Tehilim de Raphaël Nadjari **
Le père, la mère, deux fils, Menachem et David… une famille ordinaire à Jérusalem aujourd’hui. Les enfants se chamaillent sous les yeux agacés et impuissants des parents ! Mais c’est la vie qui va, contraignante et douce à la fois avec sa routine quotidienne et la promesse d’un shabbat rayonnant. Un matin, le père emmène ses enfants à l’école. Il perd soudain le contrôle de son véhicule et termine brusquement sa course dans un arbre. Le petit David est inconscient et le père, incapable de bouger envoie son fils aîné chercher du secours. Lorsqu’il revient, le père a disparu. C’est de cette disparition dont il s’agit ou plutôt de l’absence qu’elle provoque et de la difficulté pour ceux qui restent d’y faire face. Le spectateur comme la famille ne sauront jamais ce qu’est devenu ce père, ce mari… enlèvement, fugue, meurtre !
Dès lors, on assiste au quotidien devenu éprouvant, l’incertitude de l’avenir (la mère ne travaille pas, le compte bancaire de l’absent est (étrangement) bloqué après sa disparition), le petit David fait d’épouvantables cauchemars, l’aîné Menachem, adolescent voûté et boutonneux (qui se révèlera par la suite pas bien malin…) se fracasse contre tous les murs qui lui barrent la route au lieu de lui ouvrir, l’amour, la religion, le manque du père admiré…
C’est beau, fort, simple, touchant et infiniment réaliste. Ancrée dans le réel et la modernité, cette famille ordinaire confrontée à une situation extraordinaire ne peut se défaire de l’emprise de la famille et de la religion. Le père du disparu décrète que la maison doit devenir un lieu de prières et de rencontres à la gloire de l’absent, pour le faire revenir…
Le cinéaste présente son film comme une réflexion sur le judaïsme : "Le judaïsme n'est pas une solution, c'est un environnement de questions qui exigent plus qu'un engagement. Il exige l'intelligence au-delà du fait religieux. C'est un paradoxe, et ce paradoxe est son essence ». Effectivement, il faut savoir et pouvoir prendre du recul par rapport à ces textes emprunts de sagesse mais aussi de mystère et parfois d’obscurité. Les vérités que le grand-père assène à son petit fils sur le bien et le mal (pas d’autre alternative…), la charité etc… qui pour la mécréante que je suis ressemble plus à de la superstition, le jeune garçon les reçoit en pleine face au tout premier degré… ce qui le conduit à faire pas mal de conneries. C’est dans cette partie que ce (beau) film est le plus faible car d’après moi le jeune Menachem, sensé être un ado de 15/16 ans je pense… en paraît 10 de plus. Et surtout, son attitude dos voûté-semelles traînantes finit vraiment par lasser au lieu d’évoquer l’obstination. On a envie de lui dire : « redresse-toi » et aussi, et surtout : « tu pourrais réfléchir avant d’agir ??? »… même si les réactions induites par des situations douloureuses sont les moins critiquables possibles, je trouve que l’acteur est un peu limité pour ce rôle écrasant. C’est le petit frère, tout à fait étonnant, qui semble le porter et lui offre l’occasion à plusieurs reprises de bien belles scènes !
Dommage aussi d’avoir renoncé au titre initial plus long, certes, mais encore tellement plus énigmatique : « Tehilim pour David Frankel ».
En 2005, « Avanim » du même réalisateur avait été un de mes films préférés de l’année ; celui-ci confirme que ce réalisateur va continuer (malgré les réserves) à nous proposer du bien beau cinéma.