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Sur la Route du Cinéma - Page 480

  • Jar City de Baltasar Kormatur ***

    Jar City - Ingvar Eggert SigurðssonJar City - Ingvar Eggert SigurðssonJar City

    A Reykjavik, l’inspecteur Erlendur voit son enquête sur la mort d’un vieil homme le ramener quarante ans en arrière. Une photo mystérieuse de la tombe d’une petite fille le conduit à Jar City où il découvre une insolite collection de bocaux contenant des organes. Il s’agit d’un véritable fichier génétique de la population islandaise…

    Ce polar islandais noir, crasseux, glacial et déroutant brasse maladie génétique et enquête sur un meurtre. C’est aussi pratiquement le seul film en « odorama » connu tant une certaine scène d’exhumation pousse le réalisme sordide jusqu’à nous faire croire qu’on est présent sur place et à nous boucher le nez !

    C’est un polar aux allures macabres, cynique et parfois drôle qui semble piétiner autour de pistes multiples qui perdent l’enquêteur et le spectateur, pour finir par les retrouver, les surprendre et les troubler. Les paysages sublimes balayés par le vent et le froid ajoutent à l’atmosphère étrange de ce film issu d’un pays exotique et méconnu baigné dans une singulière lumière. C’est aussi un acteur immense et atypique Ingvar Eggert Sigurösson au physique pas banal, au regard implacable, aux tenues vestimentaires d’un autre âge, qui, sous son apparence inquiétante d’enquêteur nonchalant  qui mange des choses étranges… et sans état d’âme, se révèle être un papa poule doux et protecteur.

    Une rareté, une curiosité bizarre et étonnante, un voyage en terre inconnue.

  • La belle personne de Christophe Honoré **

    La Belle personne - Louis GarrelLa Belle personne - Léa Seydoux et Grégoire Leprince-RinguetLa Belle personne - Louis Garrel et Léa Seydoux

    Dans un lycée parisien où les profs et les élèves rivalisent de beauté éthérée et se mélangent au gré de leurs amours possibles ou interdites, Junie est la « nouvelle ». Elle va chambouler la tête, le cœur et la vie d’Otto, un garçon de son âge et de Nemours, son prof d’italien.

    Evidemment on ne peut le nier et comme l’a écrit Madame de La Fayette « jamais cour n’a eu tant de belles personnes ». J’aurais aimé adorer ce film pour plein de raisons. Notamment parce qu’il est de Christophe Honoré qui m’a valu mes plus belles émotions « trufaldiennes » (oups !) et cinématographiques de ces dernières années et la découverte de quelques acteurs sublimes. Hélas, cette mayonnaise n’a pas pris, je n’ai cru ni à l’histoire ni aux effets collatéraux en cascade qu’elle entraîne. La patte de Christophe Honoré est là pourtant, indéniablement, ne serait-ce que dans sa façon inimitable de filmer Paris qui donne encore et encore le désir de redécouvrir la ville en dehors de tout circuit touristique. Mais la passion censée animer et détruire les trois personnages en présence m’a laissée de glace. Elle nous est imposée sans qu’on comprenne bien pourquoi et comment cette gamine boudeuse aux yeux rouges (elle vient de perdre sa maman…), ado dans le pur style fille perdue cheveux gras, peut séduire et ravager le cœur des deux garçons. Il faut dire que la fille, la toute nouvelle Léa Seydoux qui semble enflammer aussi les critiques malgré sa diction approximative et son jeu limité ne m’a pas convaincue du tout ; et qu'ils cessent de la comparer à Adjani, pitié ! Il faut dire aussi que mon cœur de pierre était déjà resté de marbre devant la « Naissance des pieuvres » l’an passé, autres ados ronchons et soupirantes. J’aime être emportée par le souffle épique et romanesque des passions romantiques mais je pense que les émois adolescents et capricieux des cours de récré ne me captivent pas. Autant une héroïne shootée au spleen existentialiste peut électriser quand elle est interprétée, incarnée par une actrice qu’on sent bouillonner et animée de l’intérieur autant il ne reste que des bouderies lunatiques exaspérantes quand c’est une petite fille qui s’y colle…

    Face à elle, les deux très aristocratiques Louis Garrel (sublime, qui peut alterner dans la même scène humour, légéreté et désespoir) et Grégoire Leprince Ringuet (la grâce et la ferveur incarnées) sont les joyaux de ce film également illuminé par les apparitions (c’est rien de le dire) luminescentes, flamboyantes, fulgurantes des merveilleuses Chiara Mastroiani et Cothilde Hesme.

