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Sur la Route du Cinéma - Page 533

  • Le serpent d’Eric Barbier **

     

    Vincent et Hélène vont divorcer et s’envoient des vacheries et autres noms d’oiseaux par l’intermédiaire de leurs avocats respectifs. Vincent doit se battre, prouver qu’il est un bon père, pour qu’Hélène ne retourne pas s’installer en Allemagne, son pays d’origine, avec leurs deux enfants. C’est ce moment précis dont profite Joseph pour réapparaître dans la vie de Vincent alors qu’ils ne s’étaient pas vus depuis le collège. Joseph orchestre une manipulation infernale et virtuose dans laquelle Vincent sera accusé de viol, de meurtre et se retrouvera bien seul pour tenter de convaincre de son innocence.

    Thriller à l’américaine, ce « Serpent » est la version encore plus tordue d’« Harry, un ami qui vous veut du bien» et même s'il n’est pas absolument inédit (la cinéphile en a tant vu de scénarios tortueux !) la tension, l’intérêt et les revirements sont suffisamment maîtrisés pour mettre honorablement les nerfs à vif jusqu’au dénouement. Par ailleurs, en victime d’abord hébétée, Yvan Attal est parfait dans le rôle de l’homme ordinaire mis dans une situation extraordinaire. Quant à Clovis Cornillac, l’acteur à transformations du cinéma français, il se délecte de son rôle de psychopathe. Notons également Pierre Richard dans le premier rôle inattendu de sa belle carrière.

    De toute façon, découvrir (au cinéma) ce qui se passe dans un cerveau malade est toujours délectable.

    Cela dit, si au collège vous avez fait des blagues vaseuses à un petit copain souffre-douleurs, méfiez-vous !

  • Stranger than fiction de Marc Forster **

    Le titre français est tellement débile (« L’incroyable destin d’Harold Crick ») que je garde l’original…

    Harolc Crick, contrôleur fiscal terne (Will Ferell est donc idéal…) a une vie très solitaire réglée à la seconde et uniquement rythmée par son travail de fonctionnaire zélé. Tout va bien dans le plus banal et incolore des mondes jusqu’à ce qu’il commence à entendre une voix qui commente la moindre de ses actions. Le jour où cette voix lui annonce sa mort imminente il découvre que c'est celle d’une romancière à succès qui écrit le roman de sa vie. Avec l’aide d’un professeur de littérature il va chercher à découvrir de quel écrivain il s’agit et surtout à entrer en contact avec elle.

    Dommage qu’avec un scénario vraiment roublard et original on reste autant sur sa faim et sa fin au cours d’un film paresseux qui pourtant avait de belles occasions de s’envoler vers une fable farfelue flirtant avec le paranormal. Est-ce que cela tient aux acteurs ? Will Ferell est vraiment très très insipide, Emma Thompson, sadique et masculine, très grimaçante et Dustin Hoffman totalement absent. Seule Maggie Gyllenhaal éclaire l’histoire de sa fantaisie.

    Cela dit, on peut voir avec stupéfaction et bonheur à quel point ce sont de petits détails insignifiants qui peuvent nous sauver la vie (ou nous la faire perdre).

     

  • Truands de Frédéric Schoendoerffer

     

     

    Ô rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie !

    N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?

    Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriers

    Que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ?

    Dans la série « je me ferais bien un petit trip d’ultra violence », oubliez « Bad times » (c’est Blanche-Neige), oubliez « Apocalypto » (c’est « Alice au pays des Merveilles »), c’est ici que ça se passe, et je pense que cette fois tous les critiques vont pouvoir déployer leur talent et leur mauvaise humeur.

    Plusieurs bandes de truands, tous très cons (français, arabes, gitans) dont la place vacante laissée par le cerveau est désormais occupée par une bite et un calibre font régner l’ordre sur Paris : trafic de drogues, de cartes grises, rackets et meurtres en tout genre. J'oubliais l'une des dernières répliques : "la livraison d'uranium va bientôt arriver...". 

    De scènes de torture en crises de nerfs, Claude Corti semble régner un peu plus sur tout ça. Il faut dire qu’il vaut mieux ne pas l’énerver car il règle ses problèmes à la perceuse, à la petite cuillère, au flingue ou à la batte de base-ball (petit détail pour ce dernier instrument, il ne frappe pas avec, il l’introduit…). S’il n’est pas armé de ces divers instruments, il n’est jamais à bout d’argument, il encule une fille avec son petit gadget, ça soulage !

