The reader de Stephen Daldry ****
Michaël a presque 16 ans en 1958 lorsqu’il rencontre Hanna par hasard dans une petite ville d’Allemagne de l’Ouest. Entre eux va naître une passion secrète et sensuelle qui va se transformer en sentiments profonds. De 20 ans son aînée, Hanna initie le tout jeune homme au plaisir tandis que lui, encore lycéen va l’enchanter en lui faisant la lecture à voix haute.
Un jour Hanna disparaît. Michaël, devenu étudiant en droit la retrouve des années plus tard en d’étranges circonstances…
Depuis Gran Torino (de qui vous savez), je n’avais pas autant inondé de mes larmes un fauteuil de cinéma. Avec la dernière demi-heure, je me suis effondrée face aux acteurs, aux personnages, aux thèmes bouleversants et aux questions sans réponse la plupart qui parcourent ce film frémissant à l’image du roman capital et troublant dont il est tiré.
Traiter dans le même livre de la question délicate des amours entre une adulte et un mineur, de la Shoah, de la responsabilité collective ou individuelle, de la culpabilité d’aimer un monstre… et d’autres choses encore que je ne révèle pas pour laisser quelques surprises à ceux qui n’ont pas lu le livre, pouvait laisser augurer un film des plus scabreux. Il n’en est rien parce que Stephen Daldry a la grande intelligence de ne rien résoudre, de ne rien juger et de faire de son film à la fois froid et déchirant une œuvre particulièrement dramatique et humaine. Il a également l’immense subtilité de laisser son héroïne « raconter » les camps sans montrer les images des horreurs qu’elle évoque.
Le scenario suit Hanna et Michaël ensemble ou séparément à travers trois périodes clé : 1958, 1988 et 1995 mais pas forcément de façon linéaire. Là non plus, je ne précise pas pour vous laisser les découvrir quels évènements particuliers marquent ces trois années essentielles précisément. Il fallait beaucoup de finesse et de lucidité pour parvenir à émouvoir sans choquer, trahir ou juger. Le pari est parfaitement réussi je trouve.
Quant aux acteurs, ils sont tout simplement fabuleux.
Kate Winslet, très incontestablement récompensée d’un Oscar pour ce rôle, est absolument époustouflante. En peu de mots mais avec une palette d’expressions et d’émotions considérables elle parvient à rendre son personnage énigmatique et équivoque, supportable. Il faut la voir réagir en larmes, en indignation ou en rires face aux lectures de son jeune amant. La démarche lourde et l’inquiétude et la méfiance chevillées au regard, à la fois dure et vulnérable, elle conserve le sourire le plus triste jamais vu. Cette actrice est extraordinaire.
Face à elle, le tout jeune David Kross, séduisant sans être l’ado lisse et stéréotypé qu’on voit trop souvent, parvient à mêler de façon assez troublante l’enfant qu’il est encore et l’adulte qu’il est en train de devenir. Dans les scènes très osées face à Kate Winslet, il est absolument incroyable tout comme dans les moments où il doit lire. On a très hâte de le retrouver.
C’est Ralph Fiennes qui incarne Michaël adulte. Il a évidemment tout ce qu’il faut et notamment cette personnalité ombrageuse pour interpréter cet homme déstabilisé par l’amour d’un été qui l’a brisé à jamais le rendant indisponible aux autres.