The Good Shepherd (Raisons d’État) de Robert de Niro **(*)
En 1939, Edward Wilson est un brillant étudiant en littérature à Yale. Il intègre la très secrète Skull and Bones Society (sorte de franc-maçonnerie aux autoproclamés membres de l’élite nationale… pouah !) où il est recruté par une agence gouvernementale (section contre-espionnage) qui donnera naissance à C.I.A. (ne dites plus LA C.I.A… Est-ce qu’on dit LE Dieu ???). De la création de la plus grande agence de renseignements au monde en passant par la Guerre Froide et la désastreuse intervention ricaine dans la Baie des Cochons en 1961, c’est plus de 20 ans de la vie des services secrets qui nous sont contés et surtout de cet homme qui se dévouera et sacrifiera tout (sa vie, sa famille, ses idéaux) jusqu’à disparaître derrière sa fonction.
Voilà bien le film le plus difficile à résumer tant il est dense, complexe voire parfois franchement abscons. Cela est sans doute dû au fait que j’ai complètement raté mes études de géopolitique et que les arcanes des bassesses et autres erreurs monumentales au plus haut sommet de l’état me semblent inconcevables… pauvre citoyenne naïve et inconsciente que je suis ! Il y a cependant et néanmoins des « gens » qui décident des guerres et les « organisent ». Je vous assure, c’est terrifiant. On a échappé de peu à la troisième, dont le sort a été réglé (expédié) lors d’un concert lyrique… Je passe les horreurs et vous laisse le soin de les découvrir.
Le film de De Niro est admirable à plus d’un titre et à de nombreuses reprises il atteint même des sommets d’intensité dramatique rare tant le climat de paranoïa et de schizophrénie qui s’empare de l’histoire et du personnage principal sont fascinants.
Une chose est sûre, on ne rigole pas dans le contre-espionnage ricain et les espions ici ne vous feront faire aucun « Bond »… A la CIA on porte lunettes à écailles, mine et costume sombres, au FBI, ce sont les tronches et les chapeaux gris qui sont de mise. Pas un sourire donc, dans ce film tendu, sérieux, documenté, grave et « classique ».
Matt Damon s’est emparé du personnage d’Edward Wilson et en livre une composition assez sidérante à la limite de l’autisme. D’étudiant timide et ténébreux il deviendra agent encore plus sombre et maussade qui oscille entre ordure monumentale et patriote exemplaire qui n’a plus que le mot « patrie » à la bouche ! Chapeau bas.
Le casting très luxueux de seconds rôles est un régal : Timothy Hutton, Joe Pesci, Billy Crudup, William Hurt, Robert De Niro himself (très, très impressionnant), Alec Baldwin (plus que parfait), Angelina Jolie (irréprochable)… et surtout, surtout John Turturro, pourriture intégrale et définitive (à qui l’on doit quand même les rares sourires du film… il faut l’avouer), imperturbable sous-fifre dévoué aux basses besognes. Toutes ses apparitions sont des moments de génie et il fait d’une scène de torture (à la limite du soutenable je dois le dire) un sommet !
Pardon Bob, pardon Matt mais « votre » film s’approche si souvent des anges (sans jamais vraiment les tuttoyer) qu’on se prend à rêver ce que Martin et Leo en auraient fait…