    Les hommes sont effrayants, minables et pitoyables, les femmes sont de la barbaque !

    L’histoire, vous me demandez l’histoire ???

    Mais quelle histoire ???

    Face à la sobriété de Benoît Magimel (plus que bienvenue dans ce truc de tordus), Philippe Caubère hurlant, vociférant, grimaçant anéantit devant nos yeux de fan consterné, tout ce qu’il avait porté au génie sur scène.

    Ah oui, j'oubliais, un dernier conseil :

    "Pour pas être dans la ligne de mire ; faut tenir le flingue !"

    On oublie ?

  • Piccolo, Saxo et compagnie de Marco Villamizar**

     

    Ceux qui comme moi ont reçu un jour un skeud… à l’époque ça s’appelait des 33 Tours (c’est tout dire…) nommé « Piccolo, Saxo et compagnie » comprendront la raison de ce bain d’enfance en compagnie d’une maternelle néodomienne !!!

    Sur la Planète Musique, l’orchestre philarmonique vit et s’exprime en parfaite harmonie sur le Volcan rouge. Un jour funeste, les clés Sol, Fa et Ut disparaissent mystérieusement. Dès lors, c’est la cacophonie, les bois accusent du vol les cuivres et réciproquement, quant aux notes, livrées à elles-mêmes, elles redeviennent sauvages. Par hasard, et contre l’avis de leur famille respective, un bois, Piccolo et un cuivre, Saxo deviennent amis et partent à la recherche des clés.

    Voilà un film à l’idée assez géniale qui fait du bruit et met de l’animation en salle : ça rigole et ça tape des mains en rythme. Le cimetière des vieux instruments est gardé par le Métronome : Gardien du Temps, le Saxo lâche des vents, les cordes sont menées par sa Seigneurie La Contrebassitude, le Saxo et le Picolo sont « frères de vent », les percussions font un barouf d’enfer et n’écoutent jamais la caisse claire… C’est coloré (très), vivant et les dialogues sont drôles et bien écrits bien dans l’air du temps.

    Deux petites réserves : les instruments pour ceux qui ne les connaissent pas ne sont pas immédiatement reconnaissables, par ailleurs ce film est déconseillé aux plus de 10 ans !

  • Fur, un portrait imaginaire de Diane Arbus de Steven Shainberg***

    Diane Arbus, mère et femme modèle, s’ennuie ferme dans son grand appartement bourgeois new-yorkais avec ses deux filles et son mari, photographe renommé, dont elle est l’assistante ! Jusqu’au jour où un nouveau locataire emménage dans son immeuble, Lionel. Il est atteint d’une étrange maladie rare qui provoque des problèmes respiratoires irrémédiables et une pilosité qui lui couvre tout le corps. Il fut, un peu comme Elephant Man, un monstre de foire, exposé et humilié. On ne distingue de lui que ses yeux mais Diane est immédiatement fascinée par cet homme doux, mystérieux et raffiné. Il va révéler et affirmer chez elle son attrait pour l’insolite et la monstruosité et finalement révéler son génie.

    Il ne s’agit pas d’une biographie mais d’une évocation plutôt fascinante de l’univers de l’artiste dont on a envie illico de découvrir ou re-découvrir l’œuvre. Ce n’est pas tant la galerie de « freaks » qui est exposée ici qui attire mais la poésie enchanteresse d’une relation amoureuse qui naît. Une femme qui s’ouvre à la sexualité, à la différence et à l’art.

    Comment se fait-il que je trouve 99% des scènes d’amour dans les films plutôt ridicules, et qu’ici le charme opère et qu’on tombe illico sous l’emprise de cette « bête » séduisante ? Cela tient sans doute au réalisateur ! Bien sûr, comme tout réalisateur amoureux de son actrice… lorsque Diane (Nicole Kidman) monte un escalier de 800 marches, c’est en temps réel… mais peu importe, elle gravit les marches comme personne. Cette actrice fait tout comme personne d’ailleurs.

    Evidemment, la scène de l’épilation totale est attendue (avec inquiétude) puisqu’on en parle tant… C’est une réussite totale. Elle commence par les pieds et se termine pour laisser apparaître le très beau et très triste visage (pas mal tailladé) de Lionel (Robert Downey Jr. : quel acteur humble !).