  • Rumba de Fiona Gordon, Dominique Abel, Bruno Romy ***

    Rumba - Dominique Abel et Fiona Gordon Rumba - Fiona Gordon

    Fiona grande gigue rousse toute en jambes et Dom échalas squelettique sont profs, elle d’anglais, lui d’éducation physique, ils s’aiment à la folie, vivent ensemble et gagnent des concours régionaux de danse latino, leur passion commune. Un suicidaire malchanceux va venir semer la panique dans ce quotidien radieux où l’imprévu n’avait pas sa place. Les catastrophes vont s’enchaîner : après un accident de voiture, Fiona perd une jambe, Dom est amnésique et oublie ce qu’il a fait ou vu la minute précédente, ils perdent leur travail, leur logement flambe et, pis que tout, Fiona et Dom se perdent…

    Dit comme cela ça paraît complètement loufoque. Et ça l’est et même bien plus que ça. Mais que peut-on attendre d’un ovni quasi muet franco-belge dont la boîte de production porte le doux nom de « Courage mon amour » ? La réponse est dans ce film qui pousse l’absurde au-delà de ses limites. Les influences et références sont tellement évidentes que je n’en parlerai même pas tant les trouvailles qui pleuvent en abondance rendent ce film complètement novateur.

    Fiona et Dom ne sont pas très beaux, leurs visages mobiles se transforment au gré d'expressions « cartoonesques » mais dès que leurs corps caoutchouc s’animent au rythme de trépidantes ou langoureuses rumbas, c’est un enchantement. Les chorégraphies totalement inédites sont un véritable ravissement et il est difficile de quitter Fiona des yeux tant elle invente à chaque pas, à chaque son. Entre les quelques scènes de danse, on assiste à l’effondrement de la vie de ces deux tourtereaux. C’est un drame incontestable mais traité sur le ton de la farce espiègle, alors on rit. On rit beaucoup aux calamités qui s’abattent sur ce couple lunaire, poétique et amoureux. Chaque gag est étiré à l’infini, essoré, rincé jusqu’à ce qu’on ne puisse plus rien en extraire (ce qui ne manquera pas d’agacer les grincheux). La moindre situation donne lieu à des péripéties ubuesques qui déclenchent le sourire, le rire ou l’hilarité. Profs qui me lisez, courez voir ces doux dingues et peut-être l’un d’entre vous pourra lutter pour que soit institutionalisée la sortie des professeurs de l’école de Fiona et Dom, c’est à mourir de rire !

    L’émotion n’est évidemment pas absente puisqu’on se met à trembler aussi et à se demander si les deux amants vont finir par se retrouver. Mais le moment le plus magique, poétique, miraculeux et prodigieux survient quand on s’y attend le moins. Alors que Fiona et Dom, obstinément optimistes malgré l’accumulation de malheurs qui les accablent, finissent par véritablement se décourager, effondrés, lui par terre, elle dans sa chaise roulante… ce sont leurs ombres qui se mettent à danser sur le mur.

    Je crois qu’on peut appeler ça un instant de grâce.

  • Max la Menace de Peter Segal **(*)

    Max la menace - Steve CarellMax la menace - Steve Carell

    Maxwell Smart est un gratte papier grisâtre d’une agence de renseignements américaine, entre FBI et CIA (j’imagine). L’agence s’appelle CONTROL et Max rêve d’en être un de ses mythiques et légendaires « agents de terrain » pour porter de beaux costumes et une cravate assortie. Par un concours de circonstances il accède à cette promotion et se voit chargé de démanteler la dangereuse organisation KAOS dont le chef Siegfried (Terence Stamp, magnétique…) envisage d’équiper les dictateurs (instables et imprévisibles !) du monde entier en armes nucléaires. La co-équipière de Max est la terrible « agent 99 » aussi belle que redoutable !

    A ranger dans la catégorie sitôt vu sitôt oublié ce film à l’humour régressif assumé fait passer un délicieux moment plein de joie et de bonne humeur. Nouveau retour quelques décennies en arrière (décidément) il rappellera encore aux plus âgés d’entre nous que ce Max a bercé notre enfance. C’était l’agent secret le plus balourd et ringard qui soit et qui parlait dans sa chaussure équipée d’un téléphone ; il rejoignait son bureau après avoir franchi de lourdes portes blindées et tapé un code dans une cabine téléphonique ascenseur, au son d'une musiquette inchantable mais inoubliable... ça y est, vous y êtes ! Ce Max nouveau parle aussi à sa chaussure mais beaucoup moins, mais il est également équipé de gadgets insensés tel un lance-flammes dans un couteau suisse, et rien que de l'entendre, et le voir, dire "est-ce que que je serais transparent ?", à force de se faire bousculer voire piétiner, est hilarant ! Moins couillon et même beaucoup plus malin que OSS 117, moins glamour que James-Ô James !-Bond (quoique) ce Max là possède un atout XXL : son interprète, Steve Carell que je ne connaissais que par son très beau et très subtil rôle de dépressif dans « Little Miss Sunshine » (décidément, il faut d’urgence que je me mette à l’humour caca prout pour découvrir des acteurs tels que lui et récemment Adam Sandler). Ici, l’humour bas de plafond fait des prouesses et il faut bien reconnaître que 9 fois sur 10, c’est drôle, très. Steve Carell possède cette espèce de détachement nonchalant, cette fantaisie métaphysique digne de Bill Murray (qui fait ici une apparition… tronquée) et comme il ne se départit jamais d’une raideur plutôt adorable dans sa folie, on meurt d’envie de lui demander d’aller encore plus loin dans l’extravagance, la loufoquerie et l’outrance.

