Lady Jane de Robert Guédiguian ***
Muriel tient une boutique chicos en plein cœur de Marseille. Un appel téléphonique depuis le portable de son fils lui annonce que ce dernier a été enlevé. Une rançon de 200 000 €uros lui est demandée dans les 48 heures. Muriel n’a pas cette somme et va faire appel à René et François, deux amis qu’elle n’a pas vus depuis quinze ans et avec qui elle a fait les 400 coups et surtout de belles conneries…
Guédiguian prend les mêmes mais ne recommencent pas. Quand le temps sera venu (le plus tard possible) de se retourner sur ce qu’il a fait, il pourra contempler une œuvre. Oui, j’aime Guédiguian, sa bande de potes qui vieillit avec lui, l’accompagne et ce qu’ils font… le seul faux pas étant pour moi le pathéticomique « Mon père est ingénieur » où son Ariane jouait le rôle de la Vierge Marie (qui avait 16 ans au grand jour de sa gloire si mes souvenirs sont bons), j’ai failli m’étouffer de rire et le summum du drame porté par la colère « La ville est tranquille ». Ici, Guédiguian nous prend une nouvelle fois à contre-pied pour nous surprendre à nouveau avec un polar noirissime et toute la panoplie qui va avec, tout en continuant de ressasser encore et toujours les thèmes si chers à son cœur : l’amitié, l’amour, la fin des illusions, la trahison des idéaux, l’embourgeoisement qui guette… Il y ajoute une touche de plus en plus obsédante qui apporte à son film des allures mélancoliques, nostalgiques et inquiétantes, la peur et le rejet de la vieillesse qui guette. C’est touchant, sincère et finement observé.
Quant au film, je l’ai trouvé palpitant de bout en bout. Le réalisateur a su insuffler un rythme et un suspens assez haletant avec de véritables morceaux de bravoure à l’intérieur : la scène de la remise de rançon saisissante, filmée avec brio, celle d’un crime dans un parking sous-terrain magistrale… le tout accompagné d’une bande son qui fait ressembler son film à celui d’un tout jeune homme.
C’est plein de haine, de vengeance, de culpabilité et de gens qui ne trouvent pas leur place dans ce monde ! Quant aux acteurs, toujours présents, toujours fidèles ! Jean-Pierre Darroussin parvient à imposer une fois de plus son irrésistible nonchalance, cette espèce d’indolence déprimée un flingue à la main, tout en fêlures comme d’hab’ pour un amour perdu. Gérard Meylan, massif, doux et inquiétant balade son indifférence. Et Ariane, dont Robert est toujours fou amoureux au point de filmer inlassablement son visage, ses jambes… a toujours la tête de celle qui sait tout sur tout, mais là, compte tenu du grand malheur qui la touche, elle parvient à avoir de vrais, grands et beaux moments de douleur et de souffrance non feintes !