Nos souvenirs brûlés de Suzanne Bier °
Steven est un homme exemplaire, un mari irréprochable, un père parfait, un ami infaillible. Les cathos doivent appeler ça un saint mais comme je n’ai aucune religion, j’appelle ça un moudujnou, du genre qu’on a envie de secouer pour savoir s’il y a quelqu’un à l’intérieur ! Hélas la perfection n’est pas immortelle et, alors qu’il porte secours à une fille qui se fait tabasser par son mec en pleine rue (un saint je vous dis !), il se prend une balle perdue dans le buffet et meurt. Audrey doit faire face à ce deuil. C’est parti mon kiki !
Je ne sais ce que la réalisatrice danoise Suzanne Bier a perdu en traversant l’Atlantique mais je me suis précipitée lorsque j’ai vu son nom à l’affiche de ce film, ayant encore bien en tête les vibrants et bouleversants « Open hearts » et « After the wedding ». Qu’en reste t’il à part le thème du deuil qu’elle n’en finit pas de disséquer et quelques très gros plans insistants sur des regards qui s’embuent ? Dès la scène d’ouverture où le père (David Duchovny, très mortel) explique à son fils (tête à claques et à bouclettes) que fluorescent signifie « éclairé de l’intérieur… oui… comme toi, fils ! », on a envie de crier au secours… ça ne va pas s’arranger. Tout devient hollywoodien, plat, convenu et prévisible ! Lorsque la police vient annoncer à Audrey (Halle Berry, actrice très surestimée lisse et sans aspérité) que son mari est mort, elle dit : « je suis mère de famille et mes enfants attendent que leur papa leur rapporte des glaces !!! », on hésite entre la fuite et le fourire. Il est évident qu’à l’annonce d’une telle nouvelle dévastatrice, les réactions ne sont pas toujours celles qu’on attend ou suppose… mais là, on a vraiment envie de faire répondre au policier : « z’inquiétez pas ma p’tite dame, on vous a ramené les glaces !!! ». La suite vaut son pesant de beurre de cacahuète. Que faites-vous lorsque vous êtes confronté à l’une des situations les plus traumatisantes de votre vie ??? Et bien vous allez sonner à la porte de la personne que vous détestez le plus au monde et vous l’installez dans votre maison cte bonne blague… je n’irai pas jusqu’à dire dans le lit encore chaud du mort, mais pas loin !
En l’occurrence, il s’agit de Jerry, le meilleur ami du défunt, héroïnomane invertébré qui a gâché quelques soirées de madame quand monsieur (le saint, vous vous souvenez ?) la délaissait pour tenter de sortir l’épave du caniveau ! Heureusement, Jerry accepte de s’installer chez Audrey, sinon il n’y aurait pas de film et surtout il n’y aurait pas Benicio Del Toro***. Jerry va tenter de « décrocher » puis rechuter. Audrey va l’aider à s’en sortir (c’est le principe des vases communicants : un deuil/une désintox), le récupérer dans le ruisseau, l’enfermer pour qu’il se torde de douleur, en manque. Dans ses moments de lucidité, Jerry va à son tour régler bien des traumas familiaux, avec les enfants notamment. Grâce à lui le fils va réussir à mettre sa tête (à claques et à bouclettes) sous l’eau, ce que le Saint n’avait jamais réussi à lui faire faire… la fille (tête à bouclettes aussi, mais UN PEU moins à claques) va cesser de sécher les cours pour aller voir des Hitchcock au cinéma. Audrey va réussir à entrer dans le bureau de feu son époux... jusque là, quand elle avait besoin de quelque chose qui se trouvait dans le bureau… elle le pointait du doigt en tremblotant et en murmurant « c’eeeest làààà baas »… comme moi quand je vois une araignée et que je grimpe sur une chaise en hurlant : « mygaaaaaaaaaaaaaaale !!!!!!!!!!!!!! ». Vous voyez ? Non ! Tant pis.
Alors évidemment Benicio Del Toro*** (béni soit-il !) est doux, fragile et fort et sexyssime mais il ne parvient pas à lui tout seul, bien qu’il soit absolument extraordinaire en junkie, à sortir l’histoire et ce film paresseux de la torpeur, de la fadeur dans lesquelles ils sombrent irrémédiablement. Sans doute aurait-il simplement fallu une actrice capable d’exprimer et de faire ressentir un minimum d’émotions et des situations et des dialogues un peu moins prévisibles… j’en sais rien et ça fait quand même beaucoup pour un seul film !
P.S. : vous ne le savez peut-être pas encore mais Benicio Del Toro*** sera très prochainement Ernesto Che Guevara dans le prochain film de Soderbergh. On y sera, hasta siempre...