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Sur la Route du Cinéma - Page 544

  • Les amitiés maléfiques d’Emmanuel Bourdieu *

    Faire de la littérature au cinéma est difficile, voire carrément casse-gueule. Pour entrer dans cette histoire d’amitiés maléfiques (un bien grand mot), il faut admettre d’emblée comme un théorème que ces trois ou quatre amis ( ???) sont des surdoués de l’écriture dont ils veulent faire leur vie. C’est d’autant plus difficile que tous les personnages m’ont semblé particulièrement antipathiques et qu’à aucun moment il nous est donné l’occasion d’entendre un peu de leur prose qui les asticote tant. Il suffit de convenir avec les personnages que « ah oui c’est bon ce que tu écris » ou « mais c’est vraiment nul ce que tu écris ! »…

    Puis on se demande comment et pourquoi Eloi et Alexandre tombent ainsi sous l’emprise d’André sensé les malmener, les manipuler, leur mentir ? Comment et pourquoi ce pseudo-gourou, même pas charismatique qui récite un texte peu convaincant, pourri jusqu’à la moelle des os, disparaît-il pour réapparaître encore plus rongé de hargne et de jalousie, avec un discours plus lénifiant et convenu que jamais ?

    J’attendais une sombre et exaltante histoire de manipulation machiavélique mais l’ennui s’installe, je me coule dans le fauteuil confortable en attendant la fin et en me fichant éperdument de ce qui se passe sur l’écran. Grrrrrr !

    L’étoile est pour Jacques Bonnafé : irréprochable comme d’habitude !

    P.S. : désolée pour la couleur, je n'ai plus de peinture noire !

  • "Frères humains,

    laissez-moi vous raconter comment ça s'est passé"...

    En cette période d'abstinence forcée et involontaire (les programmes reprendront incessamment...), laissez-moi vous parler d'autre chose. Ce sera l'exception qui confirme la règle.

    Laissez-moi vous parler d'un livre ! Un livre dont chaque phrase est un coup de poing, chaque paragraphe un questionnement, chaque page une remise en question de soi ! En connaissez-vous beaucoup de tels ? C'est comme pour les films ou la musique, on n'en rencontre peu dans l'existence de cette force, de cette intensité, peu d'aussi fulgurants et foudroyants. Une prouesse littéraire (selon moi) d'autant plus qu'il s'agit du premier livre de son auteur.

     

     

    Ce livre c'est "Les bienveillantes" de Jonathan Littell et il nous raconte la seconde guerre mondiale vue (comme jamais à ma connaissance) du côté des bourreaux et surtout d'un en particulier... pas un taré, pas un détraqué, juste un fonctionnaire sadique et zélé. Ce n'est pas un ouvrage historique lénifiant, c'est un roman qui parle à la première personne et dont le héros plaide coupable pour les atrocités commises mais qui associe l'Allemagne entière à ses crimes. Pourquoi l'aiguilleur de trains serait-il plus ou moins coupable que l'Haupsturmführer ? Jonathan Littell raconte, explique ce qui ne signifie pas qu'il justifie, à aucun moment. Au contraire, il donne à chacun la possibilité de se poser les bonnes questions. C'est admirable.

    Mais attention, la lecture de ce livre est insoutenable parce que ce monstre de luxe sans haine ni colère, contrairement à Hitler "outre gonflée de haine et de terreurs impuissantes » est froid et donc il nous glace le sang. Il n’est pas un bras armé, il a un cerveau dont il se sert. Il extermine sans jamais parler de solution finale. Il dit « traitement spécial », « transport approprié », « mesures exécutives »… Il fait ce qu’on lui demande, calmement persuadé qu’il est un homme comme les autres.

    Outre le sujet, le style et le talent hors norme de l’écrivain sont un exploit.

    « Si vous êtes né dans un pays ou à une époque où non seulement personne ne vient tuer votre femme, vos enfants, mais où personne ne vient vous demander de tuer les femmes et les enfants des autres, bénissez Dieu et allez en paix. Mais gardez toujours cette pensée à l’esprit : vous avez peut-être eu plus de chance que moi, mais vous n’êtes pas meilleur ».

