TETRO de Francis Ford Coppola ***
Benjamin est serveur sur un paquebot. Lors d’une halte forcée à Buenos Aires, il décide de rendre visite à son demi frère Angelo qu’il n’a pas revu depuis des années. Il est très froidement accueilli par ce frère qui a depuis de longues années coupé tous les ponts avec sa famille au point de ne plus porter son prénom et se faire appeler « Tetro », diminutif de son patronyme Tetrocini.
Très déçu par cet accueil glacial Benjamin décide néanmoins de s’installer pour quelques jours. Il relit la lettre que son aîné lui avait adressée 10 ans auparavant et dans laquelle il lui promettait de revenir le chercher. Le gouffre qui s’est creusé entre les deux frères semble infranchissable mais le plus jeune, plus que tout, cherche à comprendre pourquoi ce silence s'est installé, pourquoi leur famille est brisée (ils ne sont pas de la même mère) et à savoir d’où il vient, qui il est. Ce qui semble le plus rapprocher les deux hommes, est l’ombre colossale, envahissante de leur père, chef d’orchestre et compositeur mégalo et réputé capable de dire à son aîné qui lui annonce qu’il veut devenir écrivain « Il ne peut y avoir qu’un seul génie dans une famille ». La rivalité artistique n’est pas le seul obstacle qui existe entre le père et ses fils et peu à peu, en même temps que Benjamin, on va découvrir les lourds secrets qui pèsent sur les hommes de cette famille, ont engourdi puis anéanti les sentiments à force de trahison et de non-dits.
Tetro partage la vie d’une femme, très belle, d’une patience et d’une indulgence admirables. Elle a été sa thérapeute lorsqu’il fut interné dans un hôpital psychiatrique. C’est pendant ce séjour qu’il a écrit une pièce de théâtre inachevée dans un langage codé que Benjamin va décrypter et retranscrire en cachette lui donnant la fin qu’il juge la plus probable et sera à l'origine de nouvelles révélations.
Les mystères, les secrets, les trahisons sont au cœur de cette tragédie familiale où le fantôme du père absent ou présent flotte et envahit la vie telle la statue du Commandeur s’installant à la table sans y être invité.
Autant le dire, « Tetro » est d’une beauté foudroyante principalement grâce à ce noir et blanc qui illumine chaque plan, chaque décor, chaque ombre, chaque visage. La lumière est parfois aveuglante et curieusement, sans doute parce qu’il n’est pas un réalisateur comme les autres, Coppola nous propose les flash-backs en couleurs.
Lyrique et exaltée, la dernière demi-heure n’est pas sans rappeler la fin du Parrain 3.
Vinvent Gallo (magnifique), apprivoisé, dompté, maîtrisé par le Maître, est d’une étonnante et très bienvenue sobriété.
Il faut reconnaître que Alden Ehrenreich le tout jeune acteur qui interprète Benjamin est vraiment formidable également mais que sa troublante ressemblance avec Leonardo di Caprio est presque dérangeante.
Vous vous souvenez peut-être à quel point j’avais été transportée, chavirée par le précédent film de Francis Ford Coppola « L’homme sans âge »… Mon attente n’en était que décuplée et il est incontestable qu’avec « Tetro », le renouveau, la renaissance du réalisateur sont confirmés. Hélas, mille fois hélas, il ne bouleversera pas mon « classement » 2009 car s’il est un film admirable, « Tetro » souffre d’un regret impardonnable : l’absence totale d’émotion…