    Si vous entrez dans ce monde hypnotique, différent et poétique vous serez sur un nuage.

    La dernière image, le dernier gros plan sur le visage et le regard de Nicole Kidman est un pur mystère. Cette femme, cette actrice est simplement géniale.

  • APOCALYPTO de Mel Gibson***

     

    Dans une forêt luxuriante, Patte de Jaguar, jeune chef, et des chasseurs chassent. Ils le font pour vivre et subvenir à leurs familles. Le reste du temps, ils se font des blagues vaseuses, jouent avec leurs enfants-rois, font l’amour avec leurs femmes qui ne demandent que ça. Tout va bien. Une tribu belliqueuse et superstitieuse met fin à cette existence idyllique au cours d’une invasion où elle emmène les hommes et les femmes (les enfants sont abandonnés à leur sort) pour les réduire en esclavage ou les offrir en sacrifice au sommet d’un temple. S’échappant miraculeusement, Patte de Jaguar va mettre toutes ses ressources, sa résistance et son imagination pour tenter de sauver sa femme enceinte et son petit garçon.

    Avant toute chose, permettez-moi de m’énerver un peu ! Réduire ce film à un seul mot « la violence » est vraiment niais et je dirai que ceux qui sortent de la salle en pleurnichant « oh la la, c’est violent ! » sont des hypocrites. En effet, pour la sortie de ce film, de quoi d’autre avons-nous entendu parler si ce n’est de la violence ??? Entrer dans une salle en prétendant l’ignorer me semble particulièrement faux-cul donc. Oui c’est violent et alors, la guerre l’est, me semble t’il ! Quant aux sacrifices dont il est tant question : il y en a deux… et je crois me souvenir que dans « Indiana Jones et le Temple maudit » on voyait déjà un pauvre bougre se faire extraire le cœur encore vivant et on n’en avait pas fait un claquos !!!

    Alors, qu’on aime ou pas Mel Gibson (oui, il fait et dit beaucoup d’âneries), je dis qu’il sait tenir une caméra, diriger des acteurs et raconter une histoire. S’il a un goût pathologique pour la violence, c’est son problème. Il n’en reste pas moins que j’ai vu moi un extraordinaire film d’aventures, haletant, passionnant où on se demande à chaque instant comment le héros, Patte de Jaguar va s’en sortir. La Moitié qui m’accompagnait (avec des pieds de plomb… si !) est ressorti avec des ailes en hurlant « cours, Patte de Jaguar, cours ! » et n’a pas vu passer les deux heures palpitantes de cette fabuleuse aventure. Plus d’une heure est consacrée à une enthousiasmante course poursuite dans la jungle où l’on découvre pourquoi le héros (très très beau et très très bon acteur) se nomme Patte de Jaguar et où l’on tremble avec lui. Il faut souhaiter à présent à l'acteur (excellent donc) Rudy Youngblood, qu'on lui propose autre chose que d'être le "bon sauvage" de service.

    Plus qu’autre chose, ce film qui m’a parlé d’amour et d’amitié, m’évoque la naissance d’un héros prêt à tout, à dépasser ses propres limites pour sauver ceux qu’il aime.

    C’est très beau, exotique, sauvage, bien écrit, bien filmé, bien raconté.

    Mel Gibson le dit : "Mon désir était de tourner un film d'action et d'aventure trépidant qui ne laisse aucun répit" : mission accomplie, c’est magnifique et passionnant et le plus effrayant finalement fut pour moi de voir arriver dans quelques goélettes, les conquistadors aux casques d’acier…

  • Bad Times de David Ayer**

     

    Vétéran de la Guerre du Golfe et d’autres endroits où ça a chauffé, Jim, de retour au pays a ses nuits hantées de cauchemars sanglants. Traumatisé et bien fêlé il poursuit un nouveau but : entrer dans la police de Los Angeles ou des Services Secrets. Entre les séances de tests pour divers postes, il occupe le reste de son temps en errances lamentables avec son copain Mike, lui aussi chômeur, dans les bas fonds de la Cité des Anges.

    La virée des deux copains se fait de plus en plus alcoolisée, de plus en plus droguée et par conséquent de plus en plus violente jusqu’à un final auquel on voudrait ne pas s’attendre mais qui laisse complètement anéanti.

    On a l’impression souvent que les deux lascars font tout pour s’en sortir mais que la réinsertion est difficile, voire impossible. La lumière vient des femmes, qu’ils aiment, mais qui ne parviennent que par beaux moments de grâce où même eux y croient encore, à les sortir de leur infernale spirale.

    C’est sec, brutal, violent et dérangeant… mais hélas, Christian Bale est seul à se démener dans cet enfer avec une interprétation haut de gamme au cours de laquelle il peut passer dans la même scène de la tristesse à l’apaisement et à la folie pure. En regardant le générique on trouve en production Christian Bale himself ! Serait-ce une manœuvre de sa part de n’avoir choisi que des acteurs inexistants pour lui donner la réplique ??? En tout cas, c’est réussi, il n’y a que lui. Cet acteur est intense à la limite de l’hallucination par moments. C’est une bombe a-na-tomique et une bombe à retardement !

     

  • Le dernier des fous de Laurent Achard***

     

    La dernière cloche de l’année scolaire sonne… très fort ! Martin, petit garçon à la drôle de bouille, à la démarche étrange, doit faire face à deux angoisses : celle de son prochain passage en sixième et celle, plus profonde, de devoir passer l’été dans sa famille de barjots !

    Dans cette famille, il y a la grand-mère froide et autoritaire (Annie Cordy, impressionnante), la mère, folle à demi qu’on voit à peine et dont on entend les hurlements (Dominique Reymond, folle), le père ravagé de chagrin, le fils aîné, désoeuvré, alcoolique, homosexuel, malheureux comme les pierres (Pascal Cervo, bel acteur, à suivre), Malika, la douce bonne marocaine et Martin donc, qui observe sans broncher s’abattre l’accumulation de malheurs. C’est étonnant toute cette lumière d’été qui envahit l’écran en permanence alors que le drame qui se déroule devant nos yeux effarés est d’une noirceur absolue ! Cependant ici, on n’est ni chez Ken Loach ni chez les frères Dardenne. Il n’y a ni misérabilisme ni satire sociale. Nous sommes dans une grande ferme cossue où toute la violence est pratiquement entièrement hors champ et ce sont les abymes de la folie qui sont explorés.

    Derrière le regard fermé de Martin, on n’imagine pas qu’il cherche et va trouver la solution pour sortir tout le monde de cette confusion.

    La dernière scène de ce film sec, brutal, dépressif, sans espoir, sans musique qui s’achève dans un bruit de tonnerre, vous laisse cloué à votre fauteuil. Glaçant !

  • Hollywood Land de Allen Coutler ***

    George Reeves est le premier acteur à avoir interprété Superman à l’écran. C’était aux Etats-Unis sur le petit écran dans les années cinquante. Cet acteur qui rêvait de grands rôles et avait d’ailleurs joué dans « Autant en emporte le vent » est retrouvé mort d’une balle dans la tête. La police conclut illico à un suicide compte tenu qu’il était dépressif face à la tournure que prenait… ou plutôt ne prenait pas sa carrière. Un « privé » opiniâtre et opportuniste, Louis Simo (Adrien Brody)mène son enquête qui nous emporte dans les coulisses, peu reluisantes de Hollywood. En effet, beaucoup de monde, haut placé dans les studios a intérêt à faire étouffer une affaire qui ressemble plus à un meurtre.

    Voilà un beau film classique et passionnant de bout en bout. Même si l’affaire n’est pas résolue, c’est toujours un plaisir voyeuriste de faire un tour derrière les paillettes et les apparences et découvrir à quel point ce monde impitoyable est dégueulasse.

    Adrien Brody rend son privé idéal comme chaque rôle qu’il aborde. Diane Lane est belle et touchante en amante plus toute jeune.

    Mais la belle, bonne et grande surprise vient de Ben Affleck, acteur plutôt gras jusqu’ici qui compose cette fois une partition pleine de vulnérabilité. En l’observant bien on s’aperçoit à quel point son physique et son jeu sont rétro, ce qui n’a rien de péjoratif… mais au contraire rend encore plus émouvante cette phrase qu’il prononce : « j’aimerais faire une carrière à la Clark Gable ». Sûr qu’il y a quelques décennies il y serait parvenu.

    J’aime quand les acteurs se révèlent, et Ben Affleck est infiniment juste, convaincant et touchant.