     

    L’auteur quant à lui a 39 ans et en paraît 25, il est américain et a passé une partie de sa jeunesse en France. Son livre a été écrit directement en français. Il parle aussi l’anglais, l’allemand, le russe et le serbo-croate. Travailleur humanitaire, il a agi en Bosnie, au Rwanda et en Tchétchénie où il a passé 15 mois dont il est revenu épuisé après avoir survécu à un massacre lors d’une embuscade. Des bourreaux il en a côtoyés et son roman se nourrit donc de son expérience « du terrain ».

    Le succès fulgurant de son livre paru en septembre (plus de 100 000 exemplaires vendus) le laisse parfaitement surpris : « ça me stresse. Ce que je demande, c’est qu’on me laisse tranquille ». S’il y a polémique autour de son sujet, il s’en désintéresse car c’est un homme de terrain avant tout : « Une fois que j’ai fini le livre, le trait est tiré. Les gens font ce qu’ils veulent ».

    Le livre est un chef d’œuvre, l’auteur est un type bien. On ne sort pas indemne de cette lecture. Moi, je suis comblée.

     

  • Le Festival du Film Britannique de Dinard

    se tient, comme son nom l'indique à Dinard, au bord de l'eau (va voir, Joye : http://www.ville-dinard.fr), une statue d'Alfred Hitchcock trône sur la plage... et il récompense chaque année le meilleur film britannique (pas Alfred... le Festival !).

    La 17ème édition (et oui déjà...) se tiendra du 5 au 8 octobre prochain. Le président du Jury sera cette année François Berléand. Vous pouvez tout savoir ici. Mais aussi Sandra, chaussée de ses tongs d'automne  nous en fera un compte rendu sensible et détaillé, dès son retour.

     

    Affiche FFBD 2006

    Moi, je n'y serai pas, et j'en suis malade. Envoyez-moi vos fleurs ici.

    Sinon, si vous êtes d'humeur "surfeuse", rendez une visite à Osmany.

  • Le diable s’habille en Prada de David Frankel*

    Est-ce mon désintérêt absolument total pour ce « milieu » qui fait que je trouve ce film débile et sans intérêt ou presque ??? Car heureusement, le diable ici c’est Méryl Streep. Sa classe et sa distinction en font une Cruella d’enfer vraiment pas ordinaire et elle n’a nul besoin d’en faire des tonnes pour incarner la puissance tyrannique qu’elle exerce sur tout son entourage, le mépris, l’autorité (sans jamais hausser le ton, ses répliques cinglantes et son agacement palpable à l’écran suffisent pour qu’elle se fasse comprendre). Aaah, sa façon irrésistible de dire à tout le monde "je vous présente ma nouvelle Emily" alors que sa nouvelle assistante s'appelle Andrea !!!

    Pour le reste, je salue Stanley Tucci, second couteau toujours au top et Emily Blunt qui est la seule, semble t’il, à avoir compris le second degré de son rôle de teigne.

    Sinon, j’avoue que voir une petite dinde prétentieuse (taille 40 : oh ! l’obèse) aux cheveux sales, auto-proclamée surdouée, devenir une petite dinde prétentieuse (taille 38 : waouh le régime) aux cheveux propres dès l’instant qu’on la hisse sur des talons aiguilles… me laisse de marbre ! En fait, pas de marbre du tout, c’est irritant, c’est ridicule, très bête et plutôt consternant. Mais je ne suis pas dans le coup car il paraît que pour faire partie de cet univers destiné aux anorexiques multi-milliardaires, des millions de filles tueraient !!! Dans le rôle de l’arriviste qui essaie de nous la jouer poupée manipulée : Anne Hathaway à qui il faudra que l’on explique que le cinéma c’est 24 images/seconde et pas 24 grimaces/seconde. Ah ces jeunes !!!

    Si vous souriez plus de trois fois c’est que vous êtes de très très bonne humeur, sinon, c’est la moue assurée !

    Sans Méryl Streep, impériale… mais qui semble avoir un mal de chien à le « défendre », ce petit film de rien du tout irait directement aux oubliettes.

    Ah oui, j’oubliais, rassurez-vous, Dieu existe (j’invente rien, c’est dit noir sur blanc dans le film) : la morale est sauve !!!