    Max/Steve Carelll est accompagné dans ses exencitricités par l’Agent 99/Anne Hattaway qui s’en donne à cœur joie en prouesses physiques et scènes de séduction et parvient à assurer plus que bien face au rythme comique faussement paresseux de son partenaire.

    Les scènes d’action se succèdent à un rythme d’enfer, les effets spéciaux sont parfaits car invisibles mais vous l’aurez compris la machine de guerre de cette parodie de films d’espionnage, celui dont on  a envie de dire « mais il ne s’arrête jamais ! » c’est Steve Carell.

  • Partir, revenir...

    Je me doute que ce n’est pas le genre de destination qui va en faire rêver beaucoup. C’est pourtant là que je vais :

    un endroit sans cinéma dedans, sans ordinateur mais avec du vent, beaucoup et de la pluie et du silence, sûrement. 

    Me ressourcer, respirer, souffler, oublier, me souvenir, attendre, espérer, soupirer, me détendre, enfin...

    Partir,

    Revenir…

    Je vous laisse en de bonnes mains pattes :

  • Comme les autres de Vincent Garenq *

    Comme les autres - Pascal Elbé et Lambert WilsonComme les autres - Lambert Wilson

    Dans un Paris de carte postale avec vue sur la Tour Eiffel où l’on trouve une place pour se garer juste devant l’appartement avec jardin… Philippe et Emmanuel s’aiment depuis longtemps. Emmanuel veut un enfant et Philippe pas. Alors Philippe quitte Emmanuel qui décide de faire quand même une demande d’adoption. Mais comment devenir papa quand on est homosexuel ?

    Le manque d’ambition dans le traitement d’un sujet grave et dans l’air du temps est assez décevant. Si l’ensemble est joli à regarder, on assiste quand même à une succession de saynètes et à un empilement de clichés :

    -          les homosexuels lisent « Têtu »,

    -          ils portent des chemises mauve,

    -          ils décorent leur appartement avec goût,

    -          les hétéros (hommes) lisent « L’Equipe »,

    -          les vieilles filles rêvent d’enfants,

    -          sans enfant, pas de bonheur et d’épanouissement possibles…

    Si Pascal Elbé, d’habitude excellent, nous la joue ici plus virile que Rambo, Anne Brochet est délicieuse en meilleure copine en mal d’amour… mais le petit miracle se produit dans l’interprétation juste et touchante de Lambert Wilson, convaincant, drôle et émouvant dans son rôle de futur papa perdu et amoureux.

  • Le silence de Lorna de Jean-Pierre et Luc Dardenne ****

    Le Silence de Lorna - Jérémie Renier et Arta DobroshiLe Silence de Lorna - Arta Dobroshi

    Lorna, jeune femme albanaise, a obtenu la nationalité belge grâce à un mariage blanc avec Claudy, camé profond qui alterne désyntox et rechutes. Pour plus de réalisme les deux jeunes gens partagent le même appartement. Lorna travaille dans une blanchisserie mais a aussi un rêve secret : ouvrir un snack avec son véritable amoureux, Sokol. Pour obtenir l’argent nécessaire, elle accepte que Fabio, un petit truand lui organise un nouveau mariage blanc avec un russe prêt à dépenser beaucoup d’argent pour obtenir lui aussi la nationalité belge. Pour cela il faut se débarasser de Claudy…

    J’expédie tout de suite la toute petite déception finale à cause de cette fin très (trop ?) ouverte qui laisse la porte (l’imagination) ouverte à beaucoup de suppositions. Laisser Lorna là on la laisse dans l’état où on la laisse, m’a un peu perturbée…

    Sinon, comme toujours, un film des frères Dardenne est plus que hautement fréquentable voire franchement incontournable ; même si hélas, les critiques en ont déjà trop dit sur ce film (il faudrait leur faire comprendre que lorsque dans le titre d’un film il y a le mot « silence » on essaie de se taire, un minimum…) et le choc qui intervient au bout d’une heure ne sera peut-être plus une surprise pour certains. Dommage car elle est de taille

    Ce film pourrait s’intituler « Le(s) choix de Lorna » tant cette fille est confrontée à des dilemmes, des alternatives voire de véritables cas de conscience. La détermination de Lorna est portée par une actrice, Arta Dobroshi, véritable joyau, qui impose d’emblée sa présence, sa force et sa volonté. Au cœur de ce monde d’hommes perdus, impitoyables, intéressés, parfois les trois à la fois, elle est seule. Qu’elle doute ou qu’elle décide, elle est seule. Sa volonté, sa solitude et sa maturité sont impressionnantes. Comme « Rosetta » en son temps, Lorna avance, volontaire et obstinée. Contre toute attente, c’est Claudy, squelettique, émacié, livide (Jérémy Rénier, magnifique, remarquable, bouleversant (il m’a fait pleurer)) qui sera, involontairement, inconsciemment celui qui va faire s’enrayer la belle machine qui semblait programmée et sans faille. L’attitude de Lorna vis-à-vis de Claudy va évoluer. L’indifférence agacée va faire place à la pitié charitable et évoluer en amour complètement inattendu rendant les choses beaucoup plus compliquées, confuses et inextricables.

    Même si la réalité brutale des situations (obtenir des papiers contre des trafics d’argent) est toujours la constante d’un film « dardennien », ici l’absence de misérabilisme (Lorna a un logement, du travail) est vraiment le bienvenu.

    On comprend que ce film ait obtenu le Prix du Scénario au dernier Festival de Cannes (même si la fin m’a déroutée…) mais ce qui est aussi la marque de fabrique indéniable des frères Dardenne c’est leur éblouissante direction d’acteurs ainsi que leur aptitude à s’entourer d’un casting irréprochable. Jérémie Rénier magnifiquement désespéré, avec ses appels au secours déchirants, sa fragile obstination à tenter de s’en sortir et Arta Dobroshi, belle, mystérieuse, audacieuse, sont inoubliables.

  • Rien que pour vos cheveux de Dennis Dungan **(*)

    Rien que pour vos cheveux - Adam SandlerRien que pour vos cheveux - Adam Sandler

    Zohan est tellement une star sur une plage de son pays, Israël, qu’on l’appelle LE Zohan. Il est aussi le meilleur agent du Mossad. Il réussit où tout le monde échoue à capturer les plus dangereux terroristes palestiniens dont le terrible « Fantôme ». Mais son rêve est de devenir coiffeur à New-York. Un jour il s’échappe, s’installe aux Etats-Unis mais son passé et le Fantôme le rattrapent.

    J’ai ri, mais j’ai ri. J’ai tellement ri que j’en ris encore. J’ai même cru qu’un type assis pas loin de moi avait quitté la salle à cause de mes glapissements... Mais non, je crois que ce film ne peut pas plaire à tout le monde tellement il est débile. Et puis faire rire avec le conflit israëlo-palestinien il fallait oser, même si le message est naïf mais clair : les israëliens et les palestiniens se ressemblent beaucoup…

    Je m’aperçois que je n’ai vu que deux films avec Adam Sandler, « Punch, Drunk, Love » et « Amour et amnésie » qui ne doivent donc pas être très représentatifs de ce que ce taré est capable de faire dans l’humour gras, la bêtise, la vulgarité, la provocation et le mauvais goût… mais il m’a tellement fait rire, que c’est décidé, je vais partir à la découverte d’Adam Sandler. J’y ai vu un mélange de Dujardin, de Chabat et de Gad Elmaleh. Je ne sais comment il est d’habitude mais là, survolté, déchaîné, frénétique il part en vrille du début à la fin. Ses prouesses corporelles (et capillaires) aidées de quelques effets spéciaux absolument parfaits (parce qu’invisibles) sont tout simplement prodigieuses. Ce type est une machine comique, un clown délirant.

    Evidemment, le film qui démarre à 200 à l’heure… (si vous n’aimez pas les 5 premières minutes, pas la peine d’insister, quittez la salle) ressent un ptit coup d’mou vers le milieu et la fin complètement con ne ressemble à rien, mais il faut bien (hélas) finir de rigoler un jour. En attendant, vous pourrez aussi déguster l'immense John Turturro, même si ici il paraît presque sobre à côté de son collègue/ennemi, il est toujours parfaitement hilarant quand il est grotesque et prétentieux, et nous gratifie d’une parodie de « Rocky » tout bonnement grandiose ! Je ne vous parle même pas des guests stars (une star du tennis, une chanteuse à forte poitrine voix…). Vous pourrez également rire aux dépens de Mel Gibson sur qui ce film s’acharne pas mal.

    En un mot vous l’aurez compris ce « You don’t mess with the Zohan » (titre original) ne fait pas dans la dentelle mais tant mieux pis, s’en payer une bonne tranche même pas light, ça fait foutrement du bien !