerise sur le clafoutis qui me fait réellement penser à un gros foutage de gueule, pour être polie ! Même la sublime chanson de Gérard Manset (qu'il convient d'écouter sans les images) ne parvient pas à sauver cette scène qui fait définitivement sombrer le film dans le porte nawak et le ridicule.
    Mes moments préférés restent cette scène tralalaïesque où une dizaine d'accordéonistes en folie investissent une église, et le final grandiose où après qu'Edith Scob (morte de honte sans doute) ait remis son masque des Yeux sans visage, des limousines commencent à discuter entre elles de l'avenir du pauvre monde... soit environ 4 minutes !

  • THE AMAZING SPIDER MAN de Mark Web *

     

    Est-il utile, indispensable de vous remettre en mémoire l'histoire de Peter Parker ? Oui ? Bon. Donc Peter Parker est abandonné tout minot par ses parents, deux scientifiques qui semblent cacher un lourd secret. Ont-ils inventé la marche arrière, le fil à couper le beurre ou l'eau tiède ? On ne le sait mais on voit plein de jolies équations qui font peur sur des tableaux. Peter est donc confié sans explication (bonjour le trauma) à sa tante May (Norma Rae...) et à son Oncle Ben (personnellement chaque fois que j'ai vu apparaître Martin Sheen, j'ai eu envie de chanter). Il grandit et devient le souffre douleur du lycée parce qu'au lieu de jouer au basket il fait des photos. Il est secrètement amoureux de la blondafrange Gwen qui est maquée avec le gossbo musclé de l'école. Un jour de fuite d'eau dans la cave d'Oncle Ben (on chante ?), Peter découvre une mallette que ses parents avaient dissimulée avant de s'enfuir, de disparaître puis de mourir dans un accident d'avion ! Par la même occaze Peter trouve les lunettes de son père (normal de partir sans ses lunettes...), les chausse et devient du coup une tronche en science génétique. Il visite les laboratoires Oscorp dirigés par l'ex associé de son père, le manchot Curt Connors. Il pénètre en douce dans une pièce où sont utilisées des araignées, tripote des trucs qu'il devrait pas et paf... c'est la piqûre. Dès le lendemain, il a les pattes qui collent au plafond et une force surhumaine. ça le fait kiffer grave. Gwen tombe amoureuse de lui mais elle est la fille du chef de la police de New-York, ça craint ! Peter se tricote un super costume moulboules rouge et bleu et décide, alors qu'on ne lui demande rien, d'aider la police à poursuivre les gangsters. Pendant qu'il fait ça, il oublie d'acheter des oeufs et laisse un peu tomber ses oncle et tante. L'Oncle Ben (tous en choeur !) parti à sa recherche, se fait descendre en pleine rue et Peter devient Spider, avide de vengeance ! Dans un moment très hot il confie à Gwen qu'il est un super héros. Elle trouve ça normal et trop cool. Et dans un moment d'égarement il confie à Curt Connors une équation top secret retrouvée dans la sacoche de papa. Erreur ! Le Connors se transforme en lézard vert et c'est la baston !

    Voilà. Pour avoir un aperçu de la suite, il ne faut pas quitter la salle avant la fin du générique... on a une petite idée de ce qui nous attend.

    Donc ici, nous avons affaire à un reboot, c'est-à-dire que le film reprend l'histoire qu'on connaît bien dès le début pour la renouveler et la moderniser à sa sauce. Ne pas confondre avec un remake qui refait la même chose mais en mieux (dans le meilleur des cas). De toute façon, remake ou reboot, on s'en cogne car ce film ne sert strictement à rien parce qu'il n'est pas terrible, ne renouvelle rien, n'invente rien... Le Peter/Spider que l'on connaissait était un garçon charmant qui souhaitait surtout faire profil bas en tentant de résoudre ses problèmes de traumatisme de l'enfance et sa culpabilité de n'avoir pas pu empêcher la mort de son oncle. Ses super pouvoirs lui tombaient dessus un peu comme une malédiction mais il essayait de les utiliser au mieux. Ici, Spider/Peter est plutôt un mariole pas vraiment sympathique qui cherche surtout à venger la mort de Tonton et ensuite à rattraper le coup d'avoir filé une équation dangeureuse au premier venu. Passée la première moitié (la plus intéressante) le film se transforme en une succession de bagarres pas bien passionnantes entre un gros lézard vert chicaneur et violent et un Spider brusquement investi de la mission de sauver New-York le monde. Et on s'en fout un peu.

    La promesse d'une scène géniale (les grutiers de New-York se mobilisent pour aider Spider blessé à se déplacer) fait un flop monumental malgré l'ampli brusquement poussé à 12.

    Le méchant (Rhys Ifans) est beaucoup plus impressionnant en humain qu'en lézard, ce gros machin en plastique qui parle ! Gwen est singée par une Emma Stone sans intérêt. Et Andrew Garfield n'a pas le charme sournois mais durable de Tobey Maguire.

  • LA PART DES ANGES de Ken Loach ****

    La Part des Anges : photoLa Part des Anges : photo

    Pendant les premières minutes on se croirait devant le film de Raymond Depardon 10ème chambre, instants d'audience. De jeunes délinquants défilent à la barre d'un tribunal de Glasgow. Leurs avocats tentent de défendre les causes plus ou moins perdues de ces récidivistes d'agressions, vols et autres délits. Une juge, sensible à la prochaine paternité de Robbie et au fait qu'il a réussi à préserver une relation de couple avec Leonie, future mère de l'enfant à venir, le condamne à une peine de travaux d'intérêt général. C'est ainsi qu'il fait la connaissance de Rhino, Albert et Mo, qui eux aussi ont échappé à la prison. La rencontre avec Henri éducateur paternel, compréhensif et humain va changer leur vie et plus particulièrement celle de Robbie. Contre toute "légalité", Henri emmène les jeunes gens visiter une distillerie en dehors des heures de travaux d'intérêt général et les initie à l'art de la dégustation. Rapidement Robbie se prend de passion pour ce breuvage qu'il ne connaissait pas : le whisky et devient un dégustateur hors pair...

    Ken Loach décide pour cette fois d'offrir une vraie seconde chance à son héros et réalise un film résolument optimiste sans pour autant sombrer dans l'angélisme et le ravissement. Malgré une poisse persistante qui lui colle aux basques, une fatalité et une malchance qui le poursuivent et le rattrapent souvent, une violence instinctive qui ne demande qu'à s'exprimer, Robbie décide de s'en sortir. Pour l'amour d'une femme et d'un enfant. Dès qu'il tient ce tout petit bébé dans les bras, son fils, le jeune homme est transformé. Il se sent devenir important et responsable. Et pourtant ce ne sont pas les épreuves qui vont manquer et s'accumuler pour s'interposer entre lui et cette promesse de vie meilleure. La mouise dans laquelle il se débat à peine, le squat crasseux qu'il occupe, les tabassages de son beau-père qui ne veut plus qu'il revoit sa fille, la haine héréditaire d'un type et de sa bande... Robbie a toutes les raisons de penser qu'il ne s'en sortira jamais.

    Après avoir installé l'environnement dans un contexte social désespérant et une première partie démoralisante, Ken Loach se tourne délibérément vers la comédie alcoolisée et nous offre un Ocean's eleven avec quatre pieds nickelés (dont un particulièrement bas de plafond) qui  vont mettre au point une entourloupe plutôt géniale. Mais forcément hors la loi. Donc, on va trembler pour nos quatre gugus tant leur "coup" semble mal et vite préparé et le suspens sera particulièrement réjouissant. Rire franchement dans un Ken Loach, n'est-ce pas la preuve que ce grand réalisateur infatigablement en colère peut encore nous surprendre ? La part des anges (l'explication du titre est donné doctement dans le film) est une réussite totale. D'une simplicité exemplaire, le scénario nous balade et nous surprend par ces détours burlesques et inattendus. La visite d'une distillerie et une séance de dégustation avec un véritable spécialiste de renom sont insérés opportunément et intelligemment comme deux documentaires à l'intérieur de la fiction.

    Quant à Robbie, petite frappe au visage couturé et regard pénétrant, il est interprété par Paul Branigan, un non professionnel découvert par hasard alors qu'il participait à un programme destiné aux jeunes des quartiers défavorisés. Il est incroyable, d'une justesse et d'une profondeur extraordinaires.