     

  • La Méthode de Marcelo Pineyro***

    Bienvenue dans l’entreprise, cet univers impitoyable. 7 candidats (5 hommes, 2 femmes…) ont été sélectionnés pour pourvoir un poste de cadre dans une multinationale. Ils se retrouvent dans la même pièce et comprennent rapidement qu’ils vont devoir s’éliminer les uns les autres jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’un. Lors des tests, sadiques et sophistiqués, chacun doit prouver pourquoi il est le meilleur. Le jeu de massacre peut commencer. Pour Eduardo, tapez 1, on connaît la chanson…

    C’est un huis clos asphyxiant, on ne sort pratiquement pas de la salle de tortures… mais c’est passionnant et jubilatoire, servi par des dialogues cyniques, cruels et plein d’humour et par une interprétation des plus réjouissantes (Eduardo Noriega et Pablo Echarry : muy caliente). La morale (y'en a t'il une ?)  n’est pas drôle du tout mais une fois encore on nous démontre jusqu’à quelles bassesses l’être humain est capable d’aller pour sauver sa peau.

     

  • Sarajevo, mon amour de Jasmila Zbanic***

     La vie quotidienne à Sarajevo, après la guerre. C’est une ville grouillante où tout le monde court, dans les bus, dans les rues, ça bouge. Tout semble « normal » et pourtant certains murs sont encore criblés d’impacts de balles. La jeunesse s’étourdit dans des bars où l’on danse au son de cette musique endiablée et si vibrante, chacun se rend à son travail ou à l’école. La vie a repris ses droits mais… ceux qui faisaient des études avant la guerre n’ont pas eu l’énergie de les reprendre après, les femmes se réunissent en groupes de paroles pour exorciser les démons ou tenter de cicatriser les plaies, les enfants sans père se les inventent héros… C’est le cas de Sara, ado boudeuse à la fois tendre et violente qui vit avec sa mère Esma, courageuse et abîmée qui semble cacher un secret à sa fille.

    Ce récit sobre et poignant a reçu l’Ours d’Or au Festival de Berlin. C’est mérité car il s’agit à nouveau d’une histoire qui rend hommage aux victimes oubliées des conflits. Pétri d’humanité et illuminé par ses deux actrices principales, impliquées et écorchées, ce film émouvant nous rappelle une fois encore les ravages irréparables des guerres et comment des êtres humains peuvent dévaster la vie d’autres êtres humains

  • INDIGENES de Rachid Bouchareb ****

     

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    - « Ne les appelez pas les indigènes, mon capitaine !

    - Ben, les musulmans alors ?

    - Non, ils n’aiment pas non plus.

    - On doit les appeler comment alors ?

    - Les Hommes mon capitaine !!! ».

    Il y a toujours des scènes ou des répliques chocs dans les films. Ce film est un choc à lui tout seul. Des « africains » se sont engagés pour libérer la France, ici, Rachid Bouchareb s’intéresse aux algériens et aux marocains qui viennent pour la première fois fouler le sol de la « mère patrie », chanter « La Marseillaise » et libérer la France du nazisme. Le périple commence en Italie, se poursuit en Provence pour se terminer dans les Vosges puis en Alsace où quatre hommes résistent en attendant l’arrivée de la troupe… Quatre hommes dans la tourmente, transformés en « chair à canon » destinés à monter à l’assaut en première ligne ! Des hommes qu’on a utilisés, à qui on a menti et qu’on a oubliés.

    Vive la France !

    Rachid Bouchareb souhaite simplement que justice leur soit rendue en leur donnant une place dans les livres d’histoire, c’est peu, c’est énorme. Rendons dès à présent au moins hommage à son très très beau film, vibrant et bouleversant, qui alterne les scènes de bravoure militaire et les moments intimes. Mais ici, une fois encore, les soldats ne meurent pas dans des ralentis esthétisants et déplacés. Les hommes même s’ils sont solidaires et fraternels ne sont pas en colonie de vacances, comme parfois dans certains films, où entre deux combats, ils semblent être dans une fête entre potes. La guerre pue, les hommes crèvent de trouille, le temps s’étire, les injustices pleuvent (permissions pour les « métropolitains » et pas pour les « indigènes » par exemple…). Pratiquement deux ans à libérer un pays qui les ignorera, les rejettera, alors qu’ils se demandent parfois : « qu’est-ce qu’on fout ici mon capitaine ? ».

    Le film est beau, intense, puissant et la dernière demi-heure, beaucoup plus romanesque et spectaculaire est déchirante et bouleversante. Le tout dernier plan, douloureux et poignant vous laisse effondré dans votre fauteuil. Une fois encore, le public ne s’y trompe pas, qui ne peut manifester son adhésion qu’en applaudissant.

    Que dire des interprètes, sinon que Wong Kar Wai et son jury ne se sont pas trompés non plus à Cannes, même si Sami Bouajila me semble dominer cette interprétation sans faille. Il faut dire que son rôle est magnifique, et il est époustouflant d’énergie et d’obstination tranquilles ! De Samy Nacéri se dégage une force intérieure inouïe, une rage contenue impressionnante. Roschdy Zem, à la fois calme et tendu est une sorte de colosse tendre et fragile. Jamel Debbouze fait parler ses yeux comme jamais, prêt à tout pour être aimé et reconnu. Bernard Blancan, déchiré, à la fois brusque et humain est parfait.

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    Une histoire oubliée, voire méconnue, racontée par des acteurs impliqués, concernés, véritablement « habités »…

    faites-leur un triomphe car le film est magnifique !

  • 12 and holding de Michaël Cuerta ***

    Jacob, Malee et Léonard, sont amis. Ils ont douze ans et vont quitter l’enfance, chacun à leur façon en fonction des événements qui vont bouleverser leur existence.

    Jacob, frêle petit garçon au visage barré d’une tache de naissance, perd son frère jumeau dans un incendie à la fois criminel et accidentel et se retrouve animé d’un désir de vengeance. Malee, ado précoce et délaissée, use de tous les moyens pour séduire un homme sous le charme duquel elle est tombée. Léonard, garçon obèse dans une famille d’obèses cherche à se sauver et à sauver sa famille (contre son gré) de leur « infirmité ». Autour de ces enfants blessés, les adultes, les parents, ni pires, ni meilleurs que d’autres, déroutés par les circonstances, font ce qu’ils peuvent, et peuvent souvent peu et mal !

    A une aberration scénaristique près, le parcours des trois amis est filmé avec beaucoup d’intelligence et il se dégage de ce film, entre drame et comédie, énormément d’émotions et de douleurs. Les trois enfants, à des années lumières des pestes qui trépignent pour un match de base-ball ou un anniversaire…, sont absolument formidables, justes, touchants et étonnants.

  • Président de Lionel Delplanque **

     

    Voir un Président de la République propre sur lui et presque propre dans sa tête devenir un pourri de première, on connaît… on a ce qu’il faut sur le Trône de France depuis… je vous laisse remplir les points de suspension ! Par contre, ce qui est réjouissant c’est de voir les coulisses du pouvoir, le train de vie royal, les adultères, les compromissions, les disparitions suspectes et j’en passe. Ici, le bureau n’est pas ovale, il est rectangulaire mais les idées qui circulent sont quand même courbes.

    Au-delà de tout, c’est l’interprétation qui est impériale et emporte l’adhésion jusque dans les moindres seconds rôles de gardes du corps par exemple.

    Albert Dupontel, plus charismatique qu’on ne l’a jamais vu fait un excellent président, crédible, capable de faire un discours de rock star, de poser toutes dents dehors pour des magazines, aidé en cette mascarade par un maître ès communication (Jackie Berroyer, irrésistible). Jérémie Rénier excelle, film après film à jouer les arrivistes aux dents longues. Claude Rich, comme toujours, raide comme un piquet, se régale et nous régale à être le mentor, cynique, ambigu et séduisant.

    Lionel Delplanque enfonce le clou un peu profond avec une scène, très JFK où une tentative d’assassinat est récupérée aux fins de gagner des points dans l’opinion publique.

    Cet univers assez nauséabond est rendu de façon très contradictoire bien sympathique grâce à cette interprétation sans faille où tout le monde semble s’être bien